Je ne sais pas vous, mais je trouve qu’il est bien difficile de ne pas faire preuve de schizophrénie quand on est de gauche dans cette société Sarkozyste qui a exacerbé les différences de classes avec comme objectif de rendre la société plus sécuritaire face à la délinquance que son système libéral crée inexorablement, comme il crée une dépendance généralisée à la consommation, ou encore une course à la performance au travail que le pervers instinct individualiste qui couve chez chacun d’entre nous met en application au détriment d’autrui.
Pour quelqu’un qui défend des valeurs de gauche, ce type de société qui s’avance inexorablement génère des contradictions difficilement solutionnables au quotidien, quand tout est fait dans le système pour conduire chacun vers un choix unique ou vers des constats chargés de vous faire admettre que le moule sécuritaire est la solution.
Difficile, par exemple, de ne pas tendre au racisme et aux amalgames faciles que le pouvoir politique cherche à obtenir, lorsque vos enfants se font raquetter ou agresser à la sortie de l’école par d’autres à la sombre couleur de peau. Sans une certaine éducation, un peu de recul sur l’histoire (vous savez celle que l’on cherche à supprimer en terminale S) et une réflexion personnelle sur la responsabilité profonde des politiques publiques depuis 30 ans, qui peut reprocher à un parent à l’esprit embué dans les difficultés quotidiennes de ne tendre à l’objectivité face à la souffrance de sa progéniture consécutive à l’agression de coupables désignés en raison de leurs croyances et couleurs de peau ? Etre de gauche et garder la tête froide sur les responsabilités réelles ne sont pas chose facile et le basculement vers là où l’on souhaite vous amener est proche.
De la même façon, en tant que citoyen de gauche, qu’il est difficile de se résoudre à faire ses courses chez ces exploiteurs des temps modernes que sont les grandes surfaces. Bien évidemment qu’il serait souhaitable de contribuer aux biens être d’exploitants agricoles à travers des Amap participant à ce vivre ensemble que mon humanisme appelle de ses vœux, mais soit par difficulté de proximité, par rareté, par facilité d’approvisionnement et parfois pour nombre de citoyens par manque de moyens financiers, je n’ai pas franchi le pas de la désintoxication à l’hypermarché, ma schizophrénie en prenant une nouvelle fois pour son grade.
Autre exemple, celui du lieu d’habitation. J’ai choisi de donner à mes enfants, parce que j’en avais les moyens, un lieu d’habitation individuel dans un quartier aisé en leur souhaitant une émancipation et un bien être que j’ai eu la chance de connaître dans ma jeunesse. Mais le monde a changé, la ghettoïsation s’est développée là où le melting pot existait en banlieue autrefois, la dualité de la société s’est creusée en raison des inégalités sociales, engendrant forcément une insécurité croissante sur les lieux de rencontre comme l’école ou les loisirs, et donc une confrontation avec les difficultés sociales plus rares pour mes enfants, mais aussi plus soudaine et violente lorsqu’elle se produit.
Comment leur expliquer alors, après une agression verbale ou physique, les principes qui régissent ma vision de la société, les écueils amalgamant qu’il s’agit d’éviter, alors que j’ai contribué à les surprotégeret que je leur enseigne la tolérance et le respect de l’altérité et des différences ? Dois-je pour autant les priver de ce que j’ai eu la chance d’avoir avec mes parents ? Voilà encore un exemple des difficultés d’être de gauche et en phase avec ses principes et désirs quand la société vous renvoie quotidiennement l’opposé de ce que à quoi vous aspirez.
Etre de gauche est ainsi souvent un combat contre soi, une lucidité à conserver pour désigner les véritables coupables des travers sociétaux constatés journellement, afin que notre culpabilisation de ne pas agir suffisamment perturbe nos idéaux au point de ne plus être capable d’accepter ces contradictions que le système capitaliste nous impose, au risque de basculer dans le syndrome de Stockholm.
Evidemment il ne s’agit pas de tomber dans une schizophrénie réellement pathologique, sauf à franchir le pas et vivre en marge de la société, dans une résistance souvent extrême et violente pour exister, et à laquelle je n’aspire pas, mais apprenons à vivre insatisfait, mais vivons tout de même.