La France face à la piraterie somalienne

Publié le 21 décembre 2009 par Infoguerre

La mousson et le ramadan avaient réduit considérablement le nombre d’attaques des pirates au large de la Somalie ces derniers mois – 293 attaques en 2008 contre seulement 172 depuis début 2009 selon l’ONG Ecoterra International – mais l’attaque d’un pétrolier ravitailleur français La Somme  et celle contre deux thoniers – le Glénan et le Drennec – nous ont rappelé que le problème n’est absolument pas réglé. La France participe pleinement à la lutte contre la piraterie en participant à l’opération EU NAFVOR (Atalante) dirigée par le vice-amiral (GB) Peter Hudson avec le déploiement permanent d’une frégate durant toute la durée de l’opération et la participation ponctuelle d’un avion de patrouille maritime, ATL 2, situé sur la base des FFDj (Forces française à Djibouti). En outre, cette participation cache en réalité un manque de stratégie à long terme.

La France ne cherche pas régler les deux problématiques fondamentales liées aux pirates somaliens :

  • Les pays occidentaux ont, depuis le début des années 90, pris l’habitude de se débarrasser de leur déchets près des côtes somaliennes au prix ridicules de 2.50$ la tonne contre 1000$ environ en Europe.
  • Les forces gouvernementales, mise en place et formées en grande partie par les américains, ne dirigent en fait que peu de choses et font face aux régions autonomiste du nord de la Somalie, le Putland et le Somaliland et différents groupes islamistes comme Al-Chabab ("la jeunesse") et Hizbul Islam (le parti islamique).

Atalante et mise en place de commandos sur des bateaux de pêches français

En effet, depuis le 8 décembre 2008 l’Union Européenne mène dans le cadre de l’ONU une opération militaire pour contribuer à la dissuasion, à la prévention et à la répression des actes de piraterie et de vols à main armée au large des côtes de la Somalie. Cette opération a pour but principal de protéger les navires marchands et les navires affrétés par le PAM (programme alimentaire mondial). Actuellement, 9 nations apportent une contribution opérationnelle permanente à l’opération : les Pays-Bas, l’Espagne, l’Allemagne, la Grèce, l’Italie, la Suède, la Belgique, le Luxembourg et la France. Les forces françaises à Djibouti et la proximité de Mayotte – présence permanente d’un détachement de la Légion étrangère – donnent à la France une certaine légitimité au large de la Somalie et dans le Golfe d’Aden. Malgré cette influence géographique, le commandement de l’opération Atalante a été confié au vice-amiral (GB) Peter Hudson. Afin de renforcer la lutte contre la piraterie, la France a lancé en juillet dernier un dispositif qui consiste à embarquer des soldats pour protéger des bateaux de pêche dans l’océan indien. Une soixantaine de fusiliers marins, dont des commandos de marine, assurent la protection d’une dizaine d’embarcations. Ce dispositif a montré toute son efficacité le 10 octobre 2009. Vers 6h du matin, heure française, des hors-bords pirates ont approché deux thoniers – le Glénan et le Drennec – qui croisaient comme à l’heure habitude en binôme au nord de l’archipel des Seychelles, une zone très poissonneuse éloignée de la Somalie. Les pirates ignoraient totalement la présence à bord des militaires. La France se mobilise donc pour protéger ses intérêts économiques liés à la pêche dans la région.

La Somalie, un Etat inexistant

En revanche, derrière cette mobilisation Française, dans le cadre du Conseil européen avec Atalante ou non, se trouve un vide stratégique flagrant. En effet, la Somalie est politiquement extrêmement instable. Les frontières somaliennes reconnues internationalement par l’ONU ne correspondent absolument pas à la réalité. Le président actuel, cheikh Sharif Ahmed qui est l’ancien dirigeant de l'Union des tribunaux islamiques, a été élu par le Parlement, réuni à Djibouti en raison du désordre en Somalie. Le gouvernement basé à Mogadiscio fait face aux régions autonomiste du nord. Il y a le Putland et le Somaliland qui ont chacun leur propre gouvernement et leur propre loi qui ne reconnaissent pas l’autorité du gouvernement de Mogadiscio. D’autres régions comme le Galmudug ou encore le Maakhir ont autoproclamés leur indépendance (respectivement le 14 août 2006et le 1er juin 2007). De plus, certains groupes islamistes implantés dans toute la Somalie contestent aussi l’autorité de Sharif Ahmed. Par exemple le groupe islamiste Hizbul Islam, durant une conférence de presse le 10 octobre dernier, a demandé aux ONG locales et internationales qui travaillent sur les territoires somaliens qu'il contrôle de "régulariser" leur situation1. Toutes ces interférences dans l’autorité reconnue par l’ONU mettent à mal un dialogue efficace dans la lutte contre les pirates somaliens à l’intérieur des terres.

Vide stratégique français

La complexité  de la situation en Somalie devrait obliger la France à travers le Conseil Européen à avoir une réelle stratégie offensive pour mettre fin à la piraterie. Jusqu’à présent, seul les américains n’hésitent pas à former les forces gouvernementales de Mogadiscio afin de lutter contre les différents belligérants. Ils interviennent aussi directement contre les groupes islamistes suspectés d’appartenir à la mouvance Al-Qaeda comme ils l’ont fait le  16 septembre dernier en tuant un leader shebab (islamistes radicaux somaliens appartenant à la mouvance Al-Qaeda) lors d’un spectaculaire raid héliporté dans le sud du pays qui porte un coup significatif à l’organisation islamiste. Cependant, en plein désert djiboutien, la France entraîne en toute discrétion des soldats du gouvernement fédéral de transition (GFT) de Cheikh Charif. Pierre Lellouche, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, venu à Djibouti les 10 et 11 octobre, aimerait voir les Européens s'engager davantage dans la lutte contre les pirates sur terre. Devant la piraterie somalienne, les cargos immergent plus au large leurs déchets mais ils ne font que déplacer le problème et le rende ainsi moins visible. Nous pouvons déplorer que la France avance de manière si timide en refusant d’affronter plus clairement le problème lié au départ du général Siyad Barre en 1990 suite à des émeutes sanglantes. Départ qui provoqua une guerre civile qui n’a jamais vraiment cessé jusqu’à maintenant.