La vue nous reconduit immédiatement à l'espace de notre vraie nature, mais j'ai souvent dit ici que les sons ont également ce pouvoir. Les maitres du T'chan, par exemple, accordent une grand importance aux sons.
Voici une video de shunryo Sozuki dans laquelle le maitre zen ne dit pas autre chose. Les sons sont en nous, à zéro centimètre. Nous sommes le son.
"L’autre jour, j’ai expliqué ce qu’est le son. Le son est différent du bruit. Le son est quelque chose de plus réel , et ce qui surgit de votre pratique est le son. Le bruit est plus objectif, c’est quelque chose qui va vous troubler. Le bruit est un être plus objectif. Le son est à la fois objectif et subjectif. Si vous frappez un tambour, vous faites le son ; vous le faites surgir de votre pratique subjective, et c’est aussi le son qui nous encourage tous. Le son est ainsi subjectif et objectif. Le bouddhisme comprend chaque chose, chaque bruit comme un son que nous faisons. Vous pourriez dire : « l’oiseau chante là-bas « , mais nous pensons que l’oiseau, quand nous l’entendons, l’oiseau est moi, déjà. Je n’écoute pas réellement l’oiseau. L’oiseau est ici, dans mon esprit vraiment et je chante avec l’oiseau : « pee, pee, pee » Si vous pensez, tandis que vous lisez quelque chose, « L’oiseau est là-bas » ; « Le geai bleu est sur mon toit, « Le geai bleu chante mais sa voix n’est pas si plaisante ». Si vous pensez ainsi, c’est du bruit. Quand vous n’êtes plus dérangé par le geai bleu, il entrera directement dans votre cœur, et vous serez le geai et le geai sera en train de lire. Et alors le geai ne vous dérange plus parce que vous pensez » le geai est là-bas ; il ne devrait pas être sur mon toit. Si vous pensez ainsi, c’est une compréhension primitive de l’être. Si vous pensez ainsi, c’est à cause d’un manque de pratique. Quand vous pratiquez zazen davantage, vous pouvez acceptez les choses comme étant vôtres, quoique ce soit."
Le son jaillit dans un espace de silence. Ce n'est pas une ou deux oreilles qui entendent les sons, c'est personne, ou si vous voulez c'est la conscience pure.
Si en Orient, la mystiques ont bien noté la non-dualité de la perception sonore, c'est également le cas en Occident
Par exemple, j'ai trouvé ce poème de T.S. Eliot qui illustre la non-dualité du son dans l'écoute de la musique:
"La musique entendue si profondément qu'on ne l'entend plus du tout, mais que l'on est la musique tant que la musique dure." Thomas S. Eliot , The day Salvages.
A l'écoute de cet air de Purcell, le sujet et l'objet disparaissent et ne restent que la musique et l'éveil.
Qui écoute? Personne.
"Music for a while
Shall all your cares beguile
Wond'ring how your pains were eas'd
And disdaining to be pleas'd
Till Alecto free the dead
From their eternal bands
Till the snakes drop from her head.
And the whip from out her hand
Music for a while
Shall all your cares beguile"
"Un court instant la musique
Vous éloignera de vos soucis :
Vous ne saurez plus comment
Vous surmontiez ces peines
Dédaigneuses des plaisirs
Avant qu’Alecto ne libère les morts
De leurs liens éternels,
Que les serpents chutent de ses cheveux
Et le fouet tombe de ses mains."
(Alecto est une des trois Erinyes)