Copenhague : échec et mat

Publié le 21 décembre 2009 par Juan


Le sommet de Copenhague était "LA" rencontre attendue par le monde. Des dizaines de pays, associatifs et scientifiques se retrouvaient pour définir un triple cadre à la lutte mondiale contre le réchauffement climatique : des objectifs, des engagements, et une aide financière pour les pays les plus pauvres. En Sarkofrance, Nicolas Sarkozy s'était saisi du sujet avec délectation, dès les premiers jours de la présidence française de l'Union Européenne en 2008. 18 mois plus tard, le sommet est un fiasco. Nicolas Sarkozy n'est pas le seul responsable de cet échec, mais la France a mal joué.
Les raisons de l'échec
A Copenhague, si la prise de conscience des problèmes était partagée, les obstacles étaient nombreux. Barack Obama ne voulait (pouvait ?) pas engager son pays trop fermement. La Chine était prêt à quelques efforts mais, dictature oblige, il lui était hors de question de laisser qui que soit vérifier la réalité de ces efforts. L'Union Européenne s'est révélée incapable de parvenir à une position commune et forte, secouée par les initiatives nationales de certains, la France en tête. Les pays en développement attendaient des efforts financiers lourds. Le Brésil voulait comptabiliser ses désastreuses dépenses en carburant "vert" au crédit de ses efforts contre le réchauffement climatique. L'Europe du Nord ne voulait pas entendre parler de déforestation.
Sur place, les pays en développement accusèrent le Danemark de comploter sur leur dos avec la Chine et les Etats-Unis. Last but not least, toute décision à Copenhague devait passer par un consensus des Etats participants. Autrement dit, une mission impossible.
Un argument électoral.
A l'issue des élections européennes de juin dernier, Sarkozy avait joué de l'écologie comme un nouvel argument électoral pour les prochains scrutins. Les caméras de télévision suivaient Jean-Louis Borloo dans ses nombreux déplacements aux quatre coins de la planète pour convaincre les chefs d'Etat de cautionner une proposition française. Pour valoriser son argument électoral, Nicolas Sarkozy a joué les Etats contre l'Europe, les convergences bilatérales contre les positions collectives. C'est sans doute le plus frappant de cet échec. La Sarkofrance a cherché l'appui de la Chine, du Brésil, de l'Afrique, avant de solidifier - quitte à s'effacer - une position européenne commune et forte. Sarkozy valorisa Lula davantage que Barroso, Merkel ou Brown. Quelques jours avant le sommet de Copenhague, il s'affichait avec Brown. Quelques jours après la timidite recommandation européenne, il surprenait tout le monde en proposant un projet franco-africain...
La France s'est agitée ... pour rien
"Il n'est pas trop tard pour agir. on a une base pour aller plus loin. On a un accord politique. Certes, c'est 28 pays, mais c'est 90% des émissions de gaz à effet de serre." a tenté d'expliquer Chantal Jouanneau, la secrétaire d'Etat à l'Ecologie du gouvernement Sarkozy. L'AFP constate que Sarkozy a échoué. Le site de l'Elysée, si prompt à célébrer le moindre battement de cils du Monarque, est curieusement discret sur les résultats du sommet. Samedi 19 décembre en soirée, aucune publication n'encombrait la page d'actualités du site présidentiel. Tout juste comprend-t-on que Nicolas Sarkozy ne travaillera que mardi et mercredi prochain.
Depuis samedi, l'Elysée a chargé la diplomatie onusienne: « Ce sommet a révélé néanmoins les problèmes du processus décisionnel onusien qui a montré toutes ses limites et qui semble en bout de course. » a critiqué l'UMP. Comme le rappelle Rue89, le problème était ailleurs, dans l'incapacité des grands pays à vendre leurs positions, par ailleurs disparates.
L'Amérique... absente ?
La presse américaine n'est pas dupe. Les conseillers de Barack Obama ont tenté de valoriser leur champion. Mais Barack Obama pensait à autre chose. Son agenda est national (avec la réforme du système de santé), et, comme l'a rappelé Daniel Cohn Bendit, il ne pouvait pas rattraper 8 années perdues de bushisme. D'autres expliquent au contraire qu'Obama a sauvé le sommet du fiasco complet. Sans son intervention, aucun accord politique, même minimaliste, n'aurait été signé.
Des réactions négatives
La reculade des pays les plus riches est "historique" estiment les écologistes. La déclaration de Copenhague laisse les pays fragiles sur le bord de la route. Pour le délégué soudanais, tête de file de nombreux Etats africains, C'est «le pire de l'histoire». Pour Nicolas Hulot, "Nous avons bradé l'avenir de nos enfants". Sans blague ? Pour Attac, ce sommet est une "honte morale". Martine Aubry, pour le Parti Socialiste, rappelle que "Conclure le sommet sur une déclaration d'intention de contenir à 2° le réchauffement d'ici 2050 sans dire comment, ne peut être considéré comme un résultat : c'était le point de départ du sommet!" Les Verts résument le problème: "Le résultat est aussi désespérant que les enjeux étaient d'importance. La Chine et Obama sont les coupables numéro un, mais l'Europe a péché par sa désunion et son absence de leadership", a expliqué la porte-parole du parti écologiste.
En Franc, Copenhague a fait deux victimes : Nicolas Sarkozy a perdu de sa crédibilité internationale. Et Jean-Louis Borloo est handicapé dans sa route vers Matignon. Mardi, François Fillon essaiera quand même de vendre quelques centrales nucléaires à la Chine. Le rapprochement avec la grande dictature servira bien à cela...