Homosexualité dans la littérature

Bien que réprimée pendant longtemps, l'homosexualité a été abordée par de nombreux auteurs au cours de l'histoire. D'un point de vue littéraire, les questions qu'elle soulève sont celles de son rôle dans l'économie des œuvres concernées, et de son efficacité. De façon plus large, on peut également s'interroger sur l'éventuelle action de ces œuvres sur les sociétés dans lesquelles elles s'inscrivent.

Les personnages d'homosexuels

En simplifiant, on trouve quatre types d'homosexuels dans la littérature (ces types pouvant être mêlés dans un seul personnage). Ces différents types de personnages correspondent aux différents regards portés sur l'homosexualité au cours de l'histoire : relativement neutre dans l'Antiquité, négatif du Moyen Âge au milieu du XXe siècle, et plus indulgent à partir des années 1970.

•le débauché : un exemple classique est celui des « héros » du Satyricon de Pétrone.

-C'est la débauche leur vrai problème, l'homosexualité n'en est qu'un aspect, et souvent pas le plus "condamnable".

-Certains auteurs voient dans la frénésie de séduction de Dom Juan auprès des femmes le signe d'une homosexualité refoulée.

•le démon : exemple, le personnage de Vautrin dans La Comédie humaine de Balzac ; son homosexualité ne fait que compléter un caractère démoniaque déjà prononcé. De même, les personnages de Jean Genet utilisent leur homosexualité pour accentuer leur opposition déjà prononcée aux normes sociales qu'on voudrait leur imposer. L'homosexuel « démon » est en fait un personnage de révolté, souvent capable d'ébranler la société.

•la victime : c'est un rôle que l'on trouve surtout dans la littérature du XXe siècle. Il se présente sous deux formes :

-l'homosexuel a conscience de sa différence mais n'ose pas l'avouer ; il souffre intérieurement, comme le héros de Mort à Venise.

-l'homosexuel est victime d'une persécution sociale ; il y résiste ou pas. Exemple : le héros de Maurice de E.M. Forster.

•le modèle : un personnage qui assume sereinement son orientation sexuelle, sans l'exhiber et sans la nier. On peut penser à certains personnages de Platon, mais aussi au Zénon de L'Œuvre au noir, par exemple.

Le rôle de l'homosexualité

Condamnée comme elle l'était jusqu'à une époque récente, l'homosexualité est souvent porteuse en littérature d'un rôle précis. On peut en isoler quatre ou cinq :

•faire rire : l'homosexualité est l'un des ressorts comiques (particulièrement délicat) des pièces de Plaute. De façon plus subtile, le personnage de Charlus se rend souvent ridicule dans «À la recherche du temps perdu», mais ce ridicule le rend aussi tragique.

•fasciner et/ou inquiéter : cette fonction apparaît clairement avec le personnage de Vautrin dans La Comédie humaine, mais aussi avec le Dorian Gray d'Oscar Wilde.

•émouvoir : c'est évidemment le rôle de tous les personnages de « victimes ». De nos jours, les mangas yaoi obtiennent au Japon un grand succès auprès du public féminin en se centrant sur des personnages torturés par la découverte de leur homosexualité : voir Zetsuai 1989.

•revendiquer : c'est plus ou moins le rôle que se fixent toutes les œuvres «homosexuelles» publiées depuis la Renaissance, mais cette fonction est peut-être plus affirmée dans les romans des années

1970-1990

. La revendication peut parfois se confondre avec une simple affirmation de son identité, ou même donner naissance à une « gaytitude » qui possède ses propres poètes lyriques et ses propres pamphlétaires. Ce dernier courant semble cependant rencontrer aujourd'hui ses limites, du moins dans le monde occidental.

Textes ayant trait à l'homosexualité à travers l'histoire

Antiquité

Antiquité

La pédérastie était dans l'Athènes antique installée comme une institution reconnue de formation des élites, tout en étant largement codifiée dans nombre de ses aspects. On parle d’ailleurs de pédérastie dans le sens où un ainé, marié et souvent père de famille, enseignait tout ce qu’il savait à un plus jeune, y compris l’art de faire l’amour (à un homme ou à une femme)

•Platon, « Le Banquet »

•Archiloque, « fragments »

•Théognis, « poèmes élégiaques »

•Alcée, « fragments »

•Straton de Sardes, « la muse garçonnière »

•« anthologie palatine », vol. 12 :recueil d'épigrammes uniquement homosexuelles

•Plutarque, « érotikos »

•Pétrone, « Le Satyricon »

•Catulle, « poésies »

•Martial, « Épigrammes érotiques et pédérastiques »

•Lucien de Samosate, « dialogue des courtisanes »

