Semaine de tous les dangers, ces sept jours écoulés n'ont pas déçu: emprunt national, sommet de Copenhague, charter d'Afghans et ... Karachigate. Sarkozy avait des raisons d'être agacé, et le monde d'être déçu.
Grand Emprunt, on rase gratis.
Lundi, Nicolas Sarkozy tenait une conférence de presse, presque une vraie, avec des vraies questions de journalistes. On n'avait pas vu ça depuis le 8 janvier 2008, où le Monarque s'est montré autoritaire, cassant et méprisant à l'encontre des médias présents. Cette fois-ci, l'exercice fut moins désastreux. La séance de questions-réponses fut d'abord très courte, une vingtaine de minutes. Les journalistes ne devaient aborder que des questions économiques. Sarkozy ne put s'empêcher de faire la leçon, quitte à mentir: à Gérard Leclerc qui lui demandait s'il comptait revenir sur le bouclier fiscal, Sarkozy répète sa comparaison mensongère avec l'Allemagne.
Le président français présenta donc son "grand emprunt d'excellence", un artifice électoral qui ne fait guère illusion, vendu avec un vocabulaire pompier, mélange d'un héritage des années cinquante et du vulgate technocratique new age. Avec "l'emprunt national", tout, ou presque, est labellisé "d'excellence": campus, internat, laboratoires, chercheurs, instituts, etc... Tout sera "excellent". Ce nouvel endettement sera ciblé sur 5 priorités (11 milliards d'euros pour l'enseignement supérieur et formation, à coups de grands campus, et de dotations en capital tous azimuts; 8 milliards pour la recherche, pour laquelle Sarkozy, jacobin comme jamais, pense biotechnologies, agronomie, "bio-informatique" et "nanobiotech"; 6,5 milliards d'euros pour les "aéronefs du futur" et les PME industrielles; 5 milliards pour le nucléaire "durable" (l'échec de Superphénix n'a pas suffit) et les énergies renouvelables. Et enfin, 4,5 milliards d'euros pour "numériser la société".
Pour rassurer les marchés financiers, au lieu d’emprunter 35 milliards d’euros supplémentaires, soit 1,8% du PIB estimé pour 2010, Nicolas Sarkozy a finalement décidé d’y affecter les 13 milliards rendus par les banques françaises. Certains respirent. Un grand superviseur sera nommer et une commission évaluera les projets. Back in USSR ?
Copenhague : la France contre l'Europe ?
Dès lundi après midi, Nicolas Sarkozy devait penser à Copenhague. Le sommet sent l'échec. Depuis de longs mois, le président français avait désigné cette rencontre internationale comme une occasion historique et déterminante pour lutter contre le réchauffement climatique. A forces de déclamations sentencieuses, on avait fini par oublier ce que ce sommet devait décider: fixer des objectifs contraignants de réduction d'émission de CO2, certes, mais aussi dégager les financements nécessaires pour les pays pauvres.
Cette semaine, la théatralisation fut donc à son comble, quand 110 chefs d'Etat rejoignirent, à compter de mercredi, des participants déçus et fatigués. Sarkozy lui-même a fait faussement monter la pression d'un cran. Son discours, jeudi à Copenhague, était offensif ... en surface: "Nous ne sommes pas ici pour un colloque sur le réchauffement climatique, nous sommes ici pour prendre des décisions". La veille sur CANAL+, Sarkozy avait rabaissé ses ambitions, en omettant de la liste de ses objectifs à Copenhague un chiffrage de l'aide aux pays pauvres et la présence d'engagements contraignants et susceptibles de sanctions.
Jeudi soir, un conclave d'un vingtaine de chefs d'Etat s'est enfermé des heures durant pour parvenir à un accord minimaliste et contesté : objectif de limiter la hausse globale des températures à 2 degrés d'ici 2050, mais sans contrainte de réduction des émissions de CO2, ni la création d'une organisation internationale pour surveiller la tenue des engagements; aide aux pays en développement de 100 milliards de dollars à compter de 2020, à l'aide de "financements innovants" à examiner; aide immédiate de 30 milliards de dollars d'ici à 2012. "Le texte que nous avons n'est pas parfait, d'abord ce n'est pas un traité, même si nous demandons la transformation de cet accord en instrument juridique contraignant pour 2010; cette demande est faite en accord avec les Etats-Unis et toute l'Europe" a reconnu Le président français. Une foule d'Etats (Soudan, Tuvalu, Cuba, etc), l'ont contesté. Même l'Europe n'a pas souhaité augmenter son propre objectif de réduction de 20% des émissions de CO2...
