"Monsieur le Préfet,
Le gouvernement vous a chargé, comme les autres préfets de France, d’organiser le débat
sur l’identité nationale. Au fil des semaines, celui-ci qui vise à définir «le bon Français» accumule les dérives anti-immigrées, et plus spécifiquement anti-musulmanes, à un point tel qu’il inquiète au sein même de l’U.M.P. Mais pouvait-il en être autrement, son objectif avoué étant de fidéliser un électorat venu de l’extrême droite et rallié à M. SARKOZY pendant la campagne des présidentielles, notamment après l’annonce de la création d’un ministère de l’identité nationale et de l’immigration.
Aujourd’hui, il est proposé à la Corse d’aborder ce même débat en tenant compte «de l’histoire de la Corse, de son identité propre, de sa langue et de sa culture, de sa relation spécifique à la France». Une dérogation en ce sens a donc été accordée par le ministre de l’identité nationale qui demeure, dans cette affaire, le ministre de tutelle. L’appel au respect des opinions et des personnes que vous formulez dans votre invitation à ce débat est estimable, et la proposition dans son ensemble apparaît séduisante. Pourtant elle n’est pas acceptable. D’une part, les propos qui stigmatisent les immigrés ne connaissent pas de frontière naturelle. Ils sont diffusés en Corse aussi bien qu’en Auvergne et dans les autres régions françaises, et blessent les personnes visées, quelque soit l’endroit, avec la même violence.
D’autre part, la singularité corse mérite autre chose que d’être sous-traitée dans ce contexte idéologique inquiétant, sous la houlette d’un ministère dit «de l’identité nationale ». Elle vaut également plus qu’une initiative improvisée. Au regard des passions que cette question a suscitées de toutes parts depuis plusieurs décennies, son traitement, si il se veut responsable, passe par un débat non pas identitaire mais politique. Nous en sommes très éloignés et ce qui nous est proposé aujourd’hui ressemble davantage à une session de rattrapage pour un débat sur l’identité nationale en pleine dérive. En conséquence, la Ligue des droits de l’Homme n’y participera pas".