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Entretien avec Nicolas Bouvier, septembre 1994

Par Alain Bagnoud

Nicolas BouvierA.B.: Commençons par le mot « aventure »... Il n'est pas innocent, celui-là.
N.B. Non. Mais il est ambigu. Il a le sens d'aventure, à la façon dont les gamins en rêvent. Et il a aussi le sens d'un risque sentimental, d'une aventure sentimentale qui peut entraîner des conséquencesimprévisibles, comme l'autre aventure, celle de l'explorateur. Je trouve bien que ce mot ait un double sens. C'est un nom géographique externe lié à des périls tout à fait précis: des rapides, des précipices, des fauves. Et puis, de l'autre côté, il est utilisé comme une prise de risque dans l'univers humain. La jalousie, les sentiments, la vendetta, la revanche, le suicide remplacent la cascade ou la diligence attaquée par Mandrin.
Pour vous, le voyage et l'amour sont liés?
En voyage, je n'ai pas eu beaucoup le temps pour être amoureux. Parce que voyager vraiment prenait tout mon temps. Mais sans doute qu'il y a un grand cousinage.
On passe au deuxième mot. « Béatitude. »
C'est un mot qui est entré dans ma cervelle d'enfant extrêmement jeune et sous son sens stictement religieux. J'avais un grand-père compositeur qui avait appelé une de ses pièces importantes "Les Béatitudes". J'ai toujours entendu ce mot dans ce contexte un peu ouaté. Mais ce n'est pas un mot qui porte très loin. Il y en a d'autres que je préfère pour décrire le bonheur. Je crois que ce mot, béatitude, je ne l'ai jamais écrit dans aucun texte.
Un grand-père compositeur, la musique, l'écriture.... Ça nous mène directement à C comme « création »...
Un mot que je ne m'attribuerai jamais, même avec une minuscule. La fonction d'artiste n'est pas du tout une fonction démiurgique. Elle est de rendre compte d'un monde et d'une réalité qui a déjà été formée, en partie par l'homme, en partie par le ciel. Le mot de créateur, je le réserve plutôt aux divinités créatrices. Pour le travail que je fais, que font les peintres, les photographes, je préfère le mot de fabricateur, ou d'interprète.
... interprète d'une réalité ?
D'une réalité qui existe. Je ne crée ni les mots, ni les choses. Si vous voulez, ma part de création, minime, intervient dans la façon d'accoupler les mots et les choses. De les agencer.

L'entretien en entier est ici.


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