Scrutin public

Publié le 28 décembre 2009 par Malesherbes

Lundi 14 décembre, le Sénat s’apprête à voter le projet de loi ratifiant le redécoupage des circonscriptions effectué par le gouvernement. Lorsque la sénatrice communiste Josiane Mathon-Poinat présente un amendement de suppression, la majorité se trouve minoritaire en séance. Pour parer à toute éventualité, le délégué du groupe UMP demande alors un scrutin public. Dans ce cadre, chaque groupe désigne un mandataire qui détient les votes de l'ensemble de ses membres. Les bulletins de vote – blanc pour les pour, bleu pour les contre et rouge pour les abstentions – doivent être déposés dans trois urnes disposées à cet effet de part et d'autre de l'hémicycle et au pied de la tribune.

Le président du groupe UC étant absent, M. Pignard, détenteur de la délégation, avait pour consigne de voter pour… le projet de loi. Ce malheureux législateur (!) n’avait pas compris que c’était l’amendement de suppression qui était aux voix, lequel recueille ainsi 167 voix pour et 156 contre. Tempête à droite. Il est alors environ 19 h 30. La présidente de séance, Catherine Tasca (PS) la suspend jusqu'à 22 h 30, « le temps que chacun retrouve sa sérénité ».

A la reprise, la droite, ainsi mise en minorité, exige un nouveau vote. « Je prends mes responsabilités, annonce Mme Tasca. Je considère que l'adoption de l'amendement de suppression a, de fait, abouti au rejet de l'ensemble du texte. En conséquence, je lève la séance ». Nouveau déchaînement de nos démocrates : « C'est une honte, un coup de force, c'est de la tricherie » hurle M. About. « C'est un abus de pouvoir, s’exclame Gérard Longuet, président du groupe UMP, nous ne siégerons plus en votre présence ».

Mme Tasca rétorque : « Il y a une règle simple au Sénat : lorsqu'un vote a eu lieu, il n'est pas remis en cause. Ce ne sont pas les menaces et la violence des propos qui me feront changer de position ». Elle ajoute : « J'ai souhaité que le président Larcher vienne présider cette séance. Il a été contacté mais il a estimé qu'il n'avait pas à venir ». Gérard Larcher aurait indiqué qu’il « n'avait pas vocation à venir jouer les sapeurs-pompiers » et que chacun devait « assumer ses responsabilités ».

Le lendemain, au cours du petit déjeuner de la majorité, Nicolas Sarkozy, démontrant une fois de plus qu’il était incapable de gouverner au nom de l’ensemble du peuple français, lance à Gérard Longuet : « C'est une faute d'avoir laissé une socialiste présider sur un sujet sensible ! On ne me la fait pas, j'ai été parlementaire pendant vingt ans !» Mais, las, ce même jour, après examen du règlement, le bureau du Sénat a considéré mardi qu’il n’était pas possible de délibérer à nouveau sur l'amendement de suppression de l'article unique du projet de loi. Celui-ci devra donc revenir devant les députés puis les sénateurs.

Quant à cet infortuné Pignard, incapable de comprendre l’objet d’un vote, même lorsqu’il porte les suffrages de vingt-sept sénateurs au bout de ses doigts frêles, pourquoi ne pas lui épargner des difficultés futures en le privant de son droit de vote. Bien sûr, nombreux sont ceux qui diront : « Tout le monde peut se tromper ». Certes, mais il est des cas où malheureusement l’on ne peut revenir sur une erreur : le pilote d’avion qui couperait les gaz en pensant les remettre n’aurait guère l’occasion de piloter à nouveau. Comment donc peut-on confier la confection des lois à des personnes incapables d’un peu d’attention ?