C’est un dimanche pluvieux, comme on en connait souvent dans la (presque) Bretagne. Nantes, ses biscuits, son pont, ses prisons, dindondilondelle… Et, comme un peu partout en France, ses rond-points. Celui-ci est un peu plus raide que les autres, puisque dés la sortie on doit accélerer fortement pour rejoindre la voie rapide.
Je me suis sentie fatiguée, ce matin, à l’heure de quitter le foyer parental pour rejoindre la douceur brestoise et ai donc pris place du côté passager. La place du (presque) mort.
Ce fameux rond-point, donc. Il faut accélerer fortement pour rejoindre la voie rapide. Aussitôt dit, aussitôt fait, personne à gauche, personne dans l’angle mort. Personne non. Quelque chose oui.
Ca va vite, très vite, dans l’espace temps. Le conducteur ne réalise pas qu’à côté de lui, j’ai l’impression que le chrono s’arrête et que je vais finir écrabouillée contre une rembarde avant d’avoir eu l’occasion de me mettre sur mon 31. Aquaplannage. On apprend la théorie à l’auto-école mais on n’a pas de simulateur pour s’entrainer aux gestes qui sauvent.
Mon petit carrosse miniature, ma voiture de mini-Mère Noël, perd violemment le contrôle. Plus d’adhérence, on ne tient debout que grâce à la roue avant gauche. Les manèges à sensation, c’est sympa sauf quand on est en accélération et que la voiture décide de se prendre pour Philippe Candel-Aygo. Elle fait un tour complet sur une roue et je vois la rembarde qui s’approche de ma place du (presque) mort. Des secondes qui durent des heures, où je ne nous vois pas. Je me vois. Quand on réalise qu’on peut crever là, au beau milieu d’un rond point, un dimanche de Noël, on ne voit pas sa vie défiler, comme un film, on ne revoit pas le visage des gens qu’on aime. Non. Voir sa vie défiler, c’est réaliser qu’elle peut s’arrêter dans les 2 secondes qui suivent et, comme pour bien vous en faire profiter, cet enfoiré de destin vous la joue en mode ralenti. Histoire de bien admirer le spectacle, avant baisser de rideau et fermeture définitive.
Si j’avais été au volant, je pense que mon manque d’expérience – 2 mois de permis – aurait été fatal. Par une chance qu’on ne mesure que quand elle se pointe dans les moments critiques, l’Homme arrive à stopper l’Aygo à 10 cm de la dite rembarde. C’est à ce moment là que ta p… de vie se met à défiler, que tu te rends compte que tu n’as pas dit aux gens que tu aimes que tu les aimes, que tu n’as légué ton chat à personne (oui, ça vient aussi les pensées débiles, quand on pense qu’on va mourir) que tu n’as pas réglé une embrouille avec un ami qui te veut du bien, que tu vas crever en te disant qu’il s’en tient au bonjour-bonsoir réglementaire depuis un mois et que tu l’as bien cherché, que le seul truc bien que tu aies fait en 6 mois c’est demander ta carte de donneur d’organes (ce qui est pas con vu la circonstance) que tes parents vont pas supporter de perdre leur deuxième fille et que tu peux pas leur faire ça, que tu aurais pu y rester là, comme une conne, dans un rond-point nantais impersonnel à cause d’une pauvre flaque.
Une flaque dans lequel la pluie fait parfois des ronds, comme des tourbillons.