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Avatar, ou le triomphe du geekolo. Geekolo pour geek et écolo. Comme mot-valise on a trouvé mieux mais l'essentiel est là: James Cameron est parvenu, avec Avatar, à sublimer les fantasmes de ces deux tribus qui donnent leurs couleurs à l'air du temps. Il faut dire qu'on s'immerge vite, dans ces couleurs et ces formes: on croit d'emblée à la nature luminescente de Pandora, à ses créatures effrayantes de vie - à cette communication d'énergie dont il est question pendant tout le film. On aura beau critiquer le scénario, il faut bien admettre qu'il n'y avait pas meilleure idée que de faire l'histoire d'un apprentissage pour nous initier aux nouvelles dimensions de cet univers, de ce cinéma. Et partir d'un personnage paralysé était une bonne astuce pour créer la nécessité de l'avatar - et par là même l'évidence et la magie d'un rêve fluorescent.
Dans les différentes interviews promotionnelles, Cameron confesse avoir voulu montrer avec les Na'vi une "innocence d'avant la civilisation". Peut-être qu'il s'est aperçu qu'il y avait de l'ironie à employer les toutes dernières technologies pour toucher du doigt l'humanité des origines, celle d'avant les technologies justement. Elle est là, l'ambivalence d'Avatar, procédant de l'utopique moteur de bien des civilisations: retrouver l'innocence perdue, atteindre un nouvel âge d'or, revivre les temps d'avant la chute. Mais dans le film de Cameron, il est amusant de constater que ce motif prend le double visage moderne de l'écologie et d'Internet. Le héros fait, à un moment donné, la découverte que toute la flore de Pandora est liée ensemble, qu'il y a une connexion entre les arbres, que la divinité na'vi est un Réseau d'énergie. En gros, la nature façon Pandora, c'est Internet. La voilà, la collusion entre le fantasme geek et l'utopie écolo.
Avec Là-haut, les studios Pixar avaient montré quel enchantement pouvait surgir de l'utilisation des nouvelles techniques d'animation. Avec Avatar, James Cameron est allé bien plus loin, il nous a fait entrer de plain-pied dans ce nouveau cinéma. Mais plutôt que de nous donner une véritable vision, ce premier grand film en 3D se contemple encore lui-même, prend la nature pour Internet et sécrète sans s'en apercevoir de l'idéologie technologisante. Ce n'est pas le chef d'œuvre d'un nouveau cinéma, mais c'est beau comme un prototype.