In extremis en 2009 et suite à l’une de ces toujours enrichissantes discussions avec Nickx, je me devais d’évoquer ce disque grandiose qui bien que cité par tout le monde peine à prendre sa place dans des tops florissants qui privilégient les disques plus expérimentaux. At The Cut est à la manière du dernier Bill Callahan un simple disque folk de plus, le quatorzième dans la déjà très riche discographie du Floridien de naissance. Pourtant, et suite à un triste et beau North Star Deserter (qui aurait également du apparaître sur ce site), Vic a ce je ne sais quoi en plus (le talent ? le génie ? la grâce ?) qui pousse sans effort apparent chacun de ses dix nouveaux morceaux vers des sommets. Je suis bien en peine moi au moment de la dernière écoute post chronique pour vous sélectionner un brelan de tête. Ces 43 minutes sont tout simplement parfaites, du genre à ne plus savoir où donner de la tête.
Vic a eu 45 ans en novembre, cette année. Son histoire tout le monde commence à la connaître un peu. Adopté, écrivant des chansons depuis ses 5 ans, semi-paralysé à 18 ans. Je ne veux pas jouer la carte du trémolo et du combat pour la vie, mais l’homme fascine. Et je ne peux que remarquer cette pochette, où Vic est placé si bas (sur sa chaise ?), avec un air pas franchement réjouissant. C’est une constante, Vic a toujours le moral en berne, et il ne peut que partager souffrances et doutes, sans jamais sonner larmoyant. Pour sa deuxième contribution avec Constellation et son fabuleux mais sobre backing band composé de membres de Fugazi et Silver Mt Zion, le son touche quasi à la perfection permanente, avec une belle économie de moyens par moments (le très sobre "When the bottom fell out") mais aussi de beaux enchaînements de piano, orgue et violons.
Mais trêve de présentations et passons aux trois "C" placés en tête. "Coward" vous accueille sans crier gare. Bouleversant dès la première seconde, le morceau développe une électricité ravageuse et mortuaire intransigeante, jusqu’à un final explosif scandé par la voix désespérément imbibée de Vic. Entre flamboyance et nuance. S’en suit "Chinaberry tree", le sommet du disque pour beaucoup, un chef d’œuvre à lui tout seul pour certains. Le chant y est encore plus touchant, et la mélodie qui peine à monter redouble finalement de poésie. La contrebasse de Thierry Amar et une batterie formidable y sont aussi pour beaucoup. Enfin, "Chain", le morceau par lequel je suis rentré dans ce disque. Mon sommet à moi. Je n’ai pas de mots si ce n’est évoquer mes frissons à suivre ce piano désabusé mais surtout et encore cette voix triste et habitée, littéralement à fleur de peau. Je pourrais passer des heures à vous parler de chaque morceau mais je ne le ferai pas, je vous laisse découvrir par vous-mêmes ce qui vous sépare du terminus acoustique et plein de tendresse "Grammy". Je ne sais plus si je l’invente ou si je l’ai lu quelque part mais ce disque ferait pleurer des pierres.
En bref : sans pose aucune, une des plus grandes icônes indie folk américaine livre un diamant brut de belle musique. L’un de ses tous meilleurs assurément. Peut-être même mon préféré.
Le site officiel et le Myspace
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"Coward", "Chain" et "Chinaberry Tree", les trois monumentaux "C" de At The Cut :