Les séries canadiennes ont longtemps souffert en France d'une exposition relativement confidentielle. Si on a pu constater des progrès importants, notamment initiés avec la diffusion en prime-time de ReGenesis par Arte, il reste encore beaucoup à faire.
Si je ne connais malheureusement que de trop loin les productions de ce pays, voici cinq séries canadiennes de cette dernière décennie que j'accueillerais volontiers dans ma DVDthèque idéale.
Charlie Jade (co-production avec l'Afrique du Sud) (Space, 2005)
Cette série, qui ne comporte qu'une seule saison, est un petit OVNI télévisuel qui mérite vraiment le détour. S'inscrivant dans le genre fantastique, elle met en place un univers sombre, exploitant habilement la thématique des mondes parallèles. Le héros, Charlie Jade, est un détective privé, vivant dans une vaste mégalopole industrielle, Cape City. A la suite d'une rencontre avec une jeune femme perdue, il va découvrir l'existence d'un univers où coexistent trois réalités (l'Alphaverse, le Betaverse et le Gammaverse), dont l'équilibre est sur le point d'être rompu par les actions d'une puissante entreprise de son monde, Vexcor Technologies. Charle Jade est une série déroutante et intrigante à plus d'un titre. A partir d'un budget minimal, elle parvient à créer une atmosphère inhabituelle, impossible à catégoriser, sur la forme comme sur le fond. En effet, la réalisation verse déjà dans l'originalité, exploitant filtres de couleur et cadrages étranges pour créer une impression diffuse de mystère, laquelle est renforcée par un style de narration relâché, qui donne à l'ensemble un ton presque poétique.
Avec quelques effets de style et une histoire complexe, la série réussit la surprise de parvenir à exercer une véritable fascination sur le téléspectateur, qui suit ces aventures avec curiosité, très intrigué. En somme, un OVNI télévisuel très particulier, à découvrir.
Durham County (The Movie Network, 2007-..)
Durham County est une série policière atypique. Bien loin des formula show classiques, les enquêtes ne s'y succèdent pas au rythme saccadé d'une par épisode, mais, au contraire, les intrigues s'étalent, se complexifient et prennent progressivement toutes leurs dimensions. Dans l'atmosphère presque oppressante, voire étouffante, de Durham, sous ces poteaux électriques à perte de vue, nous suivons Mike Sweeney, un policier, qui emménage dans cette nouvelle ville au début de la série, accompagné d'une famille déjà très éprouvée par le cancer de sa femme, et avec l'espoir de repartir à zéro. A partir de cette base, Durham County va à merveille exploiter de solides scénarios, d'où ressort une ambiance pesante. Elle fascine également par l'esthétique de ses images, dominées par des couleurs froides, qui colle parfaitement au ton de la série.
La saison 3 de cette série trop méconnue est actuellement en préparation : une expérience téléphagique à tenter !
Intelligence (CBC, 2006-2007)
Série sombre, elle nous plonge dans les rouages du crime organisé de la région de Vancouver, en s'intéressant tout particulièrement aux rapports étroits et parfois flous qu'entretiennent les autorités et les mafieux. Au milieu de ce champ de bataille urbain, où manipulation et infiltration règnent au sein même de chacun des camps, où tout se monnaye et où la clé du pouvoir réside dans la détention de parcelles d'information, Jimmy Reardon occupe une position prééminente au sein du crime organisé de Vancouver. A la suite d'un concours de circonstances, il va être amené à collaborer avec celle qui dirige la lutte contre le grand banditisme. Intelligence parvient à générer un microcosme complexe, où domine une étrange consanguinité. A la croisée des genres, policier, gangster et espionnage, cette série constitue une des belles réussites canadiennes de ces dernières années. Parmi les nombreuses têtes connues du casting, figure notamment Ian Tracey (Coroner DaVinci).
ReGenesis (The Movie Network, 2004-2008)
"The future is here. Bioterrorism. Designer babies. Frankenfoods. Suddenly Humanity possesses the ability to play god. But is it progress-or madness? Will cutting-edge science be our salvation? Or our demise? The Pandora's box of biotech is wide open. Have we gone too far ?"
Cette série, qui se présente sous la forme d'un thriller scientifique, nous introduit au sein du Norbac, un organisme nord-américain créé pour étudier et faire face aux menaces biologiques et sanitaires que l'avancée des sciences, ou encore les attaques terroristes, font peser sur les sociétés occidentales. Tout en sensibilisant à divers enjeux actuels, la série amène à s'interroger sur les limites et l'utilisation des sciences. Son attrait réside dans le fait qu'elle parvient à conserver un équilibre entre les enquêtes scientifiques, menées par les membres d'une équipe bigarée et soudée, et leur vie personnelle. Progressivement, ReGenesis va d'ailleurs, au fil des saisons, de plus en plus s'intéresser à ses personnages, auxquels le téléspectateur s'est attaché. Tandis que la première saison avait constitué un vaste "toutélié" conspirationniste où tout s'emboîtait à la fin. Même si la qualité fluctue, l'intérêt du téléspectateur ne se dément pas pour cette série très intéressante, qui traite avec beaucoup de sérieux et de rigueur d'une thématique scientifique, insuffisamment exploitée à bon escient dans le petit écran.
Slings & Arrows (The Movie Network, 2003-2006)
"To be, or not to be: that is the question : Whether 'tis nobler in the mind to suffer the slings and arrows of outrageous fortune, or to take arms against a sea of troubles, and by opposing end them?" (Hamlet, Acte III, Scène I)
Ce petit bijou méconnu nous plonge dans un milieu peu exploré par les fictions télévisées : le théâtre. Elle se propose de nous faire vivre le quotidien tumultueux, souvent rocambolesque, mais toujours intense, d'une troupe de théâtre. Chacune des trois saisons qu'elle comporte va être consacrée à la mise en scène d'une pièce particulière de Shakespeare : Hamlet (dont elle tire son titre, en saison 1), Macbeth (saison 2) et enfin Le roi Lear (saison 3).
Slings & Arrows se révèle très vivante et attachante. Elle nous narre, sur un rythme dynamique, la vie de cette troupe, dirigée par une personnalité haute en couleur, Geoffrey Tennant (incarné par l'excellent Paul Gross (Un tandem de choc)), un acteur talentueux mais quelque peu instable mentalement, dont le caractère et les lubies créent souvent plus de soucis qu'il n'en résoud. Tour à tour sarcastique, drôle, émouvante, voire parfois cynique, cette dramédie alterne habilement les genres, pouvant passer avec subtilité du rire aux larmes en un clin d'oeil.
C'est une série originale qui rappelle encore une fois toute la richesse du petit écran : à découvrir sans hésitation !