Il est dangereux de sortir des sentiers battus, d’avoir des opinions marginales. Aujourd’hui en parlant avec les gens que l’on croise tous les jours, au boulot, à la fac, dans les transports ou ailleurs, on se rend compte rapidement qu’avoir une opinion est en soi quelque chose de marginal.
Avoir une opinion c’est-à-dire lire, réfléchir, se renseigner et se faire une idée sur les événements, pas uniquement ce que la presse présente comme étant l’actualité ou l’information, mais être aussi capable de sentir le pouls de la société qui nous entoure.
Qu’est ce que prendre le pouls d’une société ?
Savoir si de notre point de vue elle va bien ou si elle va mal. Le débat récemment posé par le chef de l’état et qui est largement relayé par les médias me fait me demander si je peux légitimement me considérer comme un citoyen français à part entière.
Si je sors des sentiers battus, j’irais fouiner du côté de l’histoire pour me rendre compte que le tribalisme et le communautarisme, posés comme virus auxquels une identité forte serait le seul antidote, sont des réalités françaises dès l’époque des gaulois, puisqu’on fait idéologiquement débuter la France par ces fameux ancêtres.
Si je sors des sentiers battus, j’irais réécouter les chansons de Trénet, d’Aznavour, de Ferrat pour me rendre compte que le jazz joué dans les caves de Saint Germain a probablement traîné dans un recoin de leurs têtes.
Si j‘écoute la version de la marseillaise chantée par Gainsbourg, je me dirais que la musique épouse merveilleusement bien les paroles, même si je ne saisi pas vraiment quel serait ce sang impur dont il faudrait abreuver nos sillons.
Il est dangereux de sortir des sentiers battus parce que c’est sur ces sentiers que Moussa, Mohammed et Sébastien dansent en répondant à l’appel d’Afrika Bambataa, sans se demander sur le moment lequel d’entre eux serait le plus digne d’être français.
Je parle d’Afrika Bambataa, mais avant lui j’aurais pu évoquer George Clinton avec son One Nation Under A groove ou Jimmy Cliff avec son We all are one. Bien sûr il serait naïf de croire que je suis Mr Rainbow Nation, complètement inconscient du fait que l’unité appelée de tous ces vœux pieux n’a pas la moindre chance d’advenir un jour. Tant qu’on croira que toute une partie du monde ne rêve que de débarquer sur des radeaux de fortune au cœur de l’autre pour se mettre à « voler » le pain des nationaux, tant que certains porteront sur leur faciès le soupçon du crime et seront ainsi susceptibles d’endurer tous les mauvais traitements, les insultes racistes qu’on pourra leur lancer à la figure parce que l’uniforme que l’on porte le permet, je sais bien que nous n’irons pas tous par les rues en se donnant la main et en s’offrant des fleurs et des baisers.
Il est dangereux de sortir des sentiers battus surtout en temps de crise, quand la fermeture des bourses ne reflète que celle des cœurs et des esprits, quand l’austérité de l’économie ne traduit que celle de la pensée. Sortir des sentiers battus reviendrait à dire qu’un autre monde est possible, que l’homme est bien au-delà des mesquineries dans lesquelles on s’évertue à l’enfermer. Sortir des sentiers battus reviendrait à dire que peu me chaux des particularismes, peu me chaux des hymnes s’ils ne sont pas à l’amour (spéciale dédicace à Edith), peu me chaux des identités et des nations. Ce qui m’importe c’est le souffle, le souffle qui pousse au delà des barrières, le souffle qui pousse à vivre dangereusement (s’il y a un quelconque danger à ouvrir son cœur et son esprit ne serait-ce que par curiosité).
A mon avis le seul danger est de rester sur un sentier balisé sans jamais prendre le risque de relever le nez et jeter un œil de l’autre côté de la barrière, la seule chose qu’elle limite vraiment c’est l’esprit critique.
Merci à Guillaume Laborde pour ses illustrations et ses suggestions.
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