Trop de politiciens se comportent comme des enfants mal élevés. Leur comportement a atteint un tel niveau d’immaturité que le président de l’Assemblée nationale doit interdire l’usage de certains mots considérés offensants : sornettes, incompétent, logique tordue, maquiller les chiffres, tronquer la vérité, berner la population sont seulement quelques-unes des nouvelles entrées dans ce dictionnaire des propos non parlementaires. (Voir le texte de Jean-Marc Salvet ici-bas.)
L’Assemblée nationale représente la quintessence des institutions démocratiques du Québec. Lorsque les représentants élus s’y comportent comme des malotrus, ils dégradent l’institution aux yeux de la population. Donc, il ne faut pas se surprendre si la population n’a plus de respect pour l’institution ni pour ceux qui les représentent.
Ce n’est pas en interdisant l’utilisation de certains mots que l’on va revaloriser l’institution et les politiciens. Il vaudrait mieux qu’un politicien mal engueulé soit rabroué publiquement par ses pairs. Cela aurait au moins le mérite de laisser savoir à la population que la majorité des politiciens sont en désaccord avec leurs confrères aux comportements douteux. Mais quand c’est le premier ministre lui-même qui dénigre ses confrères, l’exemple vient de haut.
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Les «fainéants» interdits à l'Assemblée nationale
Jean-Marc Salvet, Le Soleil, 21 décembre 2009
(Québec) Il n'y a ni «fainéants» ni «incompétents» à l'Assemblée nationale. Personne n'y «tronque la vérité» ni ne «berne la population». Pas depuis deux ans, en tout cas. Pas depuis que ces mots et expressions ont rejoint l'illustre «girouette» dans le lexique des «propos non parlementaires».
Une trentaine de termes supplémentaires ont été mis à l'index depuis que Michel Bissonnet, alors président de l'Assemblée nationale, a sommé les élus de ne plus utiliser le qualificatif «girouette».
Jusqu'à ce 16 octobre 2007, pendant quelques jours, le premier ministre Jean Charest s'était fait un malin plaisir de lancer ce vilain mot à la figure de l'ancien chef de l'ADQ, Mario Dumont. Avec les dégâts que l'on sait.
Avec cette trentaine d'ajouts, le Larousse des termes interdits au Parlement québécois compte désormais près de 280 entrées.
Qu'on se le dise : depuis deux ans, l'opposition ne dit plus jamais de «sornettes». Les membres du gouvernement n'usent plus de «logique tordue». Normal, donc, qu'aucun ne «mérite de coup de pied au c...».
Comment un ministre mériterait-il pareil affront, d'ailleurs? Aucun n'est «petit». Plus aucun ne «maquille les chiffres».
Depuis deux ans, la réalité n'est plus jamais «déguisée» dans l'auguste enceinte.
Et «pantin»?
Si nécessaire soit-il, ce dictionnaire des mots interdits pèche par incohérence, conviennent des élus interrogés par Le Soleil. Un député ne peut pas dire «girouette», mais peut qualifier son adversaire de «pantin».
C'est que ce lexique s'écrit au gré des humeurs des présidents et des vice-présidents de l'Assemblée nationale. Et qu'eux-mêmes sont sensibles au chahut que provoque l'emploi de certains termes. Et tant pis si des indignations venant d'un côté ou de l'autre du Salon bleu sont davantage feintes que ressenties! Tant pis si certaines ne visent qu'à attirer l'attention de l'arbitre pour qu'il inflige une punition à l'équipe adverse! C'est ainsi que le lexique des «propos non parlementaires» s'épaissit sans cesse. Il aurait même tendance à s'épaissir de plus en plus rapidement, croit le doyen des élus, le député péquiste François Gendron.
L'air du temps
L'air du temps et la sensibilité exacerbée des uns et des autres feraient en sorte que des termes usuels se retrouvent du jour au lendemain au banc des accusés. Même s'ils avaient été utilisés des dizaines de fois sans jamais causer de problème.
Par respect pour ses collègues, M. Gendron, également vice-président de l'Assemblée nationale, refuse de fournir des exemples. Mais notons, nous, que l'expression «amis du régime» n'a plus de droit de cité depuis le 30 septembre. Or, on ne compte plus le nombre de fois où elle avait été employée au fil des ans sans que personne ne songe jamais à la proscrire.
Le bon dosage est toujours difficile à atteindre, rappelle François Gendron. Le président et les vice-présidents de l'Assemblée nationale doivent veiller à la bonne tenue des débats, dit-il. La sagesse exige que les insultes, les grossièretés et les marques d'irrespect soient sanctionnées.
Les dérapages verbaux et les foires d'empoigne discréditent les échanges.
En réhabiliter aussi!
Cela dit, M. Gendron estime qu'un exercice de révision s'impose. Selon lui, on ne peut pas toujours, d'un côté, ajouter des mots et des expressions dans ce petit dictionnaire sans examiner, de l'autre, s'il ne conviendrait pas d'en réhabiliter certains.
«Je crois que les vice-présidents et le président seraient ouverts à réviser la liste, et probablement prêts à convenir que certains mots et expressions ne sont pas si antiparlementaires que ça.»
«Il nous appartient de faire cet exercice, poursuit-il. Si on en ajoute tout le temps, il faudrait aussi pouvoir en retrancher, réévaluer ce qui a été décidé par le passé.»
Encore là, François Gendron se garde bien de s'avancer lui-même. Il veut consulter ses collègues. Mais peut-être réhabilitera-t-on un jour des expressions courantes comme «opportunisme politique», ainsi que des mots comme «mascotte» ou «culot». Peut-être même «girouette», qui sait?