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Pour beaucoup j’apparais comme obsessionnel quant à certains goûts musicaux, comme tout le monde en fait. Combien de fois je vous ai ressassé les mêmes groupes, les mêmes orientations psyché pop, notamment au travers de ma passion pour le collectif Texan oublié Elephant Six ? Aussi quand je me suis trouvé à discuter avec Dwight Pavlovic, passionné lui-aussi et directeur du petit label de Ouest Virginie Royal Rhino Flying Records qui essaye tant bien que mal de reprendre le flambeau, la tentation était trop belle : joindre l’utile à l’agréable et lui proposer de nous faire une chronique "guest", en Américain. Emballé par l’idée, Dwight ne pouvait trouver mieux que le deuxième Lp de Circulatory System, alias la reformation semi avouée d’Olivia Tremor Control, groupe mythique s’il en est. Un disque monument, quasiment destiné à l’anonymat chez nous, auquel ont participé une ribambelle de noms flamboyants tels que Jeff Mangum de Neutral Milk Hotel. Lisez-moi ça et procurez-vous ce disque qui ne ressemble à rien d’autre.
Circulatory System - Signal Morning (2009) par Dwight Pavlovic
Au XIIIème siècle, le philosophe Majorcain Ramon Llull inventa un mécanisme qui est aujourd’hui appelé le Cercle Llullien et qui était constitué de roues entremêlées les unes dans les autres avec des marques symboliques le long de leur circonférence pour laisser libre court à la combinaison d’idées aléatoires. Leibniz appela ce système "Ars combinatoria", et alors que Will Cullen (Olivia Tremor Control, Circulatory System, etc) n’est probablement pas assez Cabaliste ou autre pour se convertir à l’Islam comme l’a fait Llull, c’est un processus similaire qui a vu la genèse du très attendu deuxième long format de Circulatory System : Signal Morning. Dans une interview, Hart a révélé que les premiers enregistrements de l’album ont été réalisés en 1993, et furent arrêtés en grande partie à cause multiples scléroses. Ceci n’était que le début de ce qui deviendrait un bien plus gros dossier. L’album n’a seulement commencé à prendre forme que ces sept dernières années, avec des anciens et nouveaux collaborateurs rejoignant Hart pour arranger son énorme collection en chansons cohérentes, certaines construites autour de près de 50 autres morceaux individuels (comme c’est le cas pour "Overjoyed").
Une grande partie de ce que fait Hart, particulièrement dans sa musique et dans son artwork, évoque l’ "Ars combinatoria". L’artwork de Hart, dont on ne parle malheureusement que pour ses apparences parmi une sélection d’autres packagings, est un parfait accompagnement visuel à sa musique. Dans son artwork pour les deux albums d’Olivia Tremor Control et celui du premier Circulatory System il présente une écrasante combinaison de formes, géométries et couleurs. La parallèle entre la musique et l’art est encore plus évidente dans les bleus et blancs de la pochette de Signal Morning. Sous un espace bleu, un tranquille assortiment de formes blanches interconnectées en un labyrinthe surnaturel ; beaucoup de ces formes se contiennent elles-mêmes mais sont aussi adoucies aléatoirement par des coins arrondis, ou des trainées de pics tranchants.
Un exemple encore plus parlant est l’énorme peinture produite par Hart en quatre couleurs, imprimé juste après que Signal Morning soit sorti. Le poster, montrant une série d’oiseaux stylisés émergeant d’une fontaine de formes et de couleurs, est une parfaite réflexion de l’album : un ultime effort collaboratif confirmé par les centaines d’enregistrements personnels d’Hart. De la même manière que ses peintures montrent une profusion d’objets différents collectés en un réseau, la longue liste de participants à Signal Morning recrée la renaissance musicale du collectif Elephant Six. Même Bill Doss (Olivia Tremor Control, The Sunshine Fix), qui était absent du premier Circulatory System puisqu’il avait quitté Olivia Tremor Control apporte son aide sur Signal Morning.
