La Réunion comme ça vient !
Loin, très loin des touristes super organisés, bardés de tous les derniers guides, avertis de toutes les ficelles et astuces pour voyager le mieux possible en payant le moins cher possible, j’ai passé une semaine à La Réunion comme un touriste tout ce qu’il y a de plus lambda. Profitant d’un colloque organisé à Saint Gilles, j’ai décidé, avec mon épouse, de participer à cette manifestation pour découvrir ce département ultramarin comme il est convenable dire maintenant.
C’est loin La Réunion, bien loin et le voyage est long car, avec l’excitation en supplément de bagages, il est bien difficile de dormir dans l’avion. Alors, on arrive avec une petite mine et de grands bâillements à l’aéroport Roland Garros où personne ne joue au tennis bien sûr. L’installation à l’hôtel est un peu pénible car les occupants précédents ne sont pas encore partis et il faut attendre que les chambres soient préparées en tenue « métro » et il fait tout de même un peu chaud, même si on s’attendait à pire. Le vent rafraîchit bien l’atmosphère et facilite la lutte contre le sommeil. Enfin, après un repas un peu expédié et une bonne sieste, on peut partir à la découverte du complexe qui se compose de petits bâtiments un peu kitch qui comportent huit ou dix chambres chacun mais quelques uns sont tout de même un peu plus grands. L’hôtel possède deux piscines, une pour la bronzette et la trempette et une pour la baignade et la natation aux heures creuses vers la fin de l’après-midi notamment mais en général, il y a moins de nageurs que de baigneurs dans les groupes et il est facile d’aligner des, petites, longueurs pour entretenir la forme et l’appétit.
On peut zapper les deux premiers jours consacrés au congrès, ça n’intéresse que les participants et même pas tous ! On s’habitue très vite au climat très clément, un peu chaud, certes, mais pas trop tout de même. On s’habitue vite aussi à passer par le bar, gratuit bien sûr, avant et après chaque repas, c’est là que les tablées se constituent sans grand danger finalement pour la santé car la gratuité impose un faible pourcentage d’alcool dans les cocktails où finalement la dose de sucre est plus nuisible à la santé que la quantité d’alcool. Les repas sous les grands halls ouverts aux quatre vents sont sympas, la nourriture est comme partout dans ces grands ensembles avec une petite note exotique et notamment des ananas excellents. C’est un libre-service assisté par des jeunes filles et garçons d’une très grande amabilité comme la plupart des Réunionnais qui sont très affables est très courtois. Cette amabilité et cette gentillesse s’explique par un grand brassage des populations qui affectent les familles de l’intérieur où il n’est pas rare de rencontrer des blancs, des noirs et des peaux plus ou moins sombres dans la même parentèle. Un de nos guides noirs nous a présenté sa cousine blanche, même très blanche. C’est certainement dans ce brassage ethnique qu’est née cette grande tolérance des Réunionnais qui ont évacué définitivement le problème du racisme.
Le colloque clos, la réception officielle digérée, le surplus de rhum évacué, nos amis Réunionnais ont pu nous proposer quelques escapades pour découvrir cette formidable île qu’est la Réunion. A tout seigneur tout honneur, la première sortie s’est effectuée en direction des pentes lunaires du Piton de la Fournaise où l’on découvre des paysages d’un autre monde, où la végétation n’a plus droit de cité, où la température est fraîche sous un soleil brûlant, à 2 500 m d’altitude l’atmosphère ne filtre plus guère les UV et la peau prend très vite des couleurs inquiétantes. Il faut prévoir double ration de Biafine le soir au retour. Mais avant d’atteindre le volcan, il faut traverser Le Tampon est montée vers la Plaine des Câfres, dominée par le Piton des Neiges, où les bovins paissent dans des pâturages dignes de nos montagnes métropolitaines et accéder un peu plus haut aux magnifiques panoramas de la « Plaine des Sables », une étendue toute plate de sable volcanique marron brun qui contraste avec les escarpements rocheux environnants. Repus de ces paysages grandioses, nous reprenons la route qui traverse l’île du nord au sud pour rejoindre un pays où brumes et nuages envahissent une végétation exubérante, où la forêt primaire résiste vaillamment aux plantes colonisatrices importées par les différents occupants de l’île. En quelques kilomètres, on passe de la nature originelle dans sa plus grande austérité minérale, à la nature dans toute sa luxuriance végétale. La descente vers la Plaine des Palmistes offre des paysages dignes des Nibelungen ou de la forêt des Chevaliers de la Table Ronde avec toute cette eau en suspension qui enveloppe les paysages d’un voile cotonneux et étrange.
