Extrait du Manifeste des Intellectuels Français (1)
Et, 30.000 de plus !...L'escalade.
Telle est la décision d'Obama, pour mettre un terme à la guerre en Afghanistan : envoyer des troupes supplémentaires. Juste avant d'aller chercher son Prix Nobel de la Paix à Stockholm.
Il est vrai que les traîneurs de sabre du Pentagone en souhaitaient 80.000... A défaut, ils vont donc à coups de pied au derrière de leurs « alliés », vassaux, auxiliaires et autres supplétifs, en extraire quelques milliers de plus...
Résultat recherché par l'équipe Obama : remonter dans les sondages US ! Objectif atteint. D'après l'organisme Gallup, sa cote de « popularité » serait remontée de 47 % à 52 %. (2)
Nous ne sommes plus dans l'utopie démocratique, où règneraient raison et justice, mais dans l'émotionnel, le fugitif, la poudre aux yeux. Car les questions des sondages, habilement formulées, avaient pour toile de fond l'engagement d'Obama de retirer les troupes d'Afghanistan, d'ici 18 mois. Ce que souhaite, en fait, la majorité des américains : le retour de leurs soldats « at home ».
On a vu ce que les engagements du « nouveau Président » valaient : les américains attendent toujours le retrait des troupes US d'Irak. Quant au centre de détention et de torture de Guantanamo, au procès public et équitable de ses internés, le reste du monde attendra.Il n'est pire sourd...
Refusant d'écouter le nouvel ambassadeur US à Kaboul, nommé en mars 2009, Karl Eikenberry. Cet ancien général, opposé à de nouveaux envois de troupes, a remué ciel et terre pour faire comprendre à Washington que la solution n'était pas militaire mais politique :
« Les problèmes américains en Afghanistan ne vont pas être résolus en tuant des gens, mais en aidant les Afghans à mettre en place des institutions gouvernementales fiables. » (3)
Les analystes les plus chevronnés de l'appareil de défense US, dès qu'ils ont la liberté de parole, insistent sur la nécessité de mettre un terme à l'aventure militaire, en Afghanistan mais aussi au Pakistan. Ainsi James Clad, ancien du Pentagone, dont la vision géopolitique est d'une rigoureuse clarté :
« Nous devons trouver la solution dans le cadre d'un règlement régional qui doit inclure l'Iran, la Chine, la Russie et l'Inde, dans un consensus global. » (4)
Les Russes, instruits de l'expérience de leur guerre en Afghanistan ne manquent pas de prodiguer leurs conseils de modération. Tel le général Igor Rodinov, qui a commandé les 120.000 hommes de la 40° Armée pendant 10 ans en Afghanistan, avant de devoir le quitter dans la défaite :
« Ils (les USA et leurs alliés) doivent comprendre qu'il n'y a aucune chance de succès militaire... Il s'agit d'un problème politique que nous avons été totalement incapables de résoudre par notre approche militaire. » (5)
De nombreux américains, citoyens, intellectuels, responsables, se mobilisent, contre cette folie guerrière. Sans être entendus... Beaucoup aux USA, hors les médias de la propagande ne cessant, avec Patrick Cockburn, de réclamer, manifester, pour le respect du droit à l'autodétermination, et laisser l'Afghanistan aux Afghans :
« Leave Afghanistan to the Afghans ! ». (6)
Tel Anthony DiMaggio dénonçant le « cynisme d'Obama » de prendre, avec son parti et son clan, une décision militaire uniquement dans un but électoraliste, celui de la préparation des élections présidentielles US de 2012 : La Politique du Cynisme - Afghanistan et les élections de 2012. (7)
Ou encore, Paul Craig Roberts, ancien ministre du Budget US, stigmatisant la « double fraude d'Obama », militaire et sociale :
« ... Tout l'argent public a été dépensé pour financer les banques et les guerres. Le peuple américain, excepté les 1 % "superriches", a été abandonné ». (8)
Dans une analyse décapante, Gary Leupp, historien spécialiste de l'Asie, mettant en lumière les réflexes idéologiques d'Obama :
« Obama est un politicien de la haute bourgeoisie traditionnelle qui, avec son Ministère des Affaires Etrangères, identifie les intérêts des multinationales américaines avec les intérêts « nationaux » ; persuadant ces derniers de se battre pour eux. Ou du moins, d'employer les soldats américains de se battre et de mourir pour eux ». (9)
D'autres, comme Susan Galleymore, militante de la paix pour avoir perdu un fils en Irak, rappelle, dans cet "Arc de la Guerre" allant de la Palestine à l'Afghanistan, l'écrasante responsabilité des USA :
« Reconnaître l'irréfutable évidence de "l'Arc d'Avilissement" qu'est la guerre, c'est l'obligation d'assumer notre responsabilité... et faire en sorte de ne plus jamais en accabler notre monde et ses populations ». (10)
Rien à faire.
Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre...
