Après avoir évoqué dans un précédent billet la créatrice de Mélisande, le moins qu'on puisse faire, c'est de rendre hommage à celle qui fut sans aucun doute la plus grande Mélisande du siècle passé, Irène Joachim.
Née à Paris le 13 mars 1913 et morte le 20 avril 2001 dans cette même ville, Irène Joachim appartient à une fort célèbre famille de musiciens. Son grand-père était le grand violoniste Joseph Joachim, qui avait créé le concerto pour violon de Brahms, sa mère, née Suzanne Chaigneau, violoniste elle aussi appartenait au « Trio Chaigneau » et sa cousine était elle-même une violoniste réputée. J'ignore si, génétiquement, le virus de la musique se transmet, mais on peut affirmer sans crainte de (trop) se tromper qu'avec un tel entourage et baignant dans un tel milieu, la carrière d'Irène Joachim n'a rien de très étonnant... Quoique, direz-vous, il faut quand même un don au départ et du talent : éléments dont elle était loin d'être dépourvue.
Dès l'enfance, elle apprend la musique avec sa mère puis entre au conservatoire où elle se perfectionne dans le chant et obtient de nombreux prix. L'année 1939 voit sa première apparition sur la scène de l'Opéra-Comique dans Le Bon roi Dagobert de Marcel Samuel-Rousseau. Mais c'est surtout l'année 1940 qui la couronnera avec les représentations de Pelléas et Mélisande, œuvre qu'elle gravera sur disque en 1943 avec Jacques Jansen dans le rôle de Pelléas sous la direction de Roger des Ormières : référence absolue de tous les mélomanes, peut-être un des plus beaux disques de tout le vingtième siècle. Grâce à une diction absolument parfaite, un timbre très pur et une sensibilité hors du commun, elle arrive à rendre toute la fragilité blessée et la grâce tragique de Mélisande.
Sa carrière devient internationale et c'est sur les plus grandes scènes lyriques du monde qu'elle interprétera Mélisande ; mais on la verra aussi dans Werther, Carmen, à Paris dans Ariane et Barbe-Bleue de Paul Dukas, Le Roi d'Ys d'Edouard Lalo. Parallèlement, elle chantera également le répertoire romantique allemand et notamment de très nombreux lieder de Liszt, Schumann, Brahms... A ce répertoire dit « classique », elle ajoute également le répertoire contemporain, car elle chantera des œuvres de musiciens tels que Georges Delerue ou Pierre Boulez.
En 1953 et ce jusqu'en 1982, elle enseignera le chant au Conservatoire de Paris, de 1954 à 1952 à la Schola Cantorum, à partir de 1983 au Conservatoire américain de Fontainebleau. Elle participera même au tournage de certains films, apparaissant ainsi chez Renoir (La Marseillaise, Les Bas-fonds), Bresson (Les Anges du péché), Carné (Les Portes de la nuit). 1950 voit débuter son engagement politique auprès du parti communiste, engagement qui ne se démentira pas, notamment lorsqu'il faudra combattre pour le pianiste Miguel Angel Estrella, emprisonné dans les geôles d'Argentine.
Lorsqu'elle meurt, en 2001, je n'ai pas le souvenir d'avoir entendu sur les ondes radiophoniques nationales ou vu à la télévision l'hommage qu'une telle artiste méritait. Sans doute n'était-elle pas (ou plus) assez médiatique... Cela dit, peut-être que France Musique ou Arte lui ont consacré quelques minutes de leur précieux temps...
VIDEO 1 : Debussy : "Il pleure dans mon coeur"...
VIDEO 2 : Debussy : "La Chevelure"
Impossible de trouver un extrait de Pelléas et Mélisande... Et c'est bien dommage...