Les quatre filles du docteur March

Par Anne Onyme

Louisa May Alcott
J'ai Lu
318 pages

Résumé:

Dans une petite ville américaine, la famille March s'apprête à fêter Noël. Mais pour Meg, Jo, Beth et Amy, le coeur n'y est pas: la guerre de Sécession a été déclarée et leur père, qui a choisi de s'enrôler comme aumônier, est parti au front. Pendant ce temps, les quatre soeurs doivent vaquer aux tâches quotidiennes avec leur mère, secondée par la fidèle Hannah. La vie s'organise, avec son lot de joies et de peines, de bonnes résolutions, de francs éclats de rire, d'amitiés qui se nouent...

Mon commentaire:

Les quatre filles du docteur March raconte l'histoire de quatre soeurs: Margaret (Meg), Josephine (Jo), Elisabeth (Beth) et Amy. Elles vivent à Concord et l'histoire se déroule pendant la guerre de Sécession aux États-Unis.

Louisa May Alcott s'est beaucoup inspirée de sa propre vie pour écrire l'histoire des March. Comme ses personnages de roman, les Alcott ont été ruinés et ont dû déménager. Les enfants Alcott étaient aussi quatre filles, toutes bien différentes. Plusieurs éléments racontés dans le roman, comme par exemple le Pickwick Club, est inspiré directement de ce que l'auteur a vécu. En lisant un peu sur la vie de Louisa May, on a l'impression de voir en elle Jo. Elle s'inspire de sa soeur aînée, Anna, pour donner vie à Meg. Sa soeur Elizabeth deviendra Beth dans le roman et connaîtra sensiblement la même vie. Idem pour May qui a inspiré Amy. Il est difficile de ne pas voir les liens entre la vie personnelle de l'auteur et son roman.

Les quatre filles du docteur March est devenu un classique de la littérature. Au même titre que La petite maison dans la Prairie ou Anne la maison aux pignons verts, ce roman raconte l'enfance singulière de jeunes filles face à leur époque. Meg, Jo, Beth et Amy sont élevées par des parents transcendantalistes. Ce mouvement est né au Massachusetts et s'inspire de la doctrine de Kant, de l'idéalisme allemand et des romantiques anglais pour se forger une idée de la spiritualité qui confronte les règles établies. Ils ont une vision d'un monde en parfaite symbiose, entre les hommes, la nature et les animaux.

On pense souvent que ce roman est de littérature enfantine pour jeunes filles bien sages. C'est vrai que le ton un peu moralisateur, peut surprendre aujourd'hui. Je me souviens avoir ouvert ce roman vers l'âge de onze ou douze ans et de l'avoir refermé après quelques chapitres, avec un profond ennui. J'étais à des lieues de ce que vivaient les héroïnes et leurs petits caprices m'énervaient. Aujourd'hui, je perçois cette oeuvre très différemment et c'est une lecture passionnante. Si on la replace dans son contexte historique et dans le contexte dans laquelle l'histoire a été écrite, elle contient beaucoup de propos en avance sur son temps. Les jeunes filles sont éduquées avec de solides valeurs: le don de soi, le partage, le pardon, l'empathie. Elles sont aussi éduquées pour en faire autre chose que des jeunes femmes à pavaner pour le mariage. On leur permet de jouer, de courir, de s'amuser, de se dépenser physiquement, d'apprendre ce qui leur plaît. Elles fondent un club, écrivent des articles de journaux, font preuvent d'imagination. Même si certaines d'entre elles sont plus coquettes (je pense à Amy ou à Meg), Jo est une jeune femme frondeuse au caractère bouillant, alors que Beth est un véritable ange de douceur, qui aime être à la maison, tranquillement. Elles sont éduquées dans l'idée que la recherche d'un mari ne repose pas sur des considérations matérielles mais sur l'amour et la compréhension mutuelle de deux êtres. La scène où Mrs March retire sa fille de l'école parce que le maître lui a donné une correction physique est une bonne image de l'idée que se font les March (et par ricochet probablement les Alcott également) de la vie.

