Tolkien est présenté comme un intellectuel qui a proposé une rupture littéraire totale en comparaison avec ce qui avait été jusque-là produit. Violence, féerie et imaginaire caractérisent une conception de la littérature où tout est possible sur un temps indécis. Isabelle Pantin replace dans un premier temps les écrits de Tolkien dans son contexte. On a eu l’habitude d’entendre le fait qu’il s’était beaucoup inspiré de la Première Guerre mondiale pour décrire une guerre totale sur les Terres du Milieu.
La comparaison s’arrête cependant là... il y a clairement un refus de sa part d’avoir une explication de transposition tous les maux du début du XXe siècle dans son œuvre – au pire une influence sous-jacente des temps incertains dans lequel il a écrit. Ce qui est intéressant relève davantage à ce qui touche à la cartographie ; où l’on apprend que la fresque du Seigneur des Anneaux est, à la base, issue de simples cartes collées les unes aux autres, complétées au gré des besoins et laissant apparaître la création d’un monde et l’existence de peuples qui font tant la richesse de la Terre du Milieu.
Dans l’analyse, on revient longuement sur la genèse de l’écrivain : ses origines, ses influences, ses lectures, les mythes et les légendes qui ont alimenté l’imaginaire des civilisations ainsi que la poésie. Il s’agit d’une analyse passionnante de l’histoire mythologique au travers de la linguistique et d’une approche historique originale de ce qui a inspiré Tolkien. Un schéma permanent y est d’ailleurs mis en relief entre les mythes réels et l’imaginaire Tolkien : les Dieux/les Valars, des hommes, des personnages intermédiaires : muses/nains/elfes/walkyries/orcs (...).
La construction du récit se veut parfaitement authentique, rendant par là hommage aux grandes fresques et autres légendes de l’imaginaire populaire. Les sons mélodiques, l’écriture poétique et la création de personnages tout en symboles (faisant d’ailleurs écho à un certain romantisme) s’inscrivent dans un temps philosophique et scientifique riche au moment ou Tolkien livre ses récits. Isabelle Pantin introduit également la notion d’écologie avant l’heure dans les chroniques de la Terre du Milieu, notamment au travers des descriptions du Shire (autrement dit de la Comté), les récits de la description de la forêt de Fangorn, et l’image allégorique du peuple des elfes.
De ces analyses de texte, on en retire une construction du récit qui se veut perfectible chaque fois que l’auteur a voulu retravailler ses textes. Il en ressort d’ailleurs un charme féerique. Le simple fait d’évoquer certains passages du Seigneur des Anneaux, du Legendarium ou même du Silmarillon renforce l’envie de se plonger de nouveau dans l’imaginaire Tolkien ou du moins de l’approfondir. Dans cette étude, il en ressort une telle admiration et une telle fascination pour ces œuvres que l’on réalise soudain qu’il existe une production littéraire abondante et très impressionnante à ce sujet : études, essais, historique, explications (...) telle que la force de cette présente édition réside dans une compilation des points de vue les plus intéressants et révélateurs sur Tolkien et ses écrits.
On en retiendra un livre remarquablement renseigné et documenté à tel point que l’on se rend compte à quel point Tolkien aura marqué le XXe siècle et a soulevé nombre de questions auprès des aficionados de la littérature. Malheureusement, la version du livre reçue à Actualitté a été estropiée des ¾ de notes de fin, et là je m’insurge : on m’a délibérément laissé sur ma fin(faim)...
Retrouvez Tolkien et ses légendes d'Isabelle Pantin, en librairie