Forcément, on s’y attendait un peu tant leurs univers sont si proches l’un de l’autre, tant les deux hommes se respectent musicalement et humainement. Le résultat est au dessus de toutes les espérances. Tube absolu de cet été, Bradford Cox montre son côté solaire et optimiste, cette ritournelle entêtante se répète jusqu’à l’abrutissement, mais quel plaisir ! Aidé par Noah Lennox qui ne doit pas y être pour rien dans la composition réussie de ce titre lui donne une autre dimension avec comme à son habitude ces échos surdéveloppés qui lui donne ce côté aérien et planant. Les deux artistes prennent leur pied et nous aussi avec, on ne pense qu’à une chose maintenant, un projet commun.
Extrait de l'album Logos [4AD]
09 : The XX - Crystalised
Il y a chez The XX quelque chose de particulier, cette sensibilité à fleur de peau que si peu de gens ont, il y a aussi un manque de confiance en eux, il suffit d’écouter leur premier album XX pour en être persuadé, et tout particulièrement le déchirant Crystalised, tout n’y est que soufflé, les paroles des deux chanteurs à la complicité évidente, les guitares si belles et si délicates jamais dans la démonstration ou encore ou la rythmique feutrée qui cavale à l’allure de leurs cœurs déchirés et chevrotant. D’une délicatesse rare, The XX arrivent à trouver une personnalité propre en un seul album et si l’on n’est pas toujours convaincu, Crystalised reste le témoin de ce qui s’est fait de mieux en matière de pop cette année.
Extrait de l'album XX [Young Turks]
08 : Phoenix - Lisztomania
D’ores et déjà un classique, Lisztomania a une longue vie devant lui dans les bandes sons destinés aux vidéos entre potes. La preuve en devenant la nouvelle B.O originale du film Breakfast Club. La chanson en elle-même synthétise le meilleur de Phoenix, des guitares nerveuses, les parties rêveuses et celles bien plus festives, Phoenix démontre qu’il est bel et bien un groupe destiné au monde et non pas seulement pour notre petite France.
Extrait de l'album Wolfgang Amadeus Phoenix [Loyauté]
07 : Fever Ray - If I Had A Heart
L’un des premiers titre écouté cette année, et pourtant If I Had A Heart est toujours ici, dans ce top 10, Karin Elisabeth Dreijer, moitié du duo The Knife compose le titre le plus oppressant et cauchemardesque de l’année, l’ambiance qui se dégage de ce titre est juste incroyable, emportant sur son passage l’auditeur dans ses peurs les plus profondes. Pas de refrain, la Suédoise se contente de répéter inlassablement les mêmes notes pour les ancrés à jamais dans nos têtes et pour notre plus grand plaisir.
Extrait de l'album Fever Ray [Rabid]
06 : Fuck Buttons - Surf Solar
Qui aurait pensé que le titre le plus planant, le plus dansant de l’année pourrait être aussi tordu ? Derrière ces déflagrations sonores qui font battre votre cœur au rythme des Fuck Buttons, se cache un formidable titre pop, oui Surf Solar est aussi pop qu’électro, elle mélange les genres pour mieux vous faire décoller, au fil des minutes la pression se fait de plus en plus forte, la montée est lente mais savoureuse, imaginez vous dans une pièce bondée et Surf Solar sonne à vos oreilles, imaginez cette communion avec les gens sautant tous aux rythmes de Surf Solar, un titre communautaire voilà ce qu’il est celui qui vous fera danser avec un sourire béat. Ce n’est pas de l’expérimentation mais de l’extase que nous vendent Fuck Buttons et jamais ils ne l’auront aussi bien fait.
