Magazine Environnement

Les parcs-relais, une solution de mobilité durable pour le Grand Nouméa ?

Publié le 22 décembre 2009 par Servefa

Dans le PADD , document de planification du Grand Nouméa en matière d'aménagement et de développement, il est prévu de développer une intermodalité dont une des jonctions stratégiques figure dans les parcs-relais. Les parcs-relais, appelés encore parcs de stationnement incitatif, ou parking de rabattement, et même, pour les moins positifs, parcs de disuasion, constituent des aménagements de stationnements de véhicules particuliers visant à rabattre les transports individuels (automobile, vélo, marche) vers un mode de transport collectif (OFEN, 2004). Les parcs relais sont généralement vus comme des solutions face à l’engorgement provoqué par l’étalement urbain et l’automobilité, permettant ainsi de maintenir la vitalité économique des centres-villes (OFEN, 2004, ). Il est ainsi attendu de l’implantation des parcs relais d’atténuer les effets de la saturation du réseau routier aux heures de pointe en renforçant la part des déplacements effectués en transport public, de privilégier le stationnement des habitants dans les centres urbains, d’améliorer l’accessibilité des ces derniers pour les résidents et visiteurs, et ainsi d’y permettre des activités commerciales plus favorables, et enfin de libérer des espaces de circulation et de stationnement en centre ville pour rendre ce dernier plus agréable (OFEN, 2004). Cet outil de politiques publiques de transport offrent ainsi des attraits qui n’ont pas manqué de charmer les décideurs des principales métropoles mondiales. Aussi, il se développe dans les différents plans de transports (ils s’avèrent même quasi-systématiques en France dans les plans de déplacements urbains (Offner, 2006)). Pourtant, ces parcs font l’objet de nombreuses critiques, en particulier au regard de préoccupations environnementales et en vue du développement de formes de villes plus compactes et moins génératrices de déplacements individuels motorisés. Il convient donc de faire un tour de la littérature scientifique pour voir de quoi il en retourne.

La prise de conscience des nuisances de l’automobile en milieu urbain a conduit les décideurs à appliquer de nombreuses mesures afin de limiter la présence de l’automobile en ville. A titre d’exemple, en France, la loi Solidarité et Renouvellement Urbain du 13 décembre 2000, dans son article 28.1, invite à la mise en œuvre de Plans de Déplacements Urbains qui doivent explicitement conduire à la diminution de l’automobile. Cette nouvelle exigence a entrainé une modification progressive des solutions proposées dans les politiques d’aménagement des déplacements en milieu urbain et périurbain (Offner remarque ainsi le glissement sémantique avec le passage des plans de circulation aux plans de déplacements, Offner, 2006) avec la mise en œuvre de nouveaux outils dans la gestion des transports. Les parcs-relais appartiennent aux panels des outils qui sont aujourd’hui fréquemment utilisés au point qu’ils apparaissent dans le modèle générique des déplacements dressé par les chercheuses Reigner et Hernandez (Reigner & Hernandez, 2004). Les chercheurs proposent différentes définitions de cet outil, mais l’ensemble s’accorde à voir le parc-relais comme le lieu de passage d’un mode de transport privatif motorisé à un transport collectif (Ménerault, 2006, Stambouli, 2004, ; OFEN, 2004; Meek et al., 2007). Un tel concept n’est ainsi pas véritablement récent (Meek et al., 2007, 3) toutefois, la nouveauté du concept de parc-relais peut-être exprimée ainsi :

« l’idée de parc-relais implique une interface entre mode individuel et collectifs – un service – qui associe les deux modes et soit davantage qu’une simple juxtaposition d’infrastructures : cohérence de l’architecture, du mobilier urbain, de la signalétique interne, du jalonnement, incitation tarifaire (titres combinés : stationnement + usage du TC) participent à la perception de l’unité de lieu et de fonctionnement. » (Ménerault, 2006, 25)

