Ciguatera ? Vous avez dit ciguatera ?
La ciguatera, ou gratte, est une intoxication neurodigestive provoquée par l'ingestion de chairs de poissons contaminés par une microalgue présente dans les récifs coralliens.
Développement de la microalgue sur le corail mort :
Le corail mort est progressivement recouvert par des gazons algaux constitués de macroalgues sur lesquelles vont à leur tour proliférer des microalgues.
Parmi celles-ci, on trouve l'algue de la famille des dinoflagellés nommées Gambierdiscus toxicus, qui produit des toxines responsables de la ciguatera, les ciguatoxines.
Toutes perturbations entraînant la mort des coraux risquent d'entraîner une prolifération en masse des Gambierdiscus toxicus, et en conséquence de provoquer une flambée ciguatérique. Ces
perturbations peuvent être naturelles (tsunamis, cyclones, séismes, etc.) mais aussi artificielles (agressions de l'homme pour l'aménagement du littoral, la construction de digues, le creusement
d'un chenal, etc.).
Intoxication de la chaîne alimentaire :
Les ciguatoxines pénètrent la chaîne alimentaire par l’intermédiaire des poissons brouteurs de corail et des herbivores qui se nourrissent des algues sur lesquelles sont fixées Gambierdiscus
toxicus. Ces poissons sont ensuite les proies des poissons omnivores puis carnivores. Les toxines sont accumulées le long de la chaîne alimentaire et vont se concentrer dans les poissons pour
atteindre dans les plus âgés des taux susceptible d'intoxiquer les consommateurs.
Certains semblent cependant exempts de risque comme les poissons pélagiques qui ne chassent qu’en pleine mer (thons, espadons, marlins, mahi mahi, etc.) ou des poissons vivant en eaux
profondes.
Les symptômes :
Dans la majorité des cas, les symptômes apparaissent précocement après la consommation, quelquefois dans les minutes qui suivent, le plus souvent entre 1 et 4 heures, plus rarement au-delà de 24
heures.
Il s'agit d'engourdissement accompagné de picotements des lèvres, de la langue et de la gorge, d'une faiblesse généralisée et d'une sensation nauséeuse.
Le tableau clinique est ensuite rapidement dominé par plusieurs catégories de symptômes : digestifs, neurologiques et cardio-vasculaires.
Cette affection est le plus souvent d'un pronostic bénin, mais les fortes intoxications peuvent provoquer des paralysies, le coma et parfois la mort.
Certains symptômes (en particulier ceux à caractère neurologique) peuvent durer plusieurs semaines voire plusieurs mois.
Ces symptômes ne sont pas nécessairement tous présents lors d'une intoxication ciguatérique ; ils apparaissent en fonction de la gravité de l'intoxication (quantité de toxine ingérée, selon
l’espèce, la taille et les parties du poisson consommées) et des modalités réactionnelles propres à chaque individu (sensibilité individuelle, et exposition antérieure aux toxines).
Après une intoxication, il est recommandé d'éviter la consommation de poissons et de produits de la mer ainsi que de boissons alcoolisées, de noix ou de graines qui risquent d'accentuer la sévérité
de la maladie ou sa durée .
Un remède ?
Des chercheurs calédoniens ont déposé un brevet : une molécule issue d'une plante locale serait efficace contre la ciguatera.
Une équipe de l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD) de Calédonie, associée à l'institut Pasteur de Nouméa et à l'institut Malardé de Papeete ont isolé le principe actif de l'Argusia
argentea, communément appelé "faux tabac" ou arbre à gratte : l'acide rosmarinique contenu dans les feuilles de cet arbre très répandu en Nouvelle Calédonie, au Vanuatu et aux Samoa (mais hélas pas
en Polynésie Française), a des vertus détoxifiantes.
L'Argusia argentea, "faux tabac" ou arbre à gratte
La molécule de l'acide rosmarinique traite et atténue les symptômes de la gratte, mais a surtout la capacité de déloger les ciguatoxines dans les cellules nerveuses atteintes.
Le but de ces recherches est bien évidemment de mettre au point un remède, suite au dépôt du brevet.
Recette traditionnelle :
En attendant, si vous êtes à proximité d'un "faux tabac", voici un remède traditionnel calédonien :
Tisane anti-gratte
Prendre une grosse poignée de feuilles jaunies tombées au pied d'un arbre à gratte, les découper en petits morceaux et les mettre à bouillir dans 1 litre d'eau.
Faire bouillir 30 minutes environ, jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'1/2 litre d'eau.
Boire cette tisane dès les premiers symptômes.
Sources : ORSTOM Nouméa / Wikipédia / France-Antilles Guadeloupe / La Dépêche de Tahiti