Au-delà d’un bon divertissement et d’une adaptation réussie de l’ouvrage de Charles Dickens, Le drôle de Noël de Monsieur Scrooge est plus qu’un conte.
Allégorie de l’homme en proie à la fuite face à la misère et l’ignorance, que l’on retrouve chez Pascal, Le drôle de Noël de Monsieur Scrooge a ceci d’extraordinaire qu’il met en scène, par l’animation, une question intemporelle : celle de l’existence du Mal, corrélée à celle de l’Existence de Dieu. « Si Dieu n’existe pas, alors, tout est permis » écrivait Dostoïevski.
Là le Père Noël ou plutôt l’esprit du Noël Présent, fait remarquer à Monsieur Scrooge que la divinité, ou ce que Spinoza nommait le « grand tout » ou encore « la Nature » ne peut être tenue pour responsable de la misère.
C’est à l’homme de servir en luttant contre cette misère. La responsabilité humaine et la délégation que Dieu fait à l’homme, est au cœur de ce passage. C’est le Dieu est mort de Nietzsche, non au sens de l’absence de croyance humaine en une divinité, mais au sens de la capacité qu’a l’homme de créer ses propres valeurs, de tirer une force d’un savoir tragique en le transformant en mobile d’action : si la vie n’a pas de sens, alors je peux lui en créer un, c’est là le sens du Gai Savoir.
Lorsque Monsieur Scrooge voit le futur grâce aux visions que lui en envoie l’Esprit de l’avenir…. Il se voit minuscule et impuissant face aux évènements et dires qui succèdent à son décès. L’homme est petit face à la mort, quelque soit sa condition sociale. L’homme est vulnérable aux définitions qui enfermeront son être, la somme des actes que les autres auront retenus de lui. C’est le cas de son ancien Associé, Marley, enchaîné et ne pouvant réparer ses fautes, c’est le cas de Scrooge qui entend, par l’esprit de l’avenir ce que seraient les commentaires des autres consécutifs à sa mort.
La responsabilité individuelle est donc à la source de la Liberté. La responsabilité n’est pas tant ce qui me contraint, mais ce qui me libère de la contrainte première qu’est l’appréciation d’autrui, cet autre-là. Alors que Monsieur Scrooge ressentait comme une contrainte le fait d’être charitable envers les associations luttant contre la faim et l’indigence, il finit par VOULOIR, de tout son être embrasser la RESPONSABILITE de lutter contre cette indigence.
D’une part cette indigence viole l’idée d’humanité en chacun de nous, d’autre part cette misère renvoie l’homme à ses responsabilités. Quand Monsieur Scrooge opère une véritable métamorphose, ce n’est pas tant qu’il craint la mort, mais bien plus qu’il craint de n’avoir pas employé sa vie à Agir, et par-là même à appartenir à la chaîne fraternelle de l’humanité.
La dernière idée force revient au neveu de Monsieur Scrooge, « quand il se prive d’un dîner en famille, il perd un dîner » dit-il au sujet de son oncle qu’il qualifie d’animal. L’isolement ne protège pas Monsieur Scrooge, il finit par le consumer de ressentiment. Parce que seul le partage fonde la relation humaine. Que serait un homme seul ?
Savoir donner et savoir recevoir, sont les deux facettes de l’échange -au principe de toute vie-.