La confusion des sens
Publié le 21 décembre 2009 par Marc Lenot
Les toujours chics familiers de l’Espace Vuitton connaissent bien la première confusion qui s’empare du visiteur dans l’ascenseur obscur d’Olafur Eliasson : l’obscurité, la sensation d’élévation, la voix rassurante de la jeune fille qui nous accompagne mais que le noir absolu nous empêche de voir, tout cela crée déjà un trouble des sens ambigu et agréable. Dirais-je que nous avons là l’apex de l’exposition ? (jusqu’au 10 janvier)
Ce ne sont pas les jeux de Didier Fiuza Faustino sur l’envers et l’endroit, le vrai et le faux, ni la représentation du ciel de Laurent Saksik, ni les faux pastiches de
Laurent Grasso, tableaux naïfs reprenant certaines des icônes de l’artiste (le nuage de Projection, le soleil d’Eclipse, le rocher de Psychokinesis ou l’aurore du Butterfly) qui vont ébranler durablement notre perception. La brume lumineuse qui accompagne les effets sonores et domestiques de Céleste Boursier-Mougenot ou l’éblouissement baignant les rangées de noms de code militaires en Braille de Renaud Auguste-Dormeuil (y manque ‘Plomb Durci’) perturbent certes un instant. La peinture murale thermosensible de
Véronique Joumard,
Orange, incite au baiser, ci-dessus, mais la trace de celui-ci s’efface instantanément.
La véritable confusion des sens de cette exposition naît de la
traumathèque de
Berdaguer et
Péjus : des dizaines de visiteurs ont enregistré ici le récit de l’expérience la plus traumatique qu’ils aient jamais vécue, constituant ainsi une archive du trauma que chacun peut consulter. Certains témoignages sont tragiques, d’autres drôles, d’autres les deux (mon favori : “Papa brise le portrait du Christ avec mon soulier”). Celui qui parle de destruction délibérée d’une bibliothèque vient de l’auteur de ces lignes. Tout à coup, dans ce lieu clos d’écoute et d’enregistrement, la confusion des sens prend une autre dimension, moins superficielle ou ludique, plus tragique.
Photo 1 de l’auteur; photo 2 © Mazen Saggar / Espace Louis Vuitton