Musicalement, et malgré toutes les complications intervenues durant l’enregistrement et l’assemblage, l’album débarque avec autant de puissance que son prédécesseur, si ce n’est davantage. Dans bien des égards, c’est un album plus heureux. Caché au milieu du tracklist, "News from the heavenly loom" est une pierre précieuse de folk pop au ukulélé distordu de 24 secondes - malgré cette courte longueur - et le titre éponyme "Signal Morning" possède ce qui sonne comme de nombreux groupes en service, c’est-à-dire une "presque" impression de jam, entre autres. Sur n’importe quel autre projet de Hart, "presque" pourrait être mal interprété mais "Signal Morning" est en fait une des plus fortes chansons de l’album. Menée par le piano, avec quelques guitares accrocheuses, et juste ce qu’il faut de beat pop, elle sonne trompeusement simple. Intérieurement, elle est en fait très compliquée ; en faisant de multiples changements de styles bien venus, chacun étant effectivement développé avant d’être interrompu, avec le tout prenant place dans une atmosphères de boucles changeantes, de bruits, et de gazouillements de sons de l’espace - de telles choses pourraient être dites plus tôt dans le disque pour "The spinning continuous" et "Blasting Through".
Dans une certaine mesure, la longueur de ces morceaux comme des entités uniques peut être attribuée à leurs contributeurs et à leurs solides bases dans le monde la pop : la construction de l’album a donné d’énormes opportunités pour que les personnalités individuelles soient exprimées. Selon Hart, une grande partie du travail d’assemblage a été menée par Derek Almstead (contributeur régulier dans plus d’une douzaine de projets Elephant Six, entre autres), Charlie Johnston (63 Crayons), et Nesey Gallons (un jeune musicien qui a vu Olivia Tremor Control jouer pour la première fois à l’âge de 15 ans) - et il est évident que le musicien responsable du joyaux pop psyché qu’est 63 Crayons a du apporter son sens de la sensibilité à la table. Contrairement au premier album de Circulatory System et à cette face A de Signal Morning, la face B montre cette forte influence pop dans l’absence d’ubiquité musicale, avec de courtes chansons où Hart aurait autrement tendu ses muscles avec des collages sonores et des bombardements de bruit. Bien que le partenariat créatif cède à la synthèse de la variété des idées, chaque titre de Signal Morning semble agréable en tant qu’individualité. Avec des années d’attention et de dévouement fournies par les loyaux associés de Hart, chaque chanson apparaît comme un énorme chef d’œuvre à l’intérieur de lui-même.
Bien que le son particulier de Circulatory System laissera probablement une majorités d’auditeurs convaincus que leur sorties sont toutes des "concept albums" - ce qui n’est pas nécessairement la pire chose que les gens puissent penser - Signal Morning fait bien mieux en s’échappant de ce genre de jugement superficiel. C’est davantage le produit de musiciens matures, avec bien moins à prouver que dans leur jeunesse, lorsque le collectif Elephant Six était encore vigoureux et fort de sa nouvelle célébrité. Comme Signal Morning ouvre sur l’ensemble "Woodpecker Greeting Worker Ant" et termine sur "Signal Morning 2", il est indéniable que le processus a été tortueux pour Hart, tout comme il a du se battre avec les difficultés médicales et sociales, puis petit à petit a du reconstruire une joie de travailler ensemble. Pour ceux d’entre nous qui ont grandi avec les groupes Elephant Six galvanisant le pays, c’est la poignante renaissance que nous attendions tous. J’ai commencé à écouter Neutral Milk Hotel et Olivia Tremor Control au lycée, après quoi je me suis rapidement fait à l’évidence que je ne pourrai probablement plus jamais les écouter à nouveau. Signal Morning est tout ce que son nom suggère : une balise de détresse allumée par des musiciens debout à l’aube d’un jour nouveau. Sans vouloir être trop dramatique.
Chronique écrite par Dwight Pavlovic traduite de l’anglais par Ju
Le Myspace du groupe et le site de Cloud Recordings
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Même si le format clip et morceau unique ne correspond en rien à l’esprit Signal Morning, faites-vous une petite idée avec "Overjoyed" :