Halte au petit village pour découvrir l’artisanat local et halte à Saint Benoît pour un solide déjeuner avant de reprendre la route pour constater les derniers exploits du volcan et les diverses coulées de lave qui s’étalent sur le flanc est de la montagne jusques dans la mer du côté de la côte au vent qui est plus humide et plus fraîche que la côte sous le vent qui accueille les touristes. Le retour au camp de base se fait par Saint Denis, à la mauvaise heure, quand les locaux qui ont terminé leur journée de travail regagnent les villes et villages de la côte générant de gigantesques bouchons dignes de notre célèbre « périph ». La Réunion qui est grande comme la moitié d’un département métropolitain moyen, héberge plus de 800 000 habitants qui possèdent environ 400 000 voitures. Encore faut-il préciser que les habitants sont très concentrés sur le périmètre de l’île et principalement sur la côte sous le vent car la zone du volcan et celle des trois cirques sont inhabitables ou presque. Par ailleurs les transports en commun sont à peu près inexistants et les Réunionnais considèrent leur voiture comme l’image de leur réussite sociale. Donc, gros problèmes de circulation aux heures de pointe que des travaux gigantesque pour faire passer une route à mi-pente ne résoudront peut-être que très provisoirement si d’autres mesures ne sont pas prises.
Après cette splendide excursion, une journée de repos est la bienvenue, juste le temps de rencontrer des amis en vadrouille, eux aussi, dans le coin et de visiter la ville de Saint Pierre qui s’étale au sud de l’île devant une mer très bleue, comme sur les cartes postales, et de passer un bon moment dans un restaurant local pour déguster, en ce qui me concerne, un succulent marshalé de cabri. Cette sortie est l’occasion de longer le lagon entre Saint Gilles et Saint Leu, là où les plus hardis viennent défier les requins sur leur surf.
Nouvelle excursion le lendemain du côté du cirque de Salazie. Il faut savoir que le centre de l’île se compose d’un volcan en activité, le Piton de la Fournaise, et de trois cirques nés de l’effondrement de trois volcans, le cirque de Mafate, le cirque de Cilaos et le cirque de Salazie qui fait l’objet de notre sortie. Cilaos est peut-être le cirque le plus apprécié mais son accès est difficile et comme notre groupe est conséquent, il n’est pas possible d’y organiser son accueil sur place où les infrastructures sont insuffisantes. Avant de grimper vers le cirque, une petite étape à la Mare aux poules d’eau s’impose. Ce petit étang caché dans la forêt se présente presque comme un lac finlandais avec sa végétation très verte et son calme à peine troublé par un pêcheur local. Et, c’est avec une réelle émotion que nos braves touristes écoutent le guide chanter « P’tits fleurs fanées » et « Mon île » deux chansons emblématiques de La Réunion. Deuxième halte pour visiter la case à Tonton et son jardin qui recèle tous les légumes, fleurs et fruits nécessaires à la vie quasi autarcique de ce vieil homme enchanté de faire découvrir son antre à des touristes un peu ébahis mais bien candides tout de même.
Le cirque de Salazie est couvert d’une végétation aussi luxuriante que la Plaine des Palmistes visitée précédemment, et toute cette verdure exubérante enfermée au fonds de ce cirque par des parois abruptes constitue un paysage à la fois grandiose et confiné. Du haut des falaises, des cascades, comme le Voile de la Mariée, jettent leurs eaux d’une hauteur vertigineuse en longs rubans blancs sur fonds de vert et de brun sous l’imposante toise des pitons environnants. Le voyage marque une pause au charmant petit village d’Hell Bourg qui ravale ses façades chaque année de couleurs vives pour mieux accueillir les touristes et faire chanter ces couleurs dans le vert très intense de la végétation. L’auberge est bonne et le repas est excellent sous les rythmes du sega, la danse locale. Pour la digestion, une petite promenade dans le village conduit jusqu’aux ruines d’un ancien établissement thermal construit là par les Français au XIX° siècle. Et, c’est le retour dans les éternels bouchons côtiers.
Et c’est déjà samedi, certains quittent le groupe pour retrouver les frimas de la métropole, d’autres refont les valises pour, d’un petit bon aérien de 40 minutes, rejoindre l’une des autres Mascareignes, l’Ile Maurice qui nous attend pour une nouvelle découverte. Mais avant de quitter La Réunion, il faut sacrifier au rituel de l’achat des petits cadeaux pour les enfants et petits-enfants et le marché de Saint Paul nous tend les bras pour satisfaire nos désirs de consommation. Je ne suis pas un grand voyageur mais je pense qu’on trouve ce type de marché sous tous les tropiques où même ailleurs : montagnes de fruits et légumes, accumulations de divers objets artisanaux sensés être du cru mais, en l’occurrence, provenant tous de Madagascar ou presque, vêtements à deux sous, même s’ils sont vendus un peu plus cher, en provenance eux aussi de la grande île voisine ou de Maurice et toujours ce mélange ethnique étonnant et pacifique. Les marchands indiens, chinois, arabes, malgaches, créoles, africains et mêmes des « zoreilles » (blanc de l’extérieur) se côtoient en toute quiétude pour fourguer leur camelote à la population et aux touristes sans agression commerciale débordante juste ce qu’il faut pour faire le métier sans rechigner.
Les bagages garnis de cadeaux, la tête pleine d’image, les oreilles qui chantent « P’tits fleurs fanées » ou « Ca sent bon la banane », les yeux éblouis par le soleil, la mer et les paysages, le cœur gonflé de l’amitié de nos amis Réunionnais et le gosier un peu sec après le dernier rhum, il faut rendre la clé et prendre l’avion pour quitter ce magnifique bout de France pour découvrir une autre île, un autre pays, d’autres paysages, d’autres coutumes et d’autres amis.
Denis Billamboz
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