Extrait de l'album Tarot Sport [ATP]
05 : Girls - Lust For Life
Sortit à l’origine en 2008 par le biais de True Panther Sounds, Lust For Life à eu le droit à une seconde sortie avec Life In San Francisco en face B cette année, d’où j’ai le droit de le mettre dans mon top. Passons les justifications que je n’ai pas besoin de donné d’ailleurs (en plus ce n’est pas la seule de 2008…) pour se concentrer sur la chanson elle-même. Lust For Life donc ce n’est même pas 2 minutes 30, ce n’est pas complexe, ce n’est pas recherché, ce n’est pas de grandes paroles, ce n’est pas surprenant, non Lust For Life n’est pas grand-chose au final… Si on fait abstraction du riff simple mais qui fait déjà figure de classique par chez moi, ce titre est un concentré de joie de vivre, de bonheur absolu, de nostalgie… Bref, il y a quelque chose de magnifique dans ce titre, comme s’ils touchaient du bout de leurs doigts candide le bonheur à l’état pur et nous le donnaient sans rien garder pour eux. Girls est généreux, Girls est simple, voilà pourquoi il faut tomber amoureux d’eux.
Extrait de l'album Album [True Panther Sounds]
04 : Handsome Furs - Evangeline
C’est un peu la petite surprise de ce top, avec ce groupe mené par Jon Spencer échappé de Wolf Parade et sa femme qui a sortit cette année un album fort réussi. La grande réussite de ce titre tient en grande partie de ce contraste entre le rythme froid et insensible tout droit sortit d’un Goulag et la voix de Spencer se laissant complètement débordé par ses sentiments. C’est aussi ce synthé obéissant au doigt et à l’œil du métronome tandis que la guitare dérape avec une certaine rage. Mais c’est surtout un final libérateur qui ressemblerait limite à un hymne à la libération d’une quelconque cause même si ici on chante juste pour cette Evangeline qui en a bien de la chance pour le coup.
Extrait de l'album Face Control [Sub Pop]
03 : Grizzly Bear - While You Wait For The Others
Il arrive parfois à l’écoute de certaines chansons qu’un frisson parcourt votre échine, et qu’importe le nombre d’écoutes ce sentiment reste, c’est un fait au final assez rare ce qui rend ce titre de Grizzly Bear d’autant plus précieux. Jamais ce quatuor n’aura semblé tutoyer les cieux avec leurs chœurs célestes s’unissant pour porter While You Wait For The Others à un niveau rarement atteint par quiconque. Ceux qui participent à faire évoluer le folk vers de nouvelles contrées se place sans embûches à la troisième place de ce top chanson.
Extrait de l'album Veckatimest [Warp]
02 : Animal Collective - My Girls
Longtemps, j’ai pensé mettre le festif Brothersport qui finit en apothéose leur dernier album mais c’était sans compter sur le groupe Taken By Trees et sa reprise très réussie qui enlève toute les épines de l’original pour ne dévoiler que son côté pop extraordinaire si simple mais si efficace, mais la version d’Animal Collective reste toutefois supérieure car avec ses boucles hypnotiques, My Girls représente ce qu’est le groupe, un groupe qui a toujours sût se dépasser, aller toujours plus loin dans les expérimentations sonores pour trouver quelque chose de neuf et spontané sans jamais négliger les mélodies chères à leur cœur. Donc, oui voilà ce que représente My Girls à mes yeux : une avancée de plus dans la quête de la chanson pop parfaite.
Extrait de l'album Merriweather Post Pavilion [Domino]
01 : Arnaud Fleurent-Didier - France culture
Digne héritier des plus grands compositeurs Français, Arnaud Fleurent-Didier vient d'inscrire dans la pierre son nom aux côtés de quelques Gainsbourg et autres Bashung. La raison, c'est une chanson France culture, un truc pas possible dont on compte encore les années passées pour se rappeler quand est ce qu'on a entendu un morceau de cet acabit. La nuit je mens ? Melody Nelson ? On ne sais pas, on ne sais plus, reste alors ces quelques mots, essence même de cette œuvre magistrale, dictés par l'artiste.
Il ne m'a pas appris l'anglais,
Il ne m'a pas appris l'allemand,
Ni même le français correctement.
Elle ne m'a pas parlé des livres,
De l'histoire des idées,
Pas de politique à suivre,
Pas de mouvements de pensés.