•Virgile, « bucoliques »

Moyen Âge

•Les Mille et Une Nuits

•Marie de France, Lai de Lanval

•VILLON François, « Ballades en argot homosexuel »

•VILLON François, « Poèmes homosexuels »

•« Ami et Amile », chanson de geste

•« Carmina Burana » (une huitaine de poèmes homosexuels)

•Alcuin, poésie

•Baudri de Bourgueil, poèmes

•MARTIN Thierry, « Poésie homosexuelle en jobelin, de Charles d'Orléans à Rabelais »,

•Pierre Damien, « le livre de Gommorhe » (XIIe siècle)

•Burchard de Worms, « decretum »

•Abu Nuwas (IXe siècle) « le vin, le vent, la vie »

•Abou moutahar al azdi (Xe siècle), « 24 heures de la vie d'une canaille »

•Mouhamad al Nawadji (XVe siècle), « la prairie des gazelles »

XVIe siècle au XVIIIe siècle

•Christopher Marlowe, Edward II

•Michel-Ange, Sonnets

•William Shakespeare, Richard II

•Benvenuto Cellini, mémoires (ATTENTION, la majorité des traducteurs a changé les pronoms « il » en « elle » pour certains cas, ce qui fausse la donne)

•Denis Diderot, Entretien entre d'Alembert et Diderot (une allusion subtile ?)

XIXe siècle

•Honoré de Balzac, Le Père Goriot : révélation sur Vautrin à la fin, «Illusions perdues», «Splendeurs et Misères des Courtisanes» : toujours Vautrin, «La Duchesse de Langeais», «La Fille aux Yeux d'Or»

•Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo: répugnance éprouvée par la fille du Baron Danglars, Eugénie, envers les hommes et relation ambiguë avec Louise d'Armilly, sa plus proche amie

•Pierre Loti, «Aziyadé» (roman l'héroïne pouvant être lue comme le travestissement littéraire d'un héros masculin ); «Mon frère Jacques».

•Herman Melville, Billy Budd

•Alfred de Musset, Lorenzaccio

•Paul Verlaine, Hombres

•Walt Whitman, Feuilles d'herbe (Leaves of Grass, Etats-Unis)

•Octave Mirbeau, Sébastien Roch

•Oscar Wilde, «De Profundis», «Le Portrait de Dorian Gray», «Le Portrait de Mr. W. H»

•Émile Zola, Nana

•Charles Baudelaire, Femmes Damnées

XXe siècle

•Alain Absire, L'Égal de Dieu

•Peter Ackroyd, Le Testament d'Oscar Wilde

•Eugénio de Andrade

•Reinaldo Arenas, Avant la nuit

•James Baldwin, La Chambre de Giovanni

•Jaime Gil de Biedma

•Jean-Louis Bory, Ma moitié d'orange

•Renaud Camus, Tricks

•Francis Carco, Jésus la caille, Les hommes en cage et nombre de ses romans

•Constantin Cavafy, Poèmes

•Luis Cernuda, La réalité et le désir

•Jean Cocteau, Le Livre Blanc

•Warwick Collins, La pissotière

•Copi, Une visite inopportune

•René Crevel

•Michael Cunningham, La Maison du bout du monde, De chair et de sang

•Dieter et Lepage, Névé, tome 5 « Noirs désirs »

•Guillaume Dustan

•Eyet-Chékib Djaziri, «Un Poisson sur la balançoire» et sa suite «Une Promesse de douleur et de sang»

•Dominique Fernandez, Dans la main de l'ange, L'Étoile Rose, Porporino ou les Mystères de Naples, La Course à l'abîme, Tribunal d'Honneur… Mais cet auteur prolifique ne tranche jamais entre un écrit sur l’homosexualité et un recueil universitaire. A mélanger les genres, il perd souvent ses lecteurs

•Edward Morgan Forster, Maurice

•Jean Genet, Le Condamné à Mort, Miracle de la Rose, Notre-Dame-des-Fleurs

•André Gide, Corydon, Les Nourritures terrestres

•Witold Gombrowicz, Trans-Atlantique

•Agustin Gómez-Arcos, L'Agneau carnivore

•Robert Gray, Mémoires d'un homme de ménage en territoire ennemi

•Julien Green, Chaque homme dans sa nuit, Jeunes années

•Hervé Guibert, À l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie

•Pierre Guyotat, Eden, Eden, Eden, Tombeau pour cinq cent mille soldats

•Alan Hollinghurst, La Piscine-bibliothèque, La Ligne de beauté

•Henry James, Le Tour d'écrou

•Eric Jourdan, Les mauvais anges

•Pierre Jean Jouve, Le Monde désert

•Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde

•Guillaume Le Touze, Étonne-moi

•Jan Lechoń, Le Journal et les poêmes.

