Il ne veut pas se l'avouer. Mais il est déçu. Le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy s'est franchement énervé contre la dernière mesure symbolique et stupide de Luc Chatel, la suppression de l'enseignement obligatoire de l'histoire de France en classe terminale scientifique. Ce n'est pas la première fois qu'Henri Guaino se lâche.
Le Figaro a révélé le clash. Le 9 décembre dernier, comme chaque mercredi, Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée, réunissait les conseillers du président. Ce dernier sèche le rendez-vous depuis des lustres. On ne sait pas si la raison de l'absence présidentielle est ces virées nocturnes, son manque d'intérêt, ou la confiance absolue qu'il a en Claude Guéant. Sans doute un peu des trois. Ce mercredi, la douzaine de conseillers présents a assisté à un clash d'une rare violence. Raymond Soubie, conseiller social de Sarkozy, n'a pas supporté qu'Henri Guaino applaudisse la pétition d'intellectuels parue dans le JDD contre le projet de Luc Chatel. Un manque de solidarité au sein de l'exécutif inacceptable selon lui. En l'absence du conseiller spécial, Soubie se lâche. Le Figaro relate la suite:
"C'est justement le moment que choisit Henri Guaino pour entrer. Il est, lui aussi, régulièrement absent de ces réunions dont il dédaigne le rituel. Son arrivée tardive et inopinée se fait dans un silence de plomb. Claude Guéant, qui est l'arbitre de ces colloques matinaux, l'accueille d'un : «nous parlions justement de l'histoire...». «Je m'en doutais», lui répond Guaino, extrêmement remonté contre le projet Chatel. Raymond Soubie lui reproche de ne pas seulement «déstabiliser le gouvernement» mais aussi de «déstabiliser le président». Soubie sait très bien que dans les réformes de l'éducation, «si on lâche sur une filière, toutes les autres suivent». Un autre conseiller monte à la charge. «Tu offres un spectacle indigne. C'est la dignité de l'État qui est en jeu !», lui lance-t-il en lui reprochant l'accumulation des initiatives menées dans le dos du cabinet. Depuis la pétition suscitée auprès des députés pour réclamer que le grand emprunt national lève 100 milliards d'euros, jusqu'au recadrage d'Éric Woerth qui avait fait connaître son mécontentement."Ce n'est pas la première fois qu'Henri Guaino se trouve en porte-à-faux contre l'action gouvernementale et certains arbitrages présidentiels. Il y a un mois, le conseiller avait suscité, sans vraiment l'avouer, une pétition d'une soixantaine de parlementaires UMP en faveur d'un Grand Emprunt de 100 milliards d'euros. Le coup avait fait choux blanc. Quelques jours plus tard, le gouvernement faisait savoir que l'emprunt ne devrait pas dépasser 35 milliards.
Depuis mai 2007, Henri Guaino s'imagine travailler en faveur d'une rupture aussi déterminante et prestigieuse que celle du Conseil National de la Résistance, dont il rappelle l'inspiration dès qu'il le peut. Malheureusement pour lui, la présidence sarkozyenne s'est très rapidement révélée pour ce qu'elle devait être : un mélange d'activisme inactif, de vulgarité bling bling, et de politique de classe. L'intellectuel souverainiste a même contribué à la faillite intellectuelle du sarkozysme, par quelques discours rédigés pour son Monarque qui ont choqué au lieu de rassurer. Le fameux discours de Dakar voulait instituer que "l'homme africain" était en retard sur l'évolution du monde. Les propos récents sur l'identité nationale ont rapidement été rapprochés, à tort, de la vulgate frontiste.
Finalement, Henri Guaino n'est sans doute plus à sa place au sein de l'exécutif présidentiel. Incapable d'apporter un peu de sens à la monarchie sarkozyenne, il intervient quand même souvent et prend le risque de la déconvenue systématique. L'homme aime idéaliser l'armée, affichant ainsi des tentations peu démocratiques: «On peut discuter un ordre autant qu'on veut avant, mais une fois qu'il est donné, tout le monde s'exécute» avait-il confié au Figaro en janvier dernier. Le conseiller admire Bonaparte, ou Napoléon.
Sarkozy n'est pas le bon modèle. Henri Guaino le réalise un peu plus chaque jour.