Une bonne blague de fin d’année, pour la finir en larmes.

Histoire vraie, c’est ça qui est triste. C’est donc ça qui est drôle. Mais c’est triste d’en rire, vous devriez en avoir honte.

Un ami vient de m’appeler : « On parle de toi dans le dernier numéro du Magazine des Livres ». Le temps d’atteler mon scooter, je file acheter ledit magazine à Montparnasse.

Le scooter est un endroit idéal pour réfléchir intensément : à quel titre pourrais-je être cité dans Le Magazine des Livres ? Je n’ai rien publié depuis 11 mois, et mon prochain livre ne paraît que dans 5 semaines – il est donc trop tôt pour en parler, sauf en presse très spécialisée (Livres Hebdo). J’ai beau réfléchir, je ne vois pas.

Et là... j’aperçois la couverture. Je défaille, et j’entre en lévitation. Tous les clients du marchand de journaux pourront en témoigner. Pas une lévitation très spectaculaire, mais un bon mètre au-dessus du sol, ce qui est bien pour un léviteur débutant.

 

La couverture annonce « Les écrivains de l’année ». Trois photos en couverture : Marie Ndiaye, Frédéric Beigbeder, Philippe Roth. Sans doute la mienne ne leur a-t-elle pas été envoyée à temps. Mais c’est quand même une bonne compagnie, surtout Philippe Roth. Je feuillette, je lis l’article en bavant de plaisir. Et je hoquette – du verbe hoqueter – je hoquette d’incompréhension : je n’y suis pas.

Mon dernier roman (Le film va faire un malheur) était bien mentionné, mais c’était dans la compilation des critiques parues tout au long de l’année. Je ne suis rien, et mon roman n’est qu’un des 200 romans de l’année. C’est déjà sympa, merci Joseph. C’est même très sympa, je ne méritais pas plus.

Écrivain de l’année, et quoi encore ? Il me faudra encore travailler vingt ans, si je ne meurs pas de désespoir d’ici là.

En attendant, je repars nettoyer la mare de sang chez le marchand de journaux : ah, un écrivain gonflé d’orgueil qui s’écrase au sol, c’est affreux ce que ça fait comme dégâts !