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LE MONDE | 22.12.09 | 13h12 • Mis à jour le 22.12.09 | 13h12
Tenter d'obtenir des mesures chinoises et indiennes n'était que chimère et faux-semblant. Pourquoi ? Mais qui peut décemment l'ignorer encore ? Notre niveau de vie et de gaspillage repose sur l'échange entre nos réacteurs nucléaires, nos turbines et nos parfums d'une part, leurs jouets, leurs ordinateurs, leurs vêtements en coton, leurs objets programmés pour la benne d'autre part.
Fabriquer cette perpétuelle obsolescence ne peut, mécaniquement, qu'augmenter de façon inouïe les émissions de gaz à effet de serre. Mécaniquement. Notre fleuron Alstom s'enorgueillit d'avoir fourni une partie des turbines géantes du barrage chinois des Trois-Gorges. Lequel détruit un fleuve et une région entière, mais produit une électricité grâce à quoi la Chine paiera, par des clés USB et autres colifichets, les biens que nous lui vendons. Dont, bien sûr, des turbines géantes.
La prolifération de marchandises est le moteur de la crise climatique. Et nous ne cessons, dans les faits, de plébisciter ce modèle sans avenir. Sarkozy, Obama, Hu Jintao, Manmohan Singh sont absolument d'accord pour que la production de choses inutiles augmente encore, encore, encore. Le reste n'est que billevesée.
Les associations présentes à Copenhague ont rivalisé de mots emphatiques pour parler de cette funeste conférence. Honte, désastre, catastrophe, tragédie, entre autres. Je veux espérer, contre une certaine évidence, que Greenpeace, le World Wide Fund for Nature (WWF), France Nature Environnement (FNE), les Amis de la Terre et les autres trouveront, dans ces circonstances extrêmes, la force de changer de route, radicalement.
Car lorsqu'on a répété sur tous les tons, pendant des mois et des années, que Copenhague était le rendez-vous de la dernière chance, le moins qu'on puisse attendre est un bilan courageux. La stratégie suivie par les ONG françaises depuis le Grenelle de l'environnement a lamentablement échoué.
Tous les acteurs en conviendront-ils ? Je vais garder pour moi mes doutes, car sait-on jamais ? Je ne peux pourtant vous laisser sans signaler les propos d'un certain Nicolas Hulot. J'ai eu l'occasion de dire ma sympathie pour cet homme, qui a trouvé la force de beaucoup (se) changer à l'échelle de sa vie. Et je maintiens, sans réserve.
Il reste que les quelques mots lancés à la suite du fiasco planétaire de Copenhague me semblent aussi absurdes que déplacés. Après avoir jugé le résultat de la conférence "affligeant et consternant", il a aussitôt ajouté : "La diplomatie française, avec (le président) Nicolas Sarkozy et (le ministre de l'écologie) Jean-Louis Borloo, a été en pointe. Ils ont fait leur boulot. Quand ça ne va pas, il faut le dire, mais quand ça va, il faut le dire aussi."
Pour ce qui me concerne, c'est non, non et non ! Qu'a donc fait notre président, en dehors de ses moulinets habituels ? Je dois hélas rappeler, car l'oubli vient vite, que Nicolas Sarkozy avait fait d'un accord contraignant le signe obligatoire d'un succès de la conférence. Précisant même que la France ne voulait pas d'un "accord au rabais" à Copenhague. Or, c'est exactement ce qui a été bricolé sur un coin de table ! Ce qui n'empêche nullement Nicolas Sarkozy de proclamer : "C'est un accord positif, car il engage la communauté internationale." Jusqu'où ira-t-on dans la destruction du propos public ?
Les prochaines semaines seront très importantes pour le mouvement écologiste français. Certains groupes, poussés par un tropisme dont la cause est entendue, continueront à jouer le jeu politicien de Nicolas Sarkozy et de ses amis. Ils poursuivront leur rôle de rabatteurs de voix écologistes pour le premier tour de la présidentielle de 2012, obsession du maître de l'Elysée. Et les autres, peut-être, admettront qu'il faut refonder un mouvement pour lequel Copenhague sonne et sonnera comme un glas. Attendons. Espérons.
Fabrice Nicolino est auteur de "Bidoche" (éditions Les Liens qui libèrent, 386 p., 21 €).
Article paru dans l'édition du 23.12.09