On peut ainsi déambuler au milieu de cette forêt d’arbres tronqués, aux écorces floquées, ornés d’embouts argentés, certains sur socle, d’autres sur roulettes; l’un d’eux est ajouré come une dentelle, d’autres sont marqués d’un trait rouge définitif et mortel. Se confronter ainsi à la sculpture, s’y mesurer au sens propre, crée une sensation très physique, comme on aime déambuler dans les salles Giacometti du Kunsthaus de Zurich, par exemple.
A côté d’un magnifique labour accroché au mur, prélèvement rural transformé en tableau, un autre, au sol, posé sur des pieds comme un meuble de salon, se révèle être en mousse, matériau tactile et fragile. Cette capacité à transformer les formes banales du réel -que jamais nous ne regardons- en sculptures imposantes est un signe magique.
La pièce montrée pour le Prix Marcel Duchamp il y a un an est reconstruite ici, soleils jaunes et vol de corbeau, évocation du dernier
van Gogh bien sûr, mais aussi spectacle en soi, présenté ici dans une niche, presque comme une crèche de cathédrale.
Dans une salle à l’écart, sous une verrière pyramidale, l’artiste expérimente avec le socle et place cet énorme platane éblouissant de blancheur sur cinq fragiles poteaux d’acier; on pense aux travaux de Rodin sur le socle. Tout le travail de Didier Marcel est une transplantation, une irruption dramatisée du réel dans le musée, une objectivisation en tableau ou en sculpture. Je vous conseille la lecture de sa monographie aux Presses du Réel (disponible chez
Dessin Original)
Ailleurs dans le MUDAM actuellement, outre une grande
installation de Tomas Saraceno, le plus intéressant est l’exposition GO EAST II sur quelques artistes d’Europe de l’Est. Outre le travail conceptuel de Roman Ondak (comment représenter une exposition qu’on n’a pas vue sur la base des récits qu’on vous en fait), thème réjouissant mais déjà très exploré, j’ai aimé l’installation
Lemniscate de
Zilvinas Kempinas, avec une bande magnétique en forme d’infini ∞, même si, ayant moins d’ampleur que celle vue au Palais de Tokyo, elle n’était qu’un spectacle à regarder (un peu comme avec Juliana Borinski à Witte de With) et non pas une présence à éviter, n’engageant pas le spectateur physiquement.
Enfin, un petit film de
Mircea Cantor,
Shadow for a while, montre l’ombre d’un drapeau qui se consume : nous n’en saurons pas la couleur, ni donc l’idéologie, ce n’est qu’un jeu d’ombres.
Photos de l’auteur. Didier Marcel et Zilvinas Kempinas étant représentés par l’ADAGP, les photos de leurs oeuvres seront retirées du blog au bout d’un mois.