L'heure zéro

Par Va33

Jeu de massacre
Faut-il exhumer Agatha Christie ? Pour la grande majorité, les écrits de la prolifique «reine du roman policier» (1890-1976) ont depuis longtemps commencé à sentir la naphtaline. Le roman noir américain, violent et existentialiste, l'a emporté sur le whodunit («qui l'a fait») britannique, petit jeu trop civilisé pour l'heure du thé. Définitivement ? Pas pour Pascal Thomas, qui ne s'est jamais remis de la lecture de l'œuvre intégrale de la dame dans sa jeunesse.

Avec ses nombreux personnages rassemblés dans une grande demeure et son crime qui fait de chacun un suspect, L'Heure zéro correspond déjà nettement plus à l'image qu'on se fait d'un roman d'Agatha Christie. Vous avez dit Cluedo ? C'est cela même, mais avec un esprit ludique qui préfère une certaine désinvolture distanciatrice à la parodie facile. Une jolie brochette de comédiens, parmi lesquels Danielle Darrieux , ne gâte rien.
A 90 ans, l'insubmersible et éblouissante Darrieux est donc Camilla Tressilian, qui a invité toute sa famille à passer les vacances dans sa belle demeure de Dinard, sur la côte bretonne. D'abord réticente à l'idée de son neveu Guillaume Neuville (Melvil Poupaud) d'en profiter pour réunir son ex-épouse Aude (Chiara Mastroianni) et la nouvelle tenante du titre, l'explosive Caroline (Laura Smet), elle finit par s'y résoudre. Mais deux Mme Neuville sous un même toit, c'est une de trop. L'inspecteur Bataille (François Morel), lui-même en vacances dans la région, parviendra-t-il à résoudre le double crime «parfait» qui ne tarde pas à endeuiller cette étrange réunion de famille ?
Il en résulte un film faussement léger, qui échappe autant que possible aux situations stéréotypées tout en respectant les belles intuitions de la romancière sur la nature humaine. Pas de quoi menacer Témoin à charge (Witness for the Prosecution, 1958) de Billy Wilder, qui reste la meilleure adaptation d'Agatha Christie à l'écran, mais tout de même de quoi divertir avec élégance et intelligence.