La dernière journée fut "folle" : de photo de famille annulée en décisions reportées, le sommet a tourné au désastre. Nicolas Hulot enrage : "Deux ans de prépa pour rien". Tous accusent Barack Obama, sauveur espéré mais champion décevant. Comme d'autres dirigeants européens, Nicolas Sarkozy devrait aussi s'interroger sur sa lourde responsabilité dans cet échec : à force de jouer les Etats-membres contre l'Europe, l'Union Européenne est restée inaudible. Il y a 8 jours, les 27 promettaient depuis Bruxelles de consacrer 7,2 milliards d'euros sur 3 ans d'aide financière aux pays pauvres, et s'engageaient - sous condition d'être imités par leurs collègues occidentaux - à réduirede 30% d'ici 2020 les émissions de gaz à effet de serre. Trois jours plus tard, la France jouait seule sa partition avec l'Afrique, en déposant une autre proposition. Entre-temps, la représentation danoise volait en éclat. Puis, mercredi, Sarkozy s'organisait une visio-cobférence médiatisée avec Merkel, Obama et Brown. Cette incapacité des dirigeants européens à négocier une position commune forte de l'UE puis à s'y tenir, a pesé lourd dans l'échec du sommet. L'Europe fut inaudible, et ce ne sont pas les sauts de cabris du Monarque français qui ont servi à quelque chose.
Kaboul ou ... Karachi ?
Mercredi, on avait envie d'envoyer Frédéric Lefebvre à Kaboul, afin qu'il juge de l'état du pays. Une dizaine d'Afghans avaient été renvoyés, la veille et en catimini, dans leur pays par charter franco-britannique. Eric Besson a concédé, mercredi matin, que l'un des Afghans souhaitait obtenir l'asile politique. Les explications officielles sont que ces Afghans ne risquent rien dans leur pays. Contradiction ultime, Frédéric Lefebvre, le porte-flingue de l'UMP, explique qu'il était du devoir de ces sans-papiers de retourner dans leur pays pour lutter contre les Talibans. L'Afghanistan est-il ou n'est-il pas en guerre ? Il faudrait savoir. Dans tous les cas, la nausée est à son comble. L'administration de l'identité nationale est prête à tout pour tenir ses règles inhumaines. L’Express, daté du jour, laisse entendre qu’Eric Besson a le « moral à zéro », lassé par la multiplication des attaques. Il ferait bien de se reposer. Ses outrances verbales, ajoutées à son statut si atypique d'ultra-sarkozyen récemment converti, l'ont transformé en épouvantail politique, à gauche comme à droite.
Son débat identitaire vire au désastre. A droite, on s'inquiète toujours d'une éventuelle remontée du Front Nationale lors des prochaines élections régionales. On critique aussi la stigmatisation de l'islam. Les débats locaux sont risibles et terrifiants, tant ils servent de défouloir. Des sous-préfets désemparés tentent d’animer ces réunions aux rangs clairsemées et composées, pour l’essentiel, d’élus et militants UMP. Finalement, ce débat ne porte pas sur l'identité nationale mais sur la place de l'immigration. On l'avait dit.
Jeudi, on avait envie d'envoyer Frédéric Lefebvre à Karachi, afin qu'il juge de l'état du scandale. Choquées par la réaction moqueuse de Nicolas Sarkozy aux soupçons de corruption et à la lenteur de l'enquête dans l'affaire du Karachigate, les parties civiles ont déposé plainte contre les dirigeants français de l'époque (Edouard Balladur, Nicolas Bazire, Renaud Donnedieu de Vabres et ... Nicolas Sarkozy), quand la France vendit des sous-marins nucléaires au Pakistan en 1994, sur fonds de commissions occultes. Les parties civiles, confortées par les récentes conclusions des juges chargés l'enquête, suspectent cette juteuse affaire de commissions d'avoir quelques liens avec l'attentat du 8 mai 2002 qui coûta la vie à 14 personnes dont 11 de leurs proches.
Sarko agacé
Nicolas Sarkozy a taclé Hervé Morin mardi, devant les responsables de sa « majorité », l’accusant de casser la dynamique du camp. "L’UMP c’est le RPR d’hier, pour l’essentiel", avait déclaré Morin au micro de RTL. Crime de lèse-majesté ! L'UMP doit demeurer cette union des droites gaulliste, libérale et centriste pour rester une machine électorale efficace. les velléités séparatistes de quelques centristes ne plaisent guère à l'Elysée.
Autre sujet d’agacement, le clip raté des Jeunes UMP, le fameux « lip dub ». Les conseillers de l’Elysée laissent entendre que le Monarque a jugé ridicule et anachronique cette initiative. Le ratage sénatorial récent a ajouté à l’énervement présidentiel : l’erreur de vote d’un sénateur centriste, qui votait pour tout son groupe, a laissé passer un amendement communiste qui rejette le projet de redécoupage électoral… la coupe est pleine. Certains sénateurs à droite, Raffarin en tête, avaient déjà exprimé leurs réticences contre cette réforme. Pire, Raffarin critique aussi le débat identitaire d’Eric Besson : « Le débat sur l’identité nationale ne peut pas être (…) une réflexion de comptoir », a déclaré Jean-Pierre Raffarin. Ce dernier a même suggéré de reporter le débat après les élections régionales. Mardi, Nicolas Sarkozy a au contraire rendu hommage à Eric Besson. Le ministre de l’identité nationale se trouve poussé en avant… Pour mieux prendre des coups à sa place ?
Identité, fiscalité, environnement, ces trois sujets devaient porter la campagne électorale sarkozyenne des mois à venir: ça commence bien.
Ami Sarkozyste, où-es-tu ?