histoires aiment débuter par : il était une fois.
Je me demande si les victoires ne commencent pas par : il était une foi.
L'autre soir, à la maison, nous étions avec des amis. Des amis étaient avec nous. Ca papotait, mangeait, picolait pour certains, rigolait. Nous parlions de choses légères, sérieusement, et de choses sérieuses, légèrement.
C'était une bonne soirée.
Après une nuit de sommeil, je me suis pourtant dit : Mince, j'ai sans doute oublié l'essentiel.
Je me suis dit : Oui, j'ai oublié de leur demander quelles victoires ils avaient remportés ces derniers jours, ces derniers temps.
Cette question ne m'était pas venue à l'esprit tout au long de la soirée et au matin, je me rendais compte à quel point je n'avais eu qu'elle en tête. Sans le savoir. Tapie. Nichée quelque part. De ces quelques parts que faute d'arpenter avec persévérance on finit par oublier qu'ils existent. De ces quelques parts qui valent tant de soleils.
J'avais envie de leur poser cette question, de me la poser à moi aussi, un peu par provocation. Par désir de contrarier. Contrarier dans le bon sens du terme. J'avais envie de la poser parce que je me rendais compte ce dont je me rends compte depuis tellement de temps : de nos jours, la parole sert presque de manière exclusive à dire ce qui n'est pas, ce qui n'est plus, ce qui n'est pas assez, ce qui n'est pas bien, ce qui n'est pas encore. Et j'en oublie, sans doute. La parole crache des glaires. Elle peut pourtant en dire tellement.
Demander les victoires, c'était assez simplement dans mon esprit un besoin. Restaurer la parole dans ce qu'elle peut aussi être : quelque chose qui dit du bien, qui fait du bien, qui met des fleurs et des feuilles aux arbres même en hiver. Du positif. Dans un océan de grimaces.
L'air de rien, on se raconte peu nos victoires.
Alors je vous propose de le faire ici. Racontons-nous nos victoires de ces derniers temps. Racontons-nous nos pépites que si ça se trouve, même nous on les a oubliées. Proposons-nous les, au nom de ce désir de tordre le cou quelques instants à cette morosité ambiante. Dont on oublie sans trouve trop souvent à quel point nous en sommes les ambassadeurs, planqués que nous sommes derrière nos éducations, nos cultures, nos écrans, nos collègues, nos enfants, nos agendas. Parlons des victoires, des trains qui arrivent à l'heure. Puisqu'ailleurs et un peu partout on ne le fait, on ne le fait plus. Puisque seule la victoire est jolie.