Assez régulièrement, notre génie immortel invite à bord de son tapis volant, grand dissipateur de gaz carbonique, une cohorte d’industriels aux rémunérations abondantes mais indépendantes de leurs résultats, et une troupe de journalistes avides de confidences. Il s’en va alors régaler de ses gesticulations les puissants ou les riches de ce monde. On peut parfois l’admirer signant des contrats mirifiques, chipant alors au passage, comme en Roumanie, tel stylo genre Mont-Blanc manquant à sa collection. Et ses affidés de se répandre en commentaires élogieux sur les milliards d’euros ainsi récoltés, tels ceux de la vente au Brésil de Rafales non encore signés, vente qui consacrerait la cession de notre technologie.
Cet émigré de seconde génération, modèle d’intégration, a réussi à faire sien un trait saillant de notre identité nationale : quand notre équipe de football gagne, gloire à nous ; quand elle perd, honte à ces incapables, à ce sélectionneur ridicule et à ce vendu d’arbitre !
Il y a deux ans, Abou Dhabi a lancé un appel d’offres pour la construction de quatre centrales nucléaires. La France a répondu avec un consortium mené par EDF et GDF Suez, constitué aussi de Total, Areva, Vinci et Alstom C'est un consortium composé de Samsung, Hyundai, Doosan Heavy Industries, Westinghouse et Toshibapour, dirigé par la compagnie sud-coréenne publique Kepco, qui a signé un contrat de 20,4 milliards de dollars, première tranche d'une commande qui pourrait atteindre 40 milliards. Je n’aurai pas la malice de rappeler que notre voyageur de commerce en chef, au cours d’une une visite officielle à caractère personnel en Arabie Séoudite, avait fait un crochet éclair à Abu Dhabi en novembre dernier. Toujours aussi peu objectif, je ne me souviens pas avoir vu cette information traitée dans les bulletins paroissiaux que nos chaînes de télévision nationales ont pris l’habitude de diffuser en tant que, selon leurs dires, des news.
Au cas où d’aucuns auraient eu vent de cet échec, le moulin à langue de bois s’est mis en marche. Le porte-parole adjoint de l'UMP, Dominique Paillé, a déclaré sur France Inter : « Je pense qu'il y aura d'autres appels d'offre aussi importants. Ce ne seront pas des lots de consolation et il y aura sans doute à Abou Dhabi des marchés pour la France ». Il a aussi souligné qu'Henri Proglio, patron d'EDF, avait fait « un certain nombre de propositions », mais que « d'autres entreprises concernées » devraient « également en faire ». Traduisez : le poulain de Nicolas Sarkozy, patron de Véolia, adoubé par notre souverain omnipotent à la tête d’EDF, a été absolument irréprochable dans cette négociation. Si notre offre, techniquement la plus avancée, n’a pas été retenue, c’est parce que de lamentables comparses n’ont pas su faire les sacrifices nécessaires.
Il conclut avec cette sage recommandation : « il ne faut pas, dans la précipitation d'un résultat négatif à Abou Dhabi, tirer les conclusions qui s'avéreraient hâtives ». Avec toujours la même insigne mauvaise foi, je n’ai pas souvenance de la même précaution à l’occasion d’un succès.