Et, puis Business is Business... Les experts et milieux d'affaires disent que c'est excellent pour l'économie. Exemple ? Isabel Sawhill, senior fellow dans le Think Tank néoconservateur The Brookings Institution, estime que les dépenses de guerre stimulent l'économie (11) :
« Toute dépense, même une guerre, peut être bonne pour l'économie. C'est grâce à cela que nous sommes sortis de "La Grande Dépression" des années 1930. » (12)
Conséquence : la bride est lâchée.
Terminator va pouvoir faire joujou avec tous ses gadgets mortifères. Les lobbies de l'armement, s'en mettre plein les poches.
Terminator danseuse "de luxe" des pays en faillite
Je ne sais si c'est le chiffre de « 30.000 », mais l'obstination du lobby militariste US, l'aveuglement de son état-major, me font penser à ceux du Portugal, en 1970, dans sa guerre pour maintenir son emprise sur le Mozambique.
Le général McChrystal, nouveau patron du dispositif occidental en Afghanistan, le plus fanatique des promoteurs de cette « escalade », semble le clone du général portugais Kautza de Arriaga.
Ce « fou de guerre » exerçait, à l'époque, son génie militaire dans cette partie du monde, que les « colonialistes » considéraient comme partie intégrante du Portugal. Ce fut une des plus atroces, des plus barbares guerres coloniales que des européens « pétris de valeurs » aient menées...
Archétype de ces généraux « jusqu'au boutistes » qui jalonnent l'histoire des guerres coloniales. Je l'ai évoqué dans un texte sur le poignant témoignage de la romancière portugaise Lidia Jorge, Le Rivage des Murmures :
« ... Mozambique, en 1970. Au plus fort de la guerre. Le général Kautza de Arriaga avait déclenché une opération de grande envergure avec 35.000 hommes et une centaine d'avions et d'hélicoptères près de la frontière tanzanienne. L'objectif étant de récupérer la ville et la région de Muda, que la résistance avait libérées.
Ce genre d'opérations folles, la « der des der », rêvées par des états-majors incapables de comprendre les mécanismes inexorables d'une guerre menée par une Nation pour sa Libération. Plus d'hommes, plus de matériel et plus d'argent, disent-ils, et nous éradiquerons ces indépendantistes, ces terroristes, ces insurgés, qui mettent en danger la civilisation occidentale ...
Les militaires portugais n'avaient pas retenu la leçon des récentes guerres d'indépendance des colonies françaises d'Indochine quinze ans plus tôt, ou d'Algérie huit ans plus tôt. Ils se croyaient plus forts... »
Vieille rhétorique belliciste, coloniale, de ces Terminator galonnés. Increvable. Encore un effort, clament-ils, le dernier, et on va gagner ! La Der des Der... Comme en 14, chaque guerre coloniale, chaque expédition. Chaque « opération » même, avec son nom pour marquer la campagne de communication, ou de propagande plutôt, comme les marques de lessive ou de jeux vidéos.
En fait, jusqu'à ce qu'ils aient déplacé l'intégralité de la population dans des camps de réfugiés, après en avoir exterminé le plus possible : hommes valides, jeunes et vieux. Pas d'état d'âme : ce ne sont que des rebelles, des insurgés, des terroristes, ou s'ils ne le sont pas, ils en sont des sympathisants, sauvages, barbares.
Les enfants ?... Tués ? Amputés ? Traumatisés ? Brûlés ? Ensevelis vivants dans les bombardements ? Dégâts collatéraux, inévitables. Comme les effets secondaires dans un traitement de choc. C'est à ce prix, qu'on sauve les Civilisations.
Le prix...
Et, le coût ?...
Rien qu'aux contribuables américains, le coût de la guerre en Afghanistan atteindrait 228 milliards de dollars, à ce jour. En 2009, 60,2 milliards de dollars auraient été dépensés pour les seules actions militaires. Avec un rythme d'augmentation exponentiel : de 3,5 milliards de dollars par mois sous Bush, on est passé à 5 milliards de dollars par mois avec Obama. (13)
Encore plus vertigineux : Le Center for Defense Information fait apparaître un montant "budgété" par le Congrès des USA, de 300 milliards de dollars pour toutes les dépenses US, en Afghanistan ou liées aux actions le concernant, forces armées, agences et ministères divers, y compris dépenses de maintenance ou médicales, pour l'année fiscale 2010. Contre 173 milliards en 2009, et 140 milliards en 2008.
Obama et les « Démocrates » font plus fort, que Bush et les « Républicains »...
Depuis l'invasion de l'Afghanistan, en 2001, le montant cumulé des dépenses des USA liées à l'Afghanistan, militaires et civiles, atteint le montant astronomique de 739,8 milliards de dollars (14).
