Depuis maintenant quarante-huit heures, nous sommes au Caire où, de discussions en discussions, les 1400 participants à la marche pour la liberté pour Gaza – 1400 comme les 1400 victimes gazaouies de l’offensive israélienne d’il y a un an – n’ont toujours pas l’autorisation de se rendre à Gaza.
Deux arguments – irrecevables – sont avancés par les autorités :
Les Marcheurs s’ingéreraient dans les affaires intérieures égyptiennes. C’est doublement faux. D’abord, nous n’avons jamais mis en cause les autorités égyptiennes. Nous avons, au contraire, travaillé avec elles en leur donnant toutes les informations qu’elles souhaitaient - jusqu’à nos numéros de chambres !
Selon nous, la liberté d’aller et venir, de circuler où bon nous semble est une liberté fondamentale de l’être humain. Mais elle ne s’applique pas à la population de Gaza, soumise à un blocus illégal et inhumain. Raison de plus pour qu’elle s’applique aux Marcheurs venus de quarante-deux pays – dont la France – qui doivent bénéficier de ce droit fondamental. En le leur refusant, ce sont les autorités égyptiennes qui s’ingèrent dans la liberté des Marcheurs.
Deuxième argument : si les Marcheurs passaient à Gaza, ce serait nuisible à la sécurité égyptienne. On a beau chercher le sens de ce raisonnement, il ne tient pas. Les 1400 Marcheurs peuvent entrer à Gaza et en sortir sans que cela ne pose le moindre problème. Si le feu vert était donné – lequel procède évidemment d’une décision politique –, nous sommes tous assez responsables pour ne prêter le flanc à aucune manœuvre, d’où qu’elle vienne. Notre interlocuteur à Gaza est le Palestinian Center for Human Rights, dont chacun connaît le sérieux. En quoi l’entrée et la sortie des Marcheurs mettraient-elles en cause la sécurité égyptienne ? Cette objection n’est donc pas fondée.
Nous sommes porteurs d’une double exigence : la levée du blocus illégal qui a transformé Gaza en prison et en mouroir à ciel ouvert depuis deux ans et demi, et la fin de l’impunité dont jouissent les autorités israéliennes. C’est l’objet unique de cette marche et la raison pour laquelle nous venons exprimer notre solidarité aux Gazaouis. Nous sommes porteurs du droit international, des valeurs mêmes qui fondent l’Humanité… Voilà pourquoi nous attendons des autorités égyptiennes qu’elles prennent la décision politique de nous laisser passer à Gaza.
J’ajoute que les autorités françaises ou européennes ont une lourde responsabilité dans cette situation pour n’avoir pas – à notre connaissance – effectué les démarches nécessaires auprès des responsables égyptiens. C’est la première chose à faire : exiger une intervention adaptée de nos pouvoirs publics en direction des autorités du Caire. La seconde remarque à méditer est la suivante : si, par absurde les autorités égyptiennes s’entêtaient, elles se placeraient dans une situation des plus paradoxales. En effet, alors qu’Israël est bien le principal responsable du blocus de Gaza, voilà qu’aux yeux de l’opinion publique, cette responsabilité se déplacerait vers d’autres, qui sont pourtant à la tête d’un pays qui, l’an dernier, a manifesté avec force et massivement sa solidarité avec les Palestiniens. En maintenant leur interdiction, les autorités égyptiennes créeraient elles-mêmes les conditions d’un déplacement du débat dans leur propre société – ce que nous nous sommes toujours refusé à faire. Par ricochet, ce sont elles qui provoqueraient l’immixtion, qu’elles dénoncent.
ll est temps que la raison l’emporte sur un certain aveuglement : qu’on laisse marcher les citoyens venus du monde entier dire, sur place et pacifiquement, leur solidarité avec le peuple de Gaza.
Jean-Claude Lefort
Le 28 décembre 2009