Au début de la lecture, le roman donne l'impression d'être plein de bons sentiments et de n'offrir que morales et messages d'édification à la fin de chaque chapitre. Si on s'y attarde un peu, il s'agit en fait de transmettre aux jeunes lectrices des idées sur le bon comportement à adopter dans la vie pour être heureux. On peut être soupe au lait, colérique, orgueilleuse, mais si on sait se corriger, faire des efforts pour être une meilleure personne tout en restant fidèle à nos idées, nous avons fait un bon pas vers le bonheur. Le roman fait l'éloge du partage, du pardon et de la charité, tout en condamnant la vanité et l'égoïsme.

Jo, Meg, Beth et Amy ne se conduisent pas nécessairement comme on attend qu'elles se conduisent. Elles ne visitent que peu ou pas la belle société et n'ont pas toujours de très bonnes manières selon le code en vigueur. Elles disent ce qu'elles pensent tout en étant profondément attachantes chacune à leur façon. Ce sont des jeunes filles qui se démarquent un peu des autres, certaines plus que d'autres.

Le livre se termine sur cette phrase:

"C'est ainsi que le rideau tombe sur Meg, Jo, Beth et Amy. Qu'il se relève ou non dépendra de l'accueil réservé au premier acte de ce drame intimiste intitulé Les quatre filles du docteur March."

Le succès fut au rendez-vous car Louisa May Alcott écrivit des suites à l'histoire des quatre soeurs March:

Les filles du docteur March se marient
Le rêve de Jo March
La grande famille de Jo March

Que ce soit au niveau littéraire ou cinématographique, il y a encore beaucoup à lire et à voir autour de ce classique que sont Les quatre filles du Docteur March. Le roman est une très jolie histoire que j'ai pris grand plaisir à redécouvrir. Je compte éventuellement lire à nouveau d'autres oeuvres de Louisa May Alcott et probablement terminer cette belle série des Filles March.

Quelques extraits:

"Comme les jeunes lecteurs aiment à savoir de quoi les gens ont l'air, le moment semble venu de brosser un rapide portrait de nos quatre soeurs, occupées à tricoter devant l'âtre où crépitait un bon feu, tandis qu'au-dehors la neige de décembre tombait doucement. Bien que le tapis fût élimé et le mobilier d'une grande simplicité, c'était une vieille pièce très chaleureuse: quelques gravures ornaient les murs, de nombreux livres s'empilaient dans les recoins, des chrysanthèmes et des roses de Noël égayaient le rebord des fenêtres. Il y régnait une atmosphère paisible et intime." p.9

"Chez les King, elle côtoyait tous les jours ce luxe qu'elle convoitait tant, car les soeurs aînées de ses petits élèves étaient en âge d'aller dans le monde. Elle entrevoyait souvent de somptueuses robes de bal et de jolis bouquets, surprenait leurs conversations animées sur le théâtre, les concerts, les parties de traîneaux et des réjouissances de toutes sortes. La pauvre Meg, qui les voyait dépenser sans compter en frivolités qu'elle-même était bien incapable de se payer, se plaignait rarement, mais parfois un sentiment d'injustice la rendait amère. Elle en voulait alors au monde entier, car elle n'avait pas encore appris à estimer à leur juste valeur les bienfaits dont elle était comblée et qui font le véritable bonheur." p.54

En complément:

J'ai revu l'adaptation cinématographique de 1994 tout de suite après ma lecture. Je vous invite à lire mon billet sur le sujet.

L'an dernier, j'avais également visionné une adatation du Rêve de Jo March, intitulée Vivre à Plumfield. Vous pouvez lire mon billet ici.

Je vous suggère en terminant la visite d'un des seuls sites en langue française, absolument merveilleux et très complet, sur la vie de l'auteur Louisa May Alcott.