A la fois film d’Halloween ( souvenez-vous de mon court article vidéo au moment de cette fête païenne ) et film de Noël, l’excellent film d’animation suivant ne pouvait pas être oublié dans cette thématique de films de Noël irrévérencieux :
« THE NIGHTMARE BEFORE CHRISTMAS » ( 1993 ) d'Henry Selick
Trop longtemps crédité à tort à la réalisation de l’un des rois du gothisme et ambiance morbide cinématographique, Tim Burton, cet « ETRANGE NOEL DE MONSIEUR JACK » ( en français dans le titre ) ne doit à l’échevelé d’Hollywood que l’histoire et la production de cette réussite de capture image par image.
Le réalisateur de « EDWARD AUX MAINS D’ARGENT » revenant à ses amours débutantes d’animation abordées dans son court-métrage « VINCENT », hommage en noir et blanc du réalisateur à l’acteur Vincent Price qui prêtait sa voix dans la VO en 1982, en rédigeant la Bible des personnages et les bases de cette histoire ( que les scénaristes Michael McDowell, venu de la série « Les Contes de la Crypte » mais aussi du « BEETLEJUICE » de Burton, et Caroline Thompson, ayant déjà travaillé avec Burton sur « EDWARD » et dans le milieu de la comédie horrifique familiale avec « LA FAMILLE ADDAMS » cinématographique, auront du adapter ) dans laquelle il arrivera à voir investir près de 18 millions de dollars en tant que producteur avec Touchstone Pictures et Buena Vista Entertainment, filiale du géant Disney ( qui employa Burton à ses débuts de dessinateur sur leur méconnu et sombre « TARAM ET LE CHAUDRON MAGIQUE » ).
Lancé en août 1991, le minutieux et réussi tournage de deux ans échouera donc au coproducteur Henry Selick, réalisateur venu de la télévision qui après des années de confusion dans l’ombre de Tim Burton finira par se faire connaître et remarquer avec « JAMES ET LA PECHE GEANTE », autre film usant du même procédé en 1996, mais surtout « CORALINE » cette année 2009 ( adaptation d’un roman de Neil Gaiman ) – l’excellent « MONKEYBONE » mêlant prises de vues réelles, acteurs et animations en 2001 étant resté trop confidentiel…
Pilier emblématique de la ville d’Halloween ( ville des monstres qui terrifient chaque enfant qui sommeillent en chacun de nous, ville de la nuit où « les citrouilles chantent et les chauves sourient », ville du crime où apparaissent à chaque coin de rue des monstres pour nous effrayer mais aussi ville des bêtises et des bonbons que les enfants réclament une fois par an ), Jack Skellington, le roi des citrouilles, y est pourtant triste, seul et mélancolique.
Ignorant l’amour que lui porte la poupée Sally, bonniche du dément Dr. Finkelstein dans sa chaise roulante, Jack erre dans cette ville avec pour seule compagnie Zero, son fantôme de chien, en cherchant à faire autre chose que ce à quoi est destiné sa vie monotone : effrayer les enfants la nuit d’Halloween. Jusqu’à ce qu’il découvre ces portes menant aux autres villes représentatives des fêtes annuelles à travers le monde et plus particulièrement celle de la ville de Noël, où submergé par toutes ces couleurs, ces flocons dans l’air, ces enfants heureux sous ce soleil qui respirent la vie ( et non plus la mort ) et la joie, il décide de remplacer ce Père Noël dans sa mission de distribuer les cadeaux le soir de Noël !!
Fable d’animation fantastique, ce film l’est, fantastique, à la fois par sa thématique mais aussi la maestria de ces artistes qui ont eu l’ardue tache d’animer pendant ces deux années les centaines de figurines du film pour en capturer par jour quelques-unes de ces images composant les 24 nécessaires à une seconde de film.
Chef d’œuvre renvoyant aux cultissimes mais trop courtes scènes d’animation léguées au cinéma par Ray Harryhausen ( « LE CHOC DES TITANS » initial, pour unique exemple ), « L’ETRANGE NOEL DE MONSIEUR JACK » a révolutionné et fait avancer de plus d’un bond en avant cette technique jusque là un brin tombée en désuétude.
Mais, au-delà de la technique, le film de Burton et Selick garde, sans mauvais jeu de mots, dans son squelette scénaristique des thèmes de prédilection de Tim Burton : la différence et la normalité. L’univers propre des marginaux de la cité d’Halloween bien que sombre leur reste leur unique et heureuse ( avec une notion toute personnelle ou relative du bonheur ) référence jusqu’à ce que Jack ne découvre une autre référence, un autre monde, en la cité de Noël et ne vienne perturber les traditions que maitrisent les siens.
