« ... comme Nizâr Qabbânî, j’ai fouillé ma poche à la recherche de la clé de ma vieille maison. » écrit Mahmoud Darwich dans le texte cité il y a trois jours. La Sherlock Holmes qui sommeille en moi ne pouvait se satisfaire de tourner la page en laissant cette phrase à son mystère. Une fois l’identité du poète établie, j’ai fouillé partout pour trouver à quoi Darwich faisait allusion. Eurêka ! Voici le fruit de mes recherches : en août 1955, Nizâr Qabbânî ou Nizar Kabbani - que j’aime ces noms aux multiples orthographes quand on s’accroche à celle du nôtre en Europe... - diplomate en poste à Londres, se rend pour la première fois en voyage d’agrément en Espagne. Il visite Madrid, Séville, Grenade et Cordoue et prend « notes » de ses premières impressions de voyage. Un thème le fascine : la mémoire d’Al-Andalus dans l’Espagne des années 1950. Et je l’ai trouvé ce fameux poème auquel fait allusion Mahmoud Darwich ! Dans les rues de Cordoue, j’ai souvent mis la main dans ma poche pour en sortir la clé de ma maison de Damas...
Por las calles de Córdoba,
a menudo,
me he metido la mano en el bolsillo
para sacar la llave
de mi casa en Damasco
Las aldabas de cobre de las puertas,
las macetas de dalias y de lilas,
las albercas del centro, como la azul pupila de la casa,
los jazmines que trepan por la alcoba
y nos caen por encima de los hombros,
la fluente, que es la niña mimada de la casa,
y canta sin descanso.
Y arriba, las alcobas
—¡oh, qué gratos refugios de fresco—
Todo,
todo el mundo dichoso y perfumado
que rodeó mi infancia de Damasco,
me lo he encontrado aquí
Oh, sí señora mía!,
que me contemplas desde tu celosía,
no temas.
Si me lavo las manos en tu fuente pequeña,
o si arranco
uno cualquiera de tus jazmines.
No,
no temas si luego
subo la escalera a una alcoba pequeña,
una alcoba pequeña que dé al Norte,
de soleadas ventanas
y lilas que desborden los visillos
No temas
Una alcoba pequeña que dé al Norte,
y con la canta hecha por mi madre
Les rues de Cordoue au parfum de jasmin, le chant des fontaines, les femmes dissimulées derrière leurs jalousies, tout rappelle au poète son enfance à Damas. Ce poème m’a fait penser aux clés toutes rouillées que l’on trouvait dans les souks au Maroc et qui me faisaient imaginer les portes qu’elles avaient ouvertes jadis. Une histoire m’a toujours fascinée : certaines familles de Fez se transmettraient de père en fils, depuis cinq siècles, la clé de leur maison de Cordoue ou de Grenade dont on pleurerait encore la perte... Comme je les comprends!
Agnès