Magazine Humeur
Samedi 17 octobre : de retour de l’inauguration de l’exposition collective présentant la nouvelle collection de l’artothèque de la galerie A Vous de Voir, à Saint Mathurin, j’ai envie d’en toucher quelques mots ici. Je le fais d’autant plus librement que je n’ai plus de responsabilités dans cette association.
Visiter cette exposition en sachant qu’il s’agit d’une artothèque renouvelle peut-être l’approche que l’on a habituellement sur les expositions collectives («salons», dit-on souvent). Car on se dit alors que chacune des œuvres présentées est susceptible (à condition d’adhérer, évidemment) d’entrer dans le foyer familial. Le regard est enrichi — ou modifié, plus exactement — par l’idée d’une éventuelle acquisition provisoire.
On sait aussi que de son côté, chaque artiste a choisi de confier des œuvres à l’association en sachant qu’elles peuvent entrer chez quelqu’un. On imagine alors les questions qu’il a pu se poser, au moment du choix, sur l’accessibilité de l’œuvre (format, sujet, etc.)
Étrangement, tout cela donne une cohérence à un accrochage pourtant extrêmement diversifié, où se côtoient des techniques très différentes (sculpture, céramique, peinture, gravure, photographie, images numériques), des formats et des supports variés, des personnalités très singulières. Et là où on pourrait craindre une accumulation gratuite, comme dans tellement de «salons», on entre plutôt dans un lieu où règne une véritable unité. J’imagine que cela tient à cette réflexion commune (mais chacun isolément, sans concertation) qu’ont eu les artistes, qui ont pensé à l’autre, mais après avoir réalisé l’œuvre. Ceci est très différent que de penser au spectateur au moment du travail, ce qui fausse tout).
Cela tient aussi à de judicieuses associations manifestement voulues, ou senties, par les responsables de l’accrochage. Ce sont des réflexions que j’ai entendues fréquemment lors du vernissage.
Riche idée qu'une artothèque. Pour les artistes, qui imaginent leurs œuvres se promener de maison en maison, d’école en mairie, de cabinet médical en accueil d’entreprise, et qui espèrent qu’elles rencontreront des amis… Pour l’emprunteur, qui va vivre quelques temps avec une œuvre originale. Ce qui, dans ces temps étranges et inquiétants où des responsables, parachutés par le pouvoir, pensent qu'on améliorera l’enseignement artistique en facilitant l’accès virtuel aux œuvres (voir les calamiteuses propositions de Karmitz), me semble être un acte fort. Les artothèques se répandent un peu partout, à la ville et à la campagne, et c’est encourageant. Les fonctionnements diffèrent, mais peu importe. Ce qui compte, c’est que l’art circule, que son accès soit facilité, mais pas forcé. Celle de Saint Mathurin est modeste par les moyens (elle repose sur les prêts des artistes, alors que les artothèques municipales, par exemple, enrichissent progressivement leurs collections à l’aide de financements publics, sur le modèle des bibliothèques), mais ambitieuse par les implications des bénévoles et des artistes. C’est je crois par des initiatives locales de qualité, exigeantes mais accessibles, concrètes, et surtout pas élitistes, pas méprisantes, que la sensibilisation aux arts peut se développer.
On relèvera pourtant une différence notable entre ces initiatives indépendantes (des associations, des regroupements d’artistes) et de nombreuses artothèques municipales, différence résidant dans la ligne conduisant au choix des œuvres à porter aux catalogues.
On peut regretter en effet que bon nombre d’artothèques «officielles» ne fonctionnent pas assez, dans leurs politiques d’acquisitions, sur le modèle des bibliothèques, qui je crois, ne choisissent pas les livres en fonction de courants artistiques «tendance» mais plutôt en cherchant à satisfaire un large éventail de demandes. On serait en droit d’espérer que tous les courants et disciplines artistiques d’aujourd’hui soient représentés dans de tels lieux.
Au niveau de cette petite commune, c’est seulement l’envie authentique de faire partager l’art tout court qui fait courir bénévoles et artistes. Et si l’initiative de cette artothèque locale, en milieu rural, fonctionnant maintenant depuis 4 ans, est suivie aujourd’hui d’autres initiatives dans le même esprit (la commune de Rablay sur Layon vient d’en créer une), c’est tant mieux !
Cette exposition est visible très peu de temps. Jusqu’au début novembre, et seulement les week-ends.
A bon lecteur, salut !