Elle ne m'a rien montré de pratique,
Ni cuisine, ni couture,
Faire monter une mayonnaise,
Monter une SARL, tenir un intérieur.
Il ne connaissait pas grand chose en mathématiques,
Ni l'équation de Schrödinger.
Mais pour être honnête,
On avait veillé à que je perfectionne mon revers à deux mains,
Que je fléchisse bien les jambes, mais ce n'est pas resté,
Ce n'est pas rentré.
On m'a donné un modèle libéral, démocratique.
On m'a donné un certain dégout,
Disons désintérêt de la religion.
Mais il ne m'a pas dit à quoi servait le piano
Ni le cinéma français qui pourtant le faisait vivre.
Elle ne m'a pas dit comment elle s'était mariée, trompés, séparés,
Ni donné d'autre modèle à suivre.
On ne m'a pas parlé de Marx, rival de Tocqueville,
ni de Weber, l'ennemi de Lukacs,
mais on m'a dit qu'il fallait voter.
Elle ne m'a pas caché l'existence mais a tue celle de
Rousseau, de Proust, de Mort à Crédit.
Ils n'ont fait aucun commentaire sur mai 68,
Aucun commentaire sur la société du spectacle,
Mais ils savaient que Balzac était payé à la ligne
Et que l'ont pouvait en tirer un certain mépris.
Ils ne connaissaient pas d'histoire de résistance ou de Gestapo
Mais quelques arnaques pour payer moins d'impôts.
Ils se souvenaient en souriant de la carte du PC de leur père
Mais peu de De Gaulle, une blague sur Pétain, rien sur Hitler.
Ils avaient connu le monde sans télévision mais n’en disaient rien.
Ils n'avaient pas voulu que je regarde Apocalypse Now
Mais je pouvais lire Au cœur des Ténèbres,
je ne l'ai pas lu. On ne m'a pas dit que c'était bien.
On ne m'a pas dit comment faire avec les filles,
Comment faire avec l'argent, comment faire avec les morts.
Il fallait trouver comment vivre avec un demi-frère, une demi-sœur, demi mort, demi -compagne, maîtresse et remarié,
Alcoolique, pas français fils de gauche : milite, milite,
Fils de droit : hérite, profite.
On ne m'a pas donné de coups,
On m'a sans doute aimé beaucoup.
Il n'y avait pas de chose à faire
À part peut-être polytechnicien.
Il n'y avait pas de chose à ne pas faire,
À part peut-être musicien.
Elle m'a fait sentir que la drogue était trop dangereuse,
Il m'a dit que la cigarette était trop chère,
Elle m'a dit qu'une fois elle avait été amoureuse,
Elle ne m'a pas dit si ça avait été de mon père.
Elle ne m'a pas dit comment faire quand on se sent seul,
Il ne m'a pas dit qu'entre vieux amis, souvent, on s'engueule.
Qu'on s'embrouille, que tout se brouille,
se complique, qu'il faudrait faire sans.
Elle ne m'a rien dit sur Freud et j'ignore Lacan.
Pas de conseil ni de raisons pratiques.
Pas de sagesse de famille, pas d'histoire pour faire dormir les enfants,
Pas d'histoires pour faire rêver les grands.
Il ne soufflait mot de la Nouvelle Vague,
Et de tout ce qu'on voyait avant
Mais parlait du Louvre comme d'un truc intéressant.
On ne disait rien sur Michel Sardou
Mais on devait aimer Julien Clerc
On m'a parlé d'un concert.
Sinon je ne sais rien des pauvres,
Je ne sais rien des restes d'aristocrates,
Je ne sais rien des gauchistes,
Je ne sais rien des nouveaux riches,
On ne parlait pas de catho, ni de juifs,
Ni d'arabes.
Il n'y avait pas de chinois.
Elle trouvait que les noirs sentaient
Elle n'aimait pas les odeurs
Lui, lui s'en foutait.
Extrait de l'album La reproduction [Columbia]