•Gilles Leroy, Les derniers seront les premiers, 1991, Les Maîtres du monde

•Håkan Lindquist, Mon frère et son frère

•Federico Garcia Lorca, Sonnets de l'Amour Obscur

•Klaus Mann, La danse pieuse

•Thomas Mann, Mort à Venise

•Yasunari Kawabata Tristesse et beauté, L'adolescent

•Stephen Mc Cauley, L'objet de mon affection, L'art de la fugue, Et qui va promener le chien ?

•Yukio Mishima, Confession d'un masque, Les Amours Interdites

•Henry de Montherlant, La Ville dont le prince est un enfant

•Yves Navarre, «Le Petit Galopin de nos corps», «Julien à sa fenêtre»

•Fernando Pessoa, Antinoüs

•Roger Peyrefitte, Les Amitiés Particulières

•Annie Proulx, Brokeback Mountain,

•Marcel Proust, À la Recherche du Temps Perdu

•Marguerite Radclyffe Hall, "Le puits de solitude"

•Jean Sénac, poèmes

•Tom Spanbauer, L'homme qui tomba amoureux de la lune

•Roger Stéphane, Parce que c'était lui

Karol Szymanowski, Efebos et Poêmes pour Boris Kochno.

•Colm Tóibín, Histoire de la nuit

•Michel Tournier, Les Météores, Le Roi des aulnes

•Michel Tremblay, Le Cœur découvert, Le Cœur éclaté, La Nuit des princes charmants, Quarante-quatre minutes, quarante-quatre secondes, Hôtel Bristol, New York, N.Y.

•Yvon Toussaint, Le Manuscrit de la Giudecca

•Gus Van Sant, Pink

•Gore Vidal, Un garçon près de la rivière

•Sarah Waters, Caresser le velours

•Edmund White, tous ses romans et essais

•Bai Xianyong, Garçons de Cristal

•Marguerite Yourcenar, Mémoires d'Hadrien, L'Œuvre au Noir, Alexis ou le Traité du Vain Combat

•Stefan Zweig, La Confusion des Sentiments

•Anne-Marie Simond, Le Séducteur

XXIe siècle

•Michel Bellin, France, auteur d'une œuvre déjà abondante et variée. Citons Le Messager (roman, H&O, 2003), Le duo des ténèbres (Théâtre, Alna, 2005), Charme et splendeur des plantes d'intérieur (nouvelles érotiques, Gap, 2008), Impotens deus, de l'angélisme chrétien à l'homophobie vaticane. Toutefois, dans ces deux derniers ouvrages l’homosexualité n’est qu’un accessoire dans l’œuvre tant l’auteur en profite pour régler «ses comptes» avec l’église catholique à laquelle il a appartenu durant de nombreuses années.

•Alexandre Bergamini, France, Casa Central, Autopsie du sauvage et Retourner l'infâme

•Jimmy Sabater, France, Hardcorps

•Philippe Besson, France, avec les romans Son frère, Un garçon d'Italie, Un homme accidentel ou encore En l'absence des hommes

•Augusten Burroughs, Courir avec des ciseaux

•Alexandre Delmar, Prélude à une vie heureuse, Le Garçon qui pleurait des larmes d'Amour, Te Revoir

•Olivier Delorme dont les romans, Les Ombres du levant, Le Plongeon , Le Château du silence, La Quatrième Révélation, et des nouvelles

•Guillaume Dustan, France, Nicolas Pages, Génie divin, LXiR ou Dédramatisation La Vi Cotidièn , Dernier roman, Bordel n°3 : Ouvert à tous

•Jacqueline Harpman, Du côté d'Ostende

•Kévin Hossegor, Prince Alexandre

•Jean-Luc Lagarce, Le Pays lointain

•Raphael Moreno, avec son roman "Le corps d Alexis" et son guide "Osez...la drague et le sexe gay"

•Alain Meyer, Joli Papa, Pour la Vie et Plus si Possible, Loïc, La Mémoire des Pierres

•Claude Puzin, Louis de Bourbon ou le Soleil maudit

•Nicolas Robin, Bébé Requin, Super Tragique

•Kevin Saad, Cosmoqueer

•Benjamin Schneid, La Tentation

•Johanna Sinisalo, Jamais avant le coucher du soleil

•Tom Spanbauer, Dans la ville des chasseurs solitaires

•Poppy Z. Brite, auteur de la scène fantastique underground : «Corps Exquis», «Âmes Perdues» et «Sang d'Encre».

•Gilles Leroy, L'Amant russe, Grandir, Champsecret, Alabama song.

•Frédéric Mitterrand, La Mauvaise