Vendredi 18 décembre dernier s’est terminé le sommet international de Copenhague. Délits d’Opinion a interrogé Michel Destot, Député-maire de Grenoble et Président de l’AMGVF alors que ce dernier revenait de la capitale danoise où avec de nombreux élus il a porté la voix des collectivités territoriales et défendu leurs engagements.
Délits d’Opinion : Avant le sommet de Copenhague l’opinion publique française était particulièrement pessimiste quant à la capacité des autorités publiques d’aboutir à un traité ambitieux. Estimez-vous que les dirigeants présents dans la capitale danoise les aient fait mentir ?
Michel Destot : Tout le monde s’accorde pour dire que ce sommet se solde par un accord à minima. Malgré l’ambition et la bonne volonté de certains, le monde voit aujourd’hui un verre à moitié vide pour ne pas dire « au quart vide ». Le pessimisme que l’on avait pu entendre et se consolider avant la tenue des débats est aujourd’hui confirmé par un accord timide alors que l’objectif annoncé était la signature d’un traité global et ambitieux au niveau mondial. Sur un plan personnel, ce sommet gardera un goût d’inachevé terriblement frustrant.
Délits d’Opinion : Copenhague se voulait le point de départ d’une prise de conscience mondiale sur la question de l’environnement. Estimez-vous qu’au-delà des dirigeants et des ONG présentes à Copenhague, la population mondiale a pris la mesure des transformations climatiques en cours ?
Michel Destot : Je crois que c’est aujourd’hui évident. L’opinion publique mondiale est non seulement consciente des modifications qui s’opèrent mais on observe qu’elle est bien souvent au devant de ces mouvements et de ces combats. Lors de ce sommet que l’on présentait comme la rencontre de hauts dirigeants, on a pu noter la présence et l’importance de deux acteurs qui sont appelés à jouer un rôle décisif sur ces sujets. Tout d’abord il y a les ONG et les associations qui ont démontré qu’il faudrait compter avec elles lors de futures négociations. Le second acteur qui s’est révélé lors de ce sommet s’avère être les autorités locales. Pour ce qui est de la France, les collectivités territoriales ont démontré leur engagement sur ces problématiques.
Lors de mon séjour à Copenhague, j’étais entouré d’une soixantaine de responsables locaux afin de souligner l’engagement qui est le notre. En tant qu’élus, nous avons un rôle primordial à jouer auprès des populations car nous engageons les villes, les départements et les régions sur des projets ambitieux en termes d’environnement, de développement durable, de construction basse consommation et de gestion de l’eau et des déchets. A l’heure de refermer ce sommet, on peut d’ailleurs regretter que les élus locaux en général n’aient pas été plus associés aux discussions car cela aurait sans doute permis d’aller plus loin sur le traité et d’apporter des réponses pratiques aux questionnements quotidiens des Français.
Délits d’Opinion : En tant que Président de l’Association des maires des grandes villes de France (AMGVF) vous avez beaucoup insisté sur le besoin d’associer les élus locaux aux décisions sur le climat. Pourquoi estimez-vous que c’est à ce niveau que les initiatives doivent être enclenchées?
Michel Destot : Selon moi il ne faut pas exclure certains acteurs. Les responsables nationaux doivent impulser les mouvements mais il est important de reconnaitre l’importance des collectivités territoriales dans la mise en place des politiques économiques, sociales et environnementales. En effet, on estime aujourd’hui que 70% des décisions prises à Copenhague devront être engagées par les collectivités locales. Si l’on veut maintenir la mobilisation de l’opinion publique en faits et en actes, on doit mobiliser leurs premiers interlocuteurs et les décideurs locaux comme les maires et les députés.
Délits d’Opinion : Alors que le sommet vient de se clore, quel événement restera comme le symbole de ces deux semaines de négociations? Plus précisément, quels sont les chantiers à poursuivre en priorité ?
Michel Destot : Ce sommet avait deux objectifs majeurs, la durabilité et la solidarité, en particulier en faveur de populations victimes et les plus démunies face aux conséquences du réchauffement climatique. Sur le premier chantier on a pu observer un manque d’engagement très clair de la part de nombreux pays et en particulier de la Chine, pays désormais développé, pollueur important mais qui conserve une position très paradoxale sur ces enjeux. Du côté des Etats-Unis, Barack Obama est arrivé à Copenhague avec un soutien insuffisant de la part du Congrès et cette fragilité l’a empêché d’engager son pays dans une démarche plus volontariste.
Mon plus grand regret concerne le second objectif, à savoir l’aide aux pays en développement. En reportant le dispositif d’aide de 100 Mds d’euros à 2020, le Nord a envoyé un signal très négatif à ces populations et à leurs gouvernements. Cet échec doit être mis en parallèle des plans de sauvetage qui se sont mis en place au moment de la crise financière. La différence de traitement entre ces deux situations démontre qu’il y a bien eu deux poids deux mesures ce qui apparaît très choquant pour de nombreux élus dont je fais partie.
Délits d’Opinion : L’échec de Copenhague n’est-t-il pas celui des grandes institutions internationales ?
Michel Destot : Les difficultés qui se sont révélées lors de ce sommet questionnent bien évidemment le système onusien dans sa capacité à impulser un mouvement fort et à rassembler les pays du monde entier. Ces grands rassemblements témoignent de la persistance de nationalismes encore très forts lors des négociations internationales. Abdou Diouf, l’ancien Président du Sénégal a déclaré un jour que le XXIe siècle sera le siècle des villes ou ne sera pas. Cette déclaration souligne le besoin de dépasser les oppositions entre états-nations pour mieux se reposer sur les structures locales, elles qui sont au cœur des modifications économiques, sociales, sociétales et environnementales actuelles.
Délits d’Opinion : La ville de Grenoble dont vous êtes le maire a été récemment primé lors du trophée sur les écoquartiers. Comment comptez-vous poursuivre les travaux engagés malgré ce coup de frein ressenti à Copenhague?
Michel Destot : L’engagement de la ville de Grenoble au travers du projet d’écoquartier à Bonne va se poursuivre car ce projet urbain va au-delà de l’engagement écologique. La ville de Grenoble souhaite se mobiliser en faveur du développement durable sur tous les sujets, qu’ils soient économiques, environnementaux ou sociaux et les réticences auxquelles nous devrons sans doute faire face ne remettront pas en cause nos intentions à ce sujet. L’engagement de l’Union Européenne et du Ministre de l’Ecologie et du Développement durable Jean-Louis Borloo ont été importants et c’est pourquoi il existe un vrai sentiment de frustration et de déception parmi nos concitoyens. Ce retour au point de départ ne se fait pas sans douleur mais les combats de la durabilité et de la solidarité doivent se poursuivre.
Propos recueillis par Raphaël Leclerc