Il avait cette phrase de François Weyergans en tête quand il perçut très nettement que la soirée était foutue.
Un rêve qu'on renonce à interpréter est comme une lettre qui n'est pas lue.
D'emblée, il plongea dans son décolleté et sut sur le champ qu'il venait de se plomber la cervelle. Ce n'était pas une bonne idée qu'il avait eue là, il le savait. Par coeur il connaisait le triste sort, pour ne pas dire le sort tragique, de l'homme tuyau. Qu'il était devenu. Pfuit les bonnes résolutions. Il avait choisi une soupe minestrone parce que ça rimait avec testostérone.
Il l'avait "rencontrée" sur un site internet prévu pour ça. Il s'était inscrit un soir de faiblesse avérée et quelques semaines plus tard, ils s'étaient donnés rendez-vous au plumeau farci, l'échope gastronomique du coin.
Ambiance feutrée. Teintes rouges. Lampes tamisées. Ca sentait le piège. Il tomba dedans. Comme un lapin de six semaines.
Il s'était bien habillé. Il avait le coeur énigmatique. Il avait lu Le Monde toute la semaine, au cas où. Regardé des bédés, aussi, au cas où. Il avait fait le ménage dans son appartement. N'y avait pas passé le mois, non plus. Il avait préparé un CD au cas où. Il s'était lavé les dents et les pieds. Il avait en tête quelques conseils glanés ça et là, la sueur épaisse.
Il pensait avoir tout prévu mais quand elle arriva, il oublia tout. Son prénom, ses idées, ses projets.
Le décolleté déboula, il se raidit d'un coup.
Mais pourquoi avait-elle osé ça ?
Il se mit à loucher plus qu'il ne l'aurait voulu. Ne pensait plus rien. Avait peine à dire de quelle couleur étaient ses yeux, ses cheveux. C'était soudain devenu trop haut.
Un rêve qu'on renonce à interpréter est comme une lettre qui n'est pas lue.
Publié sur le blog de Claudiogène
le dimanche 6 décembre 2009.