Parce que j’étais curieuse de ces petits éloges inédits publiés par folio dans sa collection à 2 euros.
Tout autant qu’un « petit éloge », c’est une exploration du monde oublié ou opaque des « petites filles » que livre Eva Almassy. Elle convie les petites filles connues et aimées, les actrices petites filles mais aussi toutes les Zazie, les Lolitas, les princesses au petit pois et petites filles aux allumettes, les saintes et les martyres, les Alice, Maisie, et même, comme j’étais touchée, Sybil Carpenter, la délicieuse héroïne d’Un jour rêvé pour le poisson-banane. Au début, c’est un peu abstrait, un peu sociologique, puis on commence à se réjouir de ces figures glanées de livre en blog mêlées à des souvenirs de l’auteur. C’est drôle, philosophique, brillant. On note des références, films à voir absolument, tant l’auteur leur a donné un caractère existentiel. Dans un style différent, je pensais au beau livre qu’a consacré Chloé Delaume à sa fascination pour Vian. Et la dernière partie (il faut imaginer Eve petite fille et Adam petit garçon…) est particulièrement touchante, consacrée à la petite fille qu’était Eva Almassy, petite châtelaine d’un orphelinat hongrois, devenue mère fictive d'une petite NN (Néant Noémi) et mère par procuration de Fanny, dernière partie consacrée aussi à l’exploration de son histoire familiale. Plutôt que de peiner à vous en faire l’éloge, voici un passage que j’aime beaucoup :
Ma tante « Baba » _ surnom qui veut dire « Poupée » _ profita au maximum de sa situation de petite dernière de la fratrie.
« Ceux qui voulaient faire la cour à mes sœurs devaient d’abord me faire la cour. Ils voulaient savoir qui avait raccompagné l’une, qui avait donné une sérénade à l’autre, parce que ça se faisait à l’époque et mes sœurs étaient des beautés célèbres. Avec mon grand nœud dans les cheveux, balançant mon petit sac à main brodé de perles, j’allais dans la pâtisserie de l’hôtel de ville tenir audience le dimanche pour les admirateurs de mes sœurs. J’ai pu manger une quantité énorme de gâteaux et de glaces en échange des nouvelles fraîches. Il y en avait un qui n’avait pas beaucoup de chance mais qui s’arrêtait sous ma fenêtre, je donnais un morceau de sucre à son cheval, lui me donnait un sucre d’orge, comprenant que je répéterais tout ce qu’il disait à l’intéressée. Quand j’ai compris que ça pouvait marcher dans les deux sens, je brodais, j’aidais à les réunir ou à les séparer, selon mon gré ou en fonction de ce qu’on m’offrait. Nos parents m’installaient sur le canapé quand mes sœurs recevaient pour que je les chaperonne, je n’arrêtais pas de caqueter, les amoureux me disaient : tais-toi, Poupée, pour l’amour du ciel, pendant trois minutes. Très vite, mes petits chocolats préférés sortaient de leurs poches. »