Depuis son poste d’observation de Montréal, l’Organisation de l’aviation civile internationale entrevoit la reprise. Un constat crédible, bien que l’OACI ait parfois été prise en flagrant délit d’optimisme excessif. Que dit-elle ? Que «l’amélioration de la situation économique dans de nombreuses parties du monde permet d’escompter une reprise modeste en 2010, soit une croissance de 3,3% du trafic». Et d’annoncer dans la foulée des jours encore meilleurs en 2011, «vers un plein rétablissement et le taux de croissance traditionnel du trafic aérien mondial, qui est de 5.5% annuellement».
Venant d’une autre source, de tels propos susciteraient probablement un zeste d’incrédulité. D’autant que le bilan provisoire de 2009 est évidemment mauvais. La même OACI estime que le trafic international a reculé de 3,1%, l’IATA évoque 4,1% tandis qu’ID Aéro positive davantage et avance une fourchette de -1,5 à -2%.
Au plan financier, seule l’IATA s’aventure à donner des chiffres précis, annonçant des pertes globales de 11 milliards de dollars en 2009 et de 5,6 milliards en 2010. Ce qui conduit à un total de 49,1 milliards depuis 2000. «C’est-à-dire une moyenne de 5 milliards par an», note Giovanni Bisignani, directeur général de l’IATA, dont on sait qu’il a le sens de la formule. Ceux qui n’étaient pas encore catastrophés le seront à la lecture de ce point de repère. De là à se demander comment les compagnies aériennes trouvent encore des financements, il n’y a plus qu’un petit pas à franchir.
Retour aux statistiques provisoires de l’OACI. Elles confirment que continents et régions ne sont pas égaux dans le malheur. L’Afrique est la plus durement atteinte, avec un recul de son trafic aérien de 8,9%, en même temps qu’elle affiche de mauvais chiffres en matière de sécurité. Avec un recul de 4%, l’Europe est touchée, certes, mais moins que les Etats-Unis qui enregistrent une baisse de trafic de 5,5%. On remarque aussi que la région Asie/Pacifique, qui fit longtemps des envieux en raison de son insolente bonne santé, tombe de haut (-7,1%).
Giovanni Bisignani, tout bien réfléchi, estime néanmoins que «le pire est derrière nous», que les indicateurs évoluent dans la bonne direction. Soufflant le chaud et le froid, il s’empresse d’ajouter que le prix du carburant augmente à nouveau tandis que la recette unitaire reste médiocre au point d’être qualifiée de désastre permanent.
Cette dernière remarque est malheureusement justifiée, au vu des données les plus récentes. Depuis le début de l’année, la recette moyenne a en effet reculé de 12% pour les passagers et de 15% pour le fret. Il s’agit bien entendu du résultat du déséquilibre entre l’offre et la demande. Dans cet esprit, les économistes de l’IATA s’inquiètent de l’entrée en service en 2010 d’environ 1.300 avions supplémentaires correspondant à un accroissement de 2,8% de la capacité offerte. Reste à savoir si ce calcul prend en compte le retrait d’appareils d’ancienne génération, condamnés à la «déconstruction». De toute manière, la capacité offerte est un net recul depuis de nombreux mois.
Reste à savoir comment va évoluer la recette. Il n’est pas certain qu’elle retrouve un jour son niveau d’avant crise, quand reviendront les beaux jours. Les compagnies s’interrogent sans disposer d’éléments de réponse suffisamment solides. De toute manière, de nombreuses incertitudes entourent la reprise, avant même qu’elle ne soit confirmée.
Pierre Sparaco - AeroMorning