Par ailleurs, une analyse fonctionnelle des différents type de parcs-relais existants a permis d’en dégager une typologie (Ménerault, 2006 ; OFEN, 2004). Nous exposons ici celle définie par Philippe Ménerault, plus concise. Trois types de parcs-relais ont ainsi été identifiés. Le premier consiste à rassembler du stationnement en lisière de centre-ville dans le but d’éviter l’encombrement du centre par les automobiles. C’est l’esprit qui mena à l’implantation des premiers parcs-relais moderne couronnés de succès, en 1973, à Oxford, en Angleterre. En effet, la cité historique d’Oxford n’était plus en mesure d’étendre ni la capacité de son réseau viaire, ni son offre en stationnement. Les décideurs et urbanistes de la ville décidèrent ainsi d’établir des stationnements en proche périphérie de la ville et de mettre en œuvre un système de transport collectif qui relie efficacement ces parcs au centre-ville (Meek et al., 2007, 4). Le deuxième type de parc-relais consiste à installer des stationnements en pleine périphérie, au niveau des stations des lignes de transport collectif en site propre (souvent même de leur terminus) et de leur intersection avec les grandes infrastructures routières de type voie express. Enfin, le troisième type concerne les centralités secondaires englobées dans les logiques de mobilité d’une métropole. Ces centralités, de densité élevées, se trouvent généralement reliées au centre de la métropole par un réseau ferré et accueillent ainsi des gares dont les parcs de stationnements ont peu à peu mué en parcs-relais pour l’ensemble des habitants de la périphérie.

Le parc-relais est rapidement apparu comme un outil de politique de transport séduisant. En premier lieu, cet outil invite à des évolutions incrémentales et non brutales des pratiques de mobilité (Parkhurst, 2002; Meek et al., 2007). Par ailleurs, ces aménagements permettent en théorie de limiter la congestion ou de s’affranchir d’investir dans de nouvelles infrastructures routières pour absorber des hausses de trafic (OFEN, 2004), et améliore ainsi l’accessibilité au centre-ville et autorisant son dynamisme (OFEN, 2004, Parkhurst, 1995). De plus de tels aménagements permettent d’augmenter l’offre globale de stationnement (Parkhurst, 2002) ou de déplacer les stationnements du centre-ville vers la périphérie (OFEN, 2004) permettant ainsi de procéder à une réhabilitation urbaine de ce dernier. Pour les opérateurs de transport collectif, les parcs-relais permettent de diminuer les coûts d’opération en augmentant la demande sur des lignes rentables et de supprimer des lignes coûteuses, tout en offrant un service à des usagers qui, de par leurs choix de localisation, ne pourraient en profiter autrement (Parkhurst, 2000). Enfin, un tel outil apparaît souvent comme un moyen d’apprentissage d’un mode de transport alternatif à l’automobile (OFEN, 2004).

Mais le succès d’un tel outil n’a pas manqué de susciter la curiosité des chercheurs et nombreuses études sont venues atténuer ces atouts. Ainsi, l’impact des parcs-relais sur la congestion n’a pas pu être vérifié d’autant que la congestion consiste en un équilibre et que tout trafic disparu conduira irrémédiablement à la génération d’un nouveau trafic et à l’induction de nouveaux déplacements (Parkhurst, 1995). Par ailleurs, il s’est avéré que ces derniers conduisaient non seulement à l’augmentation des distances parcourues (Parkhurst, 1995) mais aussi à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre, en particulier pour les parcs-relais du deuxième type décrit ci-dessus (OFEN, 2004). De plus, l’implantation de parcs-relais conduit finalement à détourner des utilisateurs du réseau secondaire et à la réduction de l’offre globale des transports collectifs (Ménerault, 2006; Pickett & Gray dans CPRE, 1998 ; OFEN, 2004). D’un point de vue plus théorique, les parcs-relais et leur « intermodalité pragmatique » sont accusés d’accentuer la dépendance à l’égard de l’automobile (Meek et al., 2007). En outre, en offrant un service rapide à des usagers normalement bloqué dans la congestion, les parcs-relais, au nom de la conjecture de Zahavi , qui veut que le choix de la localisation des habitats se fasse à budget-temps constant, pourraient être en mesure de favoriser l’étalement urbain (Stambouli, 2007, en ligne) (le poids des parcs-relais dans l’encouragement de l’étalement urbain doit cependant être pris en considération avec d’autres paramètres comme les prix fonciers). De surcroit, les parcs-relais s’opposent à l’aménagement de transport-oriented development (Litman, 2009, en ligne) puisqu’ils sacrifient du foncier à possiblement à haut potentiel (Stambouli, 2007, en ligne). Enfin, en améliorant l’accessibilité aux centres-villes, les parcs-relais conduisent à diminuer l’attrait économique des centralités secondaires (Parkhurst, 2002) et à « exacerber une dualité centre-périphérie » (Ménerault, 2006).

