Mercredi soir, Nicolas Sarkozy était l'invité de Michel Denisot sur Canal+. Un point d'étape sur le chemin de Copenhague, dont le sommet écolo vire au désastre. L'environnement est l'un des thèmes de la trajectoire électorale du président en exercice: "J'ai changé. Je me suis renseigné". Sarkozy n'a pas changé, il a simplement peur.
La trouille électorale
Toujours bien informé, le Figaro relatait, sous la plume de Charles Jaigu et Bruno Jeudy, l'agenda de Nicolas Sarkozy pour 2010. Franck Louvrier, le conseiller en communication du président, a bien fait les choses. Il fallait encadrer les semaines à venir, montrer que le Monarque tient sa trajectoire.
1. Le 31 décembre, Les vœux (enregistrés) de Nicolas Sarkozy seront diffusés simultanément à la télévision, sur Internet et sur téléphones portables. Gadget, quand tu nous tiens ! Rien sur Facebook ?
2. En janvier, la présidence a prévu pas moins de 13 déplacements. La précédente tournée, en janvier 2009, avait viré au fiasco. "Le chef de l'Etat français" s'était montré agacé, énervé, vindicatif. Ses propos à l'égard des enseignants et des chercheurs avaient choqué. Chaque déplacement avait nécessité des bouclages sécuritaires inédits, et une manifestation imprévue avait coûté son poste au préfet de Saint-Lo. Cette fois-ci, assure le "collaborateur" qui a soufflé toutes ces "révélations" aux deux journalistes, on fera gaffe ! «Nous sommes conscients de ces critiques, mais jamais nous n'avons pensé abandonner ces vœux décentralisés».
3. Le Monarque évitera tout échange avec la presse. Les médias n'auront même pas droit à une cérémonie de voeux. Depuis son unique conférence de presse, en janvier 2008, Nicolas Sarkozy préfère des assemblées sages et dociles. Il juge l'exercice des questions/réponses "inadapté". Comme Vladimir Poutine. Lundi, nous avions pu constater combien Nicolas Sarkozy n'avait pas changé, lors de sa micro-conférence de presse sur l'emprunt national: le ton de ses réponses restait péremptoire, moqueur ou méprisant à l'égard de journalistes triés qui n'avaient, de surcroît, aucun droit de suite.
4. Les trois "nouveaux" chantiers que Sarkozy compte lancer seraient la réforme des retraites, le financement de la dépendance, et la justice. Sur les retraites, Sarkozy ne cesse de répéter qu'il n'aura aucun tabou, qu'il faut réformer sans tabou. En fait, le seul tabou qu'il a est celui de passer à l'action. Dans quelques mois, cela fera 3 ans qu'il est au pouvoir. Et bizarrement, certaines réformes largement plus futiles (constitution, peines planchers, bouclier fiscal) ont pu être mis en oeuvre sans attendre. Malgré cette détermination affichée, il paraît que «Le président est partagé», a expliqué un ministre aux deux journalistes.
En fait, il a la trouille.
5. La vraie préoccupation de Nicolas Sarkozy sera la préparation de sa réélection en 2012. Les élections régionales seront un test, une indication de sa "jauge" électorale. A ce titre, le président a une double crainte : se faire déborder par la droite par un Front National revigoré par un débat inopportun sur l'identité nationale. Et voir sa stratégie de rassemblement à droite contre-carrer par les tentations séparatistes des uns (le Nouveau Centre) et les critiques désagréables des autres (Raffarin notamment).
Mercredi soir sur CANAL+, Nicolas Sarkozy a du répondre sur la dizaine d'Afghans sans-papiers expulsés dans la nuit de mardi à mercredi. "Les Afghans qui sont ici ne veulent pas venir en France, ils veulent passer en Angleterre, et les Anglais n'en veulent pas. Donc qu'est-ce qu'on fait?". Mieux, "il y a tous ceux qui ont des émotions, et que je respecte, et puis il y a moi qui ait un travail à faire". "Franchement, ramener un Afghan en Afghanistan alors qu'il ne veut pas rester en France, en accord avec la Cour européenne des droits de l'Homme, et en accord avec un gouvernement de gauche européen, où est le problème?"
Où est le problème ?
La trouille environnementale
Cette trouille était à peine perceptible mercredi soir sur CANAL+. Interrogé par Michel Denisot, le Monarque a rappelé l’importance du sommet de Copenhague, une occasion « historique » et « "la dernière" pour changer le cours des choses. « On sait très exactement ce qu’il faut faire ». Sur place, le sommet vire au désastre, et la France a joué sa partition dans la confusion ambiante.
« L’Europe doit donner l’exemple »: Sarkozy critique l’attentisme des uns et des autres. Premier objectif des dernières heures du sommet : il faut un leadership à cette conférence, et aujourd’hui… « l’Europe a pris des décisions qui font que notre continent est celui qui a pris les mesures les plus ambitieuses ». Rapidement, Sarkozy ment, par omission, quand il déclare que les engagements européens sont sans conditionalité. Relisez le communiqué européen et le compte-rendu de la conférence de presse du même Sarkozy vendredi dernier.
Sarkozy a aussi une curieuse conception de ce qui ferait de Copenhague un succès : selon lui, il suffirait que le sommet débouche sur un accord sur :
- un constat partagé sur le réchauffement climatique (Qui en doute à part Claude Allègre ?)
- le besoin de limiter à 2 degrés d’ici 2050 le dit réchauffement.
- la mise en place de "financements innovants" type Taxe Tobin.
- la création d'une organisation mondiale de l’environnement chargée de surveiller la tenue des engagements.
C'est tout. Rien sur l'aide aux pays pauvres ni des engagements contraignants (donc susceptibles de sanctions le cas échéant), qui sont pourtant les deux seules questions qui vaillent. Les ambitions de Sarkozy, en ce milieu de semaine, sont donc devenues minimales. On ne sait rien des exigences européennes contre les plus gros pollueurs de la planète.
Avant de partir à Copenhague, Sarkozy a la trouille.