Conte de Noël horrifique plus que conte horrifique berçant dans l’atmosphère de Noël ( du moins par sa sortie le 7 décembre 1994 en France ), cet « ETRANGE NOEL » est aussi en sous-titres un film sur l’appartenance à un groupe, un besoin de reconnaissance individuel parmi la foule des autres, le besoin inné de certains et certaines de se démarquer du lot pour chercher à être soi-même même si ses origines et sa destinée restent ancrées profondément dans notre être : Jack est bien plus qu’un habitant d’Halloween, il est l’esprit d’Halloween, et tel un adolescent rebelle en pleine crise identitaire il n’hésitera pas à mettre en danger les siens ( mais aussi les autres : la conception morbide des habitants d’Halloween de ce qu’est Noël pouvant avoir de cruelles répercussions sur le monde extérieur ) avant de peut-être se retrouver et reconnaître et savoir qui il est vraiment. Et découvrir l’amour au passage.
« L’ETRANGE NOEL DE MONSIEUR JACK » étant aussi dans ce conte morbide magnifique une prémisse aux « NOCES FUNEBRES » du même Burton dans des conditions d’animation similaires en 2005 avec l’idylle entre Sally et Jack, Victor et sa morte promise ( Tim Burton et Helena Bonham Carter ? ). Et là où ces « NOCES » pourraient être une déclaration d’amour du réalisateur, ce « NOEL » serait sa découverte de l’amour, quand il sera venu à la vie avec un film comme « EDWARD » en cherchant à survivre à la mort à travers l’univers cauchemardesque mais humoristique de « BEETLEJUICE » : la vie, la mort, l’amour, la mort ne cessant de se mêler l’un à l’autre dans les scénarii et la filmographie de l’un des premiers pères du renouveau cinématographique de « BATMAN » en 1989 et 1992.
Allégorie sur la différence et le respect de la marginalité, réussite technique, chef-d’œuvre du septième art, énième exploitation des fascinations morbides d’outre-tombe non moins dénuées d’humour du réalisateur, plongée dans l’esprit et l’univers d’un des plus grands créatifs bourré d’imagination d’Hollywood, « L’ETRANGE NOEL DE MONSIEUR JACK » n’a rien eu du cauchemar annoncé à la veille de Noël comme annoncé dans son titre original mais reste un film bourré de vie bien que film d’animation dépourvu de véritables acteurs, un film rempli d’espoir et d’amour alors qu’il démarre sur la dépression de son personnage principal et prend son action dans un immense cimetière ( mort ) vivant de poupées et d’animations.
Film où ces petits monstres de plasticines voient l’impact de leurs aniémotions ( excusez ce barbarisme de mon cru ) accentuer par une bande son des plus réjouissantes et merveilleuses : les musiques et chansons composées par l’alter ego musical de Tim Burton, Danny Elfman ( producteur associé sur ce film mais surtout collaborateur sur treize des films du réalisateur : ce « Cauchemar » étant à l’origine d’une courte mais trop longue brouille entre eux pour l’anecdote ), restant magnifiques qu’elles soient en anglais ou en français – un plaisir doublé que je n’aurais pas connu autrement que sur le film d’animation « ALADDIN » l’année 1992 précédente ( ces « Rêve Bleu » ou « A Whole New World » étant aussi beaux l’un que l’autre ).
La découverte émerveillée de ( la cité de ) Noël « Que Vois-Je ? » en français ou « What’s This ? » en VO étant l’un de ces sublimes titres signé Elfman ( l’homme elfe littéralement, ce qui est drôle pour un détournement de Noël ) faisant de ce film une excellente comédie ( horrifique ) musicale que je vous inviterai à continuer de chanter en ces périodes de festivités.
Mais comme le dit le narrateur au début du film :
« C'était il y a longtemps
« Bien plus qu'il n'y paraît
« Au cœur d'un univers dont les enfants rêvaient
« Et un jour arriva cette étrange aventure
« Dans le monde des fêtes, présentes et futures
« Vous êtes-vous demandé d'où provenaient les fêtes ?
« Non ?
« Alors suivez-moi
« Voici l'entrée secrète... »
Vous pouvez maintenant éteindre votre télévision et regardez sous votre lit, les enfants…
LES COMMENTAIRES (1)
posté le 24 décembre à 14:58
L'étrange Noël de Monsieur Jack est un chef d'œuvre intemporel, à voir et à revoir. Je l'ai vu en 1993, et je viens de le revoir, et je peux vous dire qu'il n'a pas pris une seule ride. Danny Elfman, qui est un autre génie de la musique de films ( tout comme John Williams), n'y est pas pour rien dans ce franc succès. Un must à mettre entre les mains de tout le monde.