Afin d’améliorer cet outil le chercheur anglais Graham Parkhurst propose le concept de link & ride qui consiste à distribuer un chapelet de parcs-relais de tailles réduites le long d’un axe majeur de transport collectif. Il estime que ce type d’aménagement permet de réduire les principaux effets indésirables des parcs-relais. Par ailleurs, en Confédération Hélvétique, dans les cantons de Berne et Zürich, les parcs-relais ne sont plus subventionnés par les autorités publiques (afin d’assurer l’occupation foncière, le gardiennage, les tarifs préférentiels pour les occupants des voitures, etc.) au profit de leur évolution « active » : les bike & ride qui invitent autrement au développement des mobilités de proximité et à la vitalité des centres secondaires (Ménerault, 2006).

En haut, l'implantation traditionnelle d'un grand parc-relais en lisière de ville. Une telle approche présente bien des nuisances que Parkhurst entend régler par la solution du bas, dite "link&ride".

Il apparaît donc que les parcs-relais sont un sujet d’étude qui mérite d’être approfondi et dont l’implantation mérite des réflexions abouties en particulier dans un contexte où les politiques publiques œuvrent à réduire les émissions de gaz à effets de serre et les impacts du développement sur l’environnement. Dans le Grand Nouméa, avec une topographie qui offre peu de distance entre les futures lignes de transport collectif rapide et les lieux d'habitation, il convient de se poser la pertinence de leur installation avec encore plus d'acuité, surtout dans une optique de contrôle de l'extension spatiale de l'urbanisation. Peut-être serait-il plus pertinent d'y rendre véritablement confortable les modes doux/actifs (en ce moment, de Almameto à la voie express, bien à la peine dans l'actualité du Grand Nouméa).

Bibliographie

CPRE. (1998). Park and ride – its role in local Transport Policy. Campaign to Protect Rural England. 1998.

Dupuy, G. (2006). La dépendance à l’égard de l’automobile. Editions La Documentation Française. Paris. 93p.

Frenay P. (2001). P+R versus urbanisation autour des nœuds de transports publics. Transport, environnement, circulation . pp 20-29.

Litman, T. (2009). Transit Oriented Development : Using Public Transit to Create more Accessible and Livable Neighborhoods. En ligne. Consulté le 12 décembre 2009. http://www.vtpi.org/tdm/tdm45.htm

Margail, F. (1996). Les parcs relais, outils clés de politiques intermodales de déplacement urbain. Thèse de doctorat, France, Ecole Nationale des Ponts et Chaussées. 634p.

Meek et al. (2007). Park and ride : lessons from the UK expériences. Papier présenté au Transport Research Board Congress. 2008.

Ménerault, P. (2006). Multipolarité urbaine et nouvelles organisations intermodales. Synthèse effectuée pour le compte de l’INRETS. 126p.

OFEN. (2004). Efficience énergétique des P&R. Office Fédéral de l’Energie. Confédération Hélvétique. 171p.

Parkhurst, G. (1995). Park and ride : could it lead to an increase in car traffic ? Transport Policy. Vol 2. N°1. 1995.pp15-23.

Parkhurst, G. (2000). Influence of bus-based park and ride facilities on users’ car traffic.   Transport Policy. Vol 7. 2000.pp159-172.

Parkhurst, G. (2002). Modal intégration of bus and car in UK local transport Policy : the case for strategic environmental assesment. Journal of Transport Geography. Vol 10. 2002.pp195-206.

Reigner, H. et Hernandez, F. (2007). Les projets des agglomérations en matière de transport : représentations, projets, conflits et stratégie de « détournement » des réseaux. Flux 2007/3. N° 69. p. 21-34.

Stambouli, J. (2004). « Les territoires du tramway moderne : de la ligne à la ville durable », Développement durable et territoires. En ligne, Dossier 4 : La ville et l'enjeu du Développement Durable, mis en ligne le 11 juin 2007, Consulté le 15 décembre 2009. URL : http://developpementdurable.revues.org/index3579.html


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Servefa 42 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossier Paperblog