Le concours « Cadeau »

Par Anaïs Valente

C'est une journée à résultats de concours, ne trouvez-vous pas ?

Pour rappel, le thème du concours, permettant de gagner deux exemplaires du livre Cadeau, d'Apolline Elter, était " racontez votre pire ou votre plus beau cadeau ".

Merci à tous les participants, ils se reconnaîtront. Le choix fut difficile, car il y avait beaucoup de jolis textes, touchants parfois, drôles aussi. Dans un souci d'objectivité, j'ai laissé à Apolline le choix de la décision finale, qui s'est portée, après longue réflexion, sur les deux textes que je vous présente ci-après. Apolline me demande de remercier tous les participants pour leurs jolis textes, et invite les gagnants à communiquer leur adresse, pour l'envoi de l'ouvrage, à l'adresse mail reprise sur le blog de l'éditeur.


Encore merci à tous pour votre engouement pour ce concours et bonne lecture...

Le cadeau de mes rêves - Edmée De Xhavée
C'était le temps de mes fiançailles. Faire-parts, énervement, choix du menu, liste des invités. On vérifie l'état des grands nappages et de leurs serviettes assorties, on perd un peu la tête, on se chamaille. Avec ma mère, nous trottons dans les magasins où nous voulons déposer une liste. Elle me guide dans des choix qui sont, dit-elle, des valeurs sûres. L'argenterie Christofle. De la vaisselle de porcelaine italienne. Une pointe d'excentricité aussi : dans le petit magasin provençal nous avons déniché des verres à pieds trapus soufflés à la main, où de belles bulles d'air captives semblent pétiller.
Et moi, je laisse traîner mon regard sur un service à déjeuner " bistro " : grosses tasses et assiettes blanches au bord souligné d'un trait noir très fin et d'un autre, plus épais, d'un bel orange vif. Il est complété par un service à fromage qui me fait presque japper de supplication. Chaque assiette est décorée d'une vache, chèvre, brebis, et de lettres noires en somptueux pleins et déliés qui énoncent avec chic : Camembert, Roquefort, Bleu d'Auvergne... Mais ma mère secoue la tête, non, il faut que l'on m'offre l'argenterie, la vaisselle, sans être distrait par mes ovins et bovidés.
Et voilà que, tout à ma frustration sans doute, dans la quiétude de ma nuit de presque chaste fiancée, je rêve que le merveilleux service m'est offert par mon parrain.
Au réveil bien sûr... je secoue les épaules. Mon parrain est l'homme le plus classique qui soit, et pas imaginatif pour un sou. Il demandera ce qu'il y a sur la liste, fera un rapide calcul mental pour évaluer le poids financier de sa décision, et fera livrer avec sa carte de visite. " A Pupuce, tous mes vœux de bonheur, Jean-Marc... "
Mais c'est en personne qu'il est venu, chargé comme Saint-Nicolas (ciel, toutes ces assiettes, et les tasses, et le plateau à fromage !) Et j'ai " su ", avec un tel calme que j'ai dit en souriant " Je sais ce que c'est " Je ne me trompais pas. Les seuls à être très surpris étaient mon cher parrain et ma mère.
Des années plus tard ma chatte Marie-Salope a tout renversé et cassé en jouant à l'alpiniste dans l'armoire. Mais c'est resté le cadeau de mes rêves.

Devinez-moi... sentez-moi ! - Magali

Ma mère a pointé le bout du nez entre les pétales d'une tulipe, mon père quant à lui, a siroté les tétines d'une capitale aux embruns de féculents huilés. Inutile de vous dire que porter un prénom qui chante à tue-tête comme les grillons d'un village coincé entre Sisteron et Aix en Provence est plus que surprenant !
Magali... Comme il est enivrant de respirer le miel et la lavande lorsqu'on le prononce. Oui, enfin... c'est ce que je pensais ! Hélas, avec le temps, je me suis résignée : mon nez m'emporte uniquement dans mes délires lorsque je déniche dans les rayons du supermarché l'adoucissant qui embaumera mon linge de cette odeur suave ! Heureusement que ma gourmandise me permet de conserver ces chimères quotidiennement titillées par les effluves discrets du romarin. Ce joyeux compagnon danse autour d'une multitude de petits plats, oh combien caloriques, puisque c'est moi qui les mitonne !
J'ai planté mon premier décor dans le berceau 1766 d'une maternité aux accents maternels et sucrés. Mes premières années ne se sont pas écoulées à gambader sous les oliviers ni à écouter le friselis de la Durance. J'ai tout bonnement traîné mes bottes dans les champs de maïs et les prairies boueuses du nord. Mais il me reste le souvenir papillonnant de mon plus beau cadeau : une bicyclette violette...
Cette amie fidèle m'a offert la liberté de rencontrer l'amour à l'abri d'une porte cochère, autour d'un étang envahi par les saules, sur le rythme endiablé d'une fête foraine printanière.


J'aime ce prénom qui me sourit parce qu'une petite fée égarée s'est posée sur mon épaule pendant que je jouais dans la cour de récréation avec une corde à sauter. Sans crier gare, elle m'a guidée au-delà d'itinéraires minés vers une passion incontournable du papier. Tout en rimes, là où résonnent les mots, promenades de mes stylos.
Chut ! Ecoutez, ce grillon... Je l'ai sorti de ma poche, il chante mes histoires d'amour, assis sur le trottoir. Il faut, sans tarder, que j'enfourche ma bicyclette... Le refrain dit qu'il existe une porte cochère à quelques rayons de la librairie !
(illu de Mako)