Noël en solitaire

Publié le 24 décembre 2009 par Laurelen
Noël sous les tropiques. Il est minuit, et pourtant, pas de pétards, ou si peu... Le préfet a eu beau donner son autorisation, il semble que la tradition se perd, un peu. Sur le front de mer de Saint-Pierre, quelques maigres feux d'artifice. Un soir de Noël, tout seul, on se fait chier, c'est clair. On était prévenu pourtant...
Il y a quand même quelques bars ouverts. « C'est sûr, si c'était moi le patron, j'aurais pas ouvert ce soir », confie un barman désabusé. L'employé du tabac s'en fout. Ce soir, comme tous les soirs, il fermera à 23 heures. Il fera la fête après. En boîte peut-être. On croise Nathalie, sur le coup des 22 heures. Elle va bientôt prendre son service. Pour elle, c'est tous les jours Noël. Le jour elle bosse dans un magasin de fringues. La nuit, elle fait des extras en boîte.
Au resto chinois, on ne peut s'empêcher de regarder des Mères Noël, jolies, beaucoup plus sexy que l'autre barbu. Il n'y a plus un chat sur le front de mer de Saint-Pierre, d'habitude saturé d'embouteillages, de rires et de regards.
C'est Noël. Le soleil se couche. Impression de retrouver la vieille cité coloniale au café de la gare. Il manque juste une charrette et une ou deux images de la Réunion lontan. Tiens, voilà. Il suffit de demander. Il n'a pas d'âge, le type qui passe. Un casque colonial vissé sur la tête, trois médailles accrochées à son veston impeccablement repassé, il semble aller vers un destin écrit par d'anciens dieux, en remontant la rue Victor le Vigoureux.
Un gars ivre mort insiste pour s'incruster à la terrasse où quatre célibataires tuent le temps à coups de pressions et de cafés. Il vient de Monvert, il a besoin de compagnie. Envie de parler. De raconter une vie balbutiante. C'est Noël. Il finira sur le trottoir, au mieux, aux urgences, sinon. Les pompiers passent, justement, toutes sirènes hurlantes. Un gamin de deux ans traverse la rue en courant. Sa mère le poursuit en criant. Deux Père Noël braillent à l'arrière d'un pick-up en route vers d'improbables pays des lutins. Croisée près du marché Cynthia qui avait perdu son chemin. Cherchait un ami qui ne la retrouverait peut-être jamais. Comme un raccourci vers le petit matin. Croisés trois marmailles en scooter faisant crisser leurs pneus. Une bouteille de whisky vide jetée dans le port. Ceux-là ne croient plus au Père Noël...
« Il paraît que le cyclone s'éloigne », lâche un des quatre célibataires en finissant son café tiède. « Ouais, mais fait lourd », répond un des autres gars en condamnant à mort sa dodo, d'une goulée précise. Un coton bourbon crasseux vient quémander des caresses. Il reste un sucre sur la soucoupe de la tasse de café. Il ne sera pas perdu pour tout le monde. Il est une heure du matin. Et toujours pas de bruits de pétards. Nuit de chien...

Frenchy