Tome 1 ECO
Textes de Guillaume Bianco
Dessins de Jérémie Almanza
Editions Soleil
Collection Métamorphose
Paru en Octobre 2009
"Approchez braves gens, pour entendre l'histoire, Cette sombre litanie, qui vogue dans ma mémoire.Soyez donc attentifs, prêtez-moi une oreille, Vous entendrez un conte, à nul autre pareil. Eco n'a pas dix ans, son visage est bien blême, Mais c'est la vie pourtant, qui coule dans ses veines. Une triste circonstance, par une nuit de démence, Changera à jamais sa paisible existence. La fable est déplaisante, faites à votre guise, Sachez que toutefois, pleurer n'est pas de mise..."
Eco Premier opus d'une trilogie éditée par les éditions Soleil, sera difficile à cerner tant par son style graphique que par sa mise en page. On serait bien sûr tenté de classer cet album en BD tout public mais le concept est plus compliqué car il s'agit d'un album pour adultes.
La malédiction des Schaklebott raconte les mésaventures d'une héroïne ordinaire Eco. Celle-ci est issue d'une lignée de riches couturiers, dont les parents sont véritablement réputés pour leur maîtrise et leur art du textile. Eco s'efforce de suivre leur exemple et de créer avec tissus, chiffons, boutons des vêtements en utilisant plusieurs techniques dont celle du patchwork. Enfant seule, ses parents la délaissent totalement jusqu'au jour où son père lui confie une mission délicate, une mission de confiance. L'enfant devra apporter trois jolies poupées à la maison du maire, poupées confectionnées pour la fille de ce dernier. Il en va de la renommée de ses parents. Aussi Eco part-elle pleine d'espoir et de rêves. Ayant la main sur le coeur, elle croisera sur sa route une magicienne appelée La magicienne des nuages. Elle lui donne les trois poupées en échange de quatre amulettes. La petite fille n'y voyant rien de mal conclut le pacte et repart chez elle. Le mal cependant est irréversible, elle a causé la ruine de ses parents. Déchus de leur réputation, humiliés et anéantis par un tel drame, ils s'en prennent violemment à Eco. Sa mère notamment, lui jettera une horrible malédiction. Désormais seule et reniée, Eco se tourne vers ce qui lui reste de réconfort: les quatre amulettes qui sous ses yeux prennent vie comme l'avait dit la magicienne. Ayant pour seule compagnie ces petites créatures de chiffons, compagnons d'infortune, Eco se réveille un matin et constate avec effroi le début de son triste sort.
Il y a tant de choses à dire sur cet album qu'il sera sans doute difficile de vous faire communiquer toute sa richesse. Il faut savoir que ce tome 1 baigne dans une ambiance conte de fées s'inspirant largement de classiques jeunesse : chaque chapitre débute par un extrait du conte Jack et le haricot magique. Le destin des deux enfants étant similaires, chacun échangeant un objet d'allure anodine contre quelque chose de magique à leurs yeux mais qui cause la perte pour les adultes. Magie et fantaisie s'imbriquent tout au long de l'album sous des airs de conte de fées: une enfant seule mais vaillante, une rencontre avec une sorcière, des objets insignifiants qui prennent vie et une malédiction. Mais ne vous fiez pas aux apparences car sous cet air fantaisiste, se cache une histoire dramatique sur le thème de la différence et de la métamorphose du corps. La fin tout particulièrement ne manquera pas d'interpeller les lecteurs: la fillette se réveille et se voit dans un miroir. Le bas de son corps a grossi, ses seins ont poussé et du sang coule sur ses jambes. On l'aura compris ce tome 1 quitte le monde de l'enfance et nous propulse dans l'adolescence d'Eco.
Album singulier tout à fait original, les illustrations sont fidèles à un univers sombre et fort ,desservies par un trait marqué et fouillé. Les références à Tim Burton aussi bien dans le texte que dans le graphisme sont présentes et nous entraînent dans une trame dramatique à la fois cruelle riche en métaphores et en symbolisme. On ne manquera pas d'évoquer une illustration prenante tant par la lumière que par les couleurs, dont les détails sont sûrement inspirés de films d'animation tels que Coraline ou Numéro 9. La narration s'adresse certes à un public averti mais le rendu donne quelque chose d'assez enfantin, tout en rondeurs et courbes offrant par un jeu de mise en lumière des contrastes saisissants et éblouissants. Ceci n'est d'ailleurs pas étonnant quand on sait que Jérémie Almanza a déjà fait ses preuves dans la BD Jeunesse avec Aristide broie du noir et lorsque cet univers si gothique est repris dans Billy Brouillard l'oeuvre de l'auteur Guillaume Bianco. Sans aucun doute La malédiction des Schaklebott est une série à suivre...