Fac them all

Entre deux cours magistraux nuls, un étudiant glande. Il peut mater les filles, augmenter sa dépendance au café ou même travailler (pour certains cas isolés). Quand l’étudiant en question est un Salopard, il préfère s’emmerder à raconter sa journée et à tourner dans la Fac pour prendre des photos de mauvaise qualité. Décrire une journée dans cet endroit est le plus pertinent des arguments à plaider lorsque l’on souhaite sa ruine intégrale. Préparez vous à entrer dans un monde gris et hors du temps avec Nicolas Georges, un salopard résigné.

07h47

L’arrêt de bus se trouve à environ 50 mètres de chez moi. Vu l’état de fatigue (du à un manque de sommeil geekissime) dans lequel je me trouve, ça fait déjà une distance. Je vois le bus, ce foutu 81, arriver au loin. N’écoutant que mon courage et l’impatience que susciterait l’attente du prochain, je pique un sprint et monte dans le vieux tacot vétuste et pétaradant. Il n’est même pas 8 heures, je sue déjà et sent venir un début de mal au crâne en plus du picotement dans les yeux.

Une armada de vieux occupe les places assises, une bande de pintades quadragénaires (l’archétype de la secrétaire mal baisée) piaillent à fort volume des banalités, le chauffeur dragouille la cagole du coin à en oublier les feux verts. Rien de bien anormal ce matin, quoi.

08h20

Arrivée à la Porte d’Aix où se trouve l’arrêt du car vers… Aix, c’est logique, oui. Je passe sous silence la traversée du quartier Colbert et ses odeurs de pisse et de bouffe de la veille pour ne pas que votre déjeuner/diner remonte comme remontent tous les matins mes Prince de Lu tout choco pour arriver directement au car. Il n’y a là quasiment que des étudiants. Engoncé, les jambes meurtries dans cet espace trop étroit pour les non-nains (1m85 c’est quand même pas une taille de basketteur), j’enfonce des écouteurs dans mes oreilles et observe la faune. Beaucoup font comme moi et je ne cherche pas à connaitre leurs playlists (les rares fois où du son transpirait de l’oreille de mes voisins, c’était du Guetta ou du Hard Rock Satanique).

Les autres lisent 20Minutes (l’info condensée, c’est parfait, pas besoin d’aller la chercher dans des vrais journaux). il est de notoriété publique que les mots croisés de la dernière page font fureur chez les étudiants, presque autant que dans les maisons de retraite. Le reste des gens repasse consciencieusement ses leçons. J’ai parfois envie de leur demander à quoi ça sert VRAIMENT de surligner en fluo la moitié de la page.
Sinon, il y en a aussi deux ou trois qui finissent leur nuit la bouche ouverte, ce sont probablement eux qui sont dans le vrai.

08h55

Arrivée à Aix-En-Provence. Après une courte marche, l’instant « LOL » de la journée.

09h12

Le prof de Version (traduction Anglais -> Français)* arrive. Il ne dit pas bonjour et ne s’excuse evidemment pas de son retard frôlant le quart d’heure. S’en suivent 45 minutes de cours où l’être quinquagénaire, chauve et bedonnant avec un putain de polo vert et rose nous parle comme à des cafards, nous rabroue, coupe la parole aux étudiants qu’il interroge et passe plus de temps à nous démolir qu’à expliquer sa leçon. Personne ne moufte dans le groupe de Travaux Dirigés, moi encore moins, je suis déjà assez occupé comme ça à lutter avec mes yeux pour qu’ils restent ouverts.

10h10

Cours d’Histoire Américaine, rien à baver. Le sujet est passionnant (du sang, de la thune et du fanatisme) et l’enseignante nous considère étonnamment comme des êtres humains à vouloir nous faire faire participer et en nous poussant à prendre des initiatives. Le hic (il y en a toujours au moins un), c’est que personne ne veux de ça, tous sont assez terrorisés par la perspective de réaliser un exposé. Les productions sont d’ailleurs quasi-toujours désespérément scolaires. Il est d’ailleurs assez singulier de remarquer que, malgré des mois de pratique intensive, beaucoup n’arrivent pas à aligner 4 ou 5 mots de suite à l’oral, dans une confusion faite de honte, de manque d’entrainement et d’approximations phonétiques. Pour la grande majorité de ces gens qui aspire à devenir prof en la matière, c’est assez fâcheux.

12h22

L’heure d’aller attraper un sandwich. Dans la cafétéria de poche (une cinquantaine de places pour environ 5000 étudiants), ça empeste la bouffe industrielle, provoquant une énième nausée (Sartre aurait-il trouvé l’inspiration ici pour son fameux roman?). La bouffe est pas chère et pas bonne, au moins, c’est honnête.

13h34

Cours d’ »écriture créative ». Un moustachu en panne de déodorant nous montre une photo (quasi-toujours abstraite) à partir de laquelle on doit « raconter une histoire ». On est notés là dessus, oui, ça m’a rapporté trois crédits l’année dernière (et contribué grandement à mon passage).

15h06

Cours de grammaire, sans moi. J’ai séché, parce que quand même, il ne faut pas déconner non plus.

18h42

A la maison, en calbute, devant l’écran d’ordinateur. Je raconte ma journée sur L12S en espérant arriver à dissuader les futurs bacheliers de s’inscrire à la Fac avec mon témoignage médiocre mais réel.

*: Je suis étudiant en 2ème année de Licence d’Anglais LLCE à Aix-en-Provence.