De l'étalement à l'étoilement urbain...

Publié le 28 décembre 2009 par Objectifliberte

Article initialement publié en mai 2008 sur Crise Publique.

Dans mon livre, j'explique que les politiques de zonage censées lutter contre l'étalement urbain ont en fait contribué à renforcer "l'hyper-étalement" urbain, c'est à dire la recherche par les ménages les plus modestes de foncier "abordable" (hors de prix, mais moins qu'en ville) dans des petites communes rurales situées à des distances croissantes des grands centres urbains. 

Ce phénomène tend à accroître beaucoup plus rapidement les populations de petites cités rurales de moins de 5000 habitants. Les statistiques (Format Excel) publiées par le ministère du développement durable (ex-équipement) montrent que 43% des permis de construire accordés l'ont été dans  de tels noyaux urbains, lesquels représentent environ 20% de la population métropolitaine, alors qu'ils n'étaient que 27% en 1994.

Plusieurs phénomènes sont observables. Tout d'abord, une paupérisation des ménages ruraux, lesquels sont saignés à blanc par la charge foncière que représente leur investissement. Le résultat est que nombre de nouveaux logements sont petits, souvent non finis (les acheteurs en gardent à faire eux mêmes), quant au label HQE, il n'est souvent qu'un sigle sur la brochure du constructeur. Que le marché se retourne et la plupart de ces logements seront "invendables", sauf à accepter des moins-values très importantes.  Les ménages concernés sont évidemment les premiers touchés par l'explosion des prix du pétrole, alors que les bobos qui peuvent se payer le centre ville ont accès à des transports publics largement subventionnés, qu'ils rechignent malgré tout à utiliser.   

L'urbanisation en "lotissements dortoirs" (photo) visiblement réalisés à l'économie (moins de 18€ TTC de coût de viabilisation au m2 de terrain...), dont les règlements intérieurs sont consternants de conformisme et d'uniformisation, n'apporte en général pas grand chose au patrimoine architectural des communes concernées. Celles ci, en revanche, doivent faire face à des dépenses à l'explosion desquelles elles n'étaient pas préparées: remise en état des voiries, extension des stations d'épuration,  accroissement des circuits d'enlèvement des ordures ménagères, bâtiments scolaires, interventions à caractère social,  etc... Quand une commune de 3000 habitants, dépourvue de services techniques, voit sa population augmenter de 40% en 10 ans (cas réel), sa croissance devient difficile à gérer.

Les routes de campagne qui desservent certains de ces villages se révèlent incapables de supporter des trafics croissant dans de mêmes proportions: structures trop légères, carrefours inadaptés. Les lieux d'emploi et de logement ne pouvant facilement s'adapter (les prix élevés ne favorisent pas la mobilité des ménages en cas de changement professionnel),  les mouvements pendulaires vers la ville centre augmentent, provoquant un accroissement des bouchons aux entrées des ceintures périphériques dont la plupart des villes importantes (>100 000 hab) sont désormais dotées au moins sur une partie de leur contour.

Bref, au motif de lutter contre "l'étalement urbain" à la périphérie des grandes aires urbaines, on a favorisé un émiettement, un éclatement, un "étoilement" urbain dont les effets sur les communes réceptrices sont difficiles à maîtriser, qui engendre une nouvelle ségrégation par les revenus entre urbains et "rurbains", sans oublier bien sûr la désastreuse influence de ces politiques sur le prix du logement en général.

L'étalement urbain, érigé en repoussoir par la quasi-totalité des "experts" ès aménagement (les voix discordantes sont rares, exemple), est le prétexte à la promulgation de politiques dont les effets (exemple, exemple) se révèlent largement plus dommageables que les maux qu'il est censé propager.

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Via Futur simple pour les stats