Tout cela, comme le rappelle Jones, un des conseillers US à la Défense Nationale (National Security Adviser), alors que les Talibans ne sont pas "de retour", et que les membres d'Al-Qaida seraient moins d'une centaine en Afghanistan... (15)
D'ailleurs Gates, le patron de la CIA, le reconnaît : après huit ans de guerre de haute technologie, on ne sait toujours pas où se trouve Ben Laden qui est connu souffrir des reins et être sous dialyse... (16). Parallèlement, d'après les propres rapports de l'ONU, la culture de l'opium, depuis le contrôle et l'administration du pays par les USA et l'OTAN, a mystérieusement décuplé...
Des milliards par centaines, de quoi transformer l'Afghanistan en un pays aussi arboré et prospère que la Norvège...
Mais, où va tout cet argent ?... Aspiré comme le sont les galaxies par un gigantesque Trou Noir, non plus intersidéral mais financier.
Encore, n'a-t-on de disponibles que les chiffres US. Connaissez-vous le montant des dépenses françaises pour l'Afghanistan ?... Le coût mensuel de notre corps expéditionnaire : avions, blindés, transport, logistique ? Pour un Etat en faillite, comme ne cesse de le répéter le Premier ministre français, la gestion devrait se faire au centime près, dans la transparence.
Et, l'OTAN ?... Cette énorme machine bureaucratique, qui regroupe directement ou indirectement, au-delà des pays européens, tous les satellites américains : Corée, Taiwan, Japon Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, etc.
Ce que la France verse en contributions à l'OTAN, chaque année ? Les matériels et personnels que la France met à la disposition de l'OTAN, en termes de coûts pour le contribuable français ?...
Et, ce que l'OTAN jette par la fenêtre sous la rubrique « Afghanistan » ?... Dans les caisses de ce pôle d'incompétence, de gaspillage, dans l'impunité. Incapable de redresser ses échecs, accumulés depuis 8 ans en Afghanistan.
Impossible de savoir. Aucun débat public.
L'OTAN, véritable pôle antidémocratique, aussi. Ses dirigeants, dont on ne sait d'où ils sortent si ce n'est de tout sauf du suffrage universel. Parlant d'égal à égal, aussi arrogants que mégalomanes, avec les responsables élus des peuples européens. Réclamant sans cesse, eux aussi, plus d'argent, d'hommes et d'engagements, pour satisfaire les visions bellicistes et paranoïaques de cette organisation devenue ingouvernable. Sauf par le lobby de l'armement...
Toutes ces dérives illégitimes, dans le culte de l'opacité, du mensonge et de la gabegie. Induites par un appareil militaro-industriel, aux mains d'une oligarchie, d'une caste, qui échappe totalement au contrôle démocratique, celui des contribuables, de la collectivité, du peuple.
L'avez-vous remarqué ?... Dans nos pays occidentaux, les plus riches du monde, on multiplie les opérations de charité publique pour nourrir le pauvre, soulager le malade, financer la lutte contre les maladies.
Car, l'Etat n'a jamais assez d'argent pour financer le système de santé de la collectivité, les œuvres sociales, médicales. Il n'a même pas de quoi payer les heures supplémentaires de ses propres fonctionnaires, du moins les subalternes. Encore moins, la recherche médicale.
C'est tellement difficile de gérer un « Etat en faillite »...
Bizarrement, le même Etat n'éprouve jamais le besoin d'organiser des collectes publiques pour financer des investissements militaires, des expéditions coloniales ou des guerres lointaines. Les dons et versements s'affichant en temps réel sur un tableau lumineux. Genre : "TeleBomb", ou "BombAction"... Avec leurs petits rubans, leurs T-shirts, leurs campagnes médiatiques : bals, dîners de gala, concerts, ventes de CD ou DVD...
Non. Miracle ! Tous les budgets sont disponibles, à tout moment, pour tout montant. Instantanément. Comme pour renflouer les banquiers véreux. Dans la discrétion...
Normal.
« Défendre La Civilisation » n'est-il pas prioritaire ?...
George STANECHY
stanechy
1) Paru dans Le Figaro et Le Monde, le 7 octobre 1960. Parmi plus de 300 signataires, approuvant la guerre coloniale en Algérie, avec ses massacres, tortures et destructions, figuraient : Chaunu, Dorgelès, Maulnier, Pauwels, Michel de Saint-Pierre, Nimier, Déon, Blondin, Romains, Henri de Monfreid, Gabriel Marcel, Jacques Laurent, André François-Poncet, Gaxotte, Pierre de Bénouville, le colonel Rémy, le maréchal Juin, etc...
2) Eli Clifton, « Surge » sends Obama soaring, Asia Times, 10 décembre 2009, atimes
3) Karl Eikenberry : « America's problems in Afghanistan weren't going to be solve by killing people, but by helping the Afghans build credible governing institutions ». Cité par Mark Perry, The day the general made a misstep, Asia Times, 10 décembre 2009, atimes
4) James Clad : « We will need to anchor the result in a regional settlement - one that draws Iran, China, Russia and India into a common purpose ». Cité par Mark Perry, Op. Cit.
5) Général Russe Igor Rodionov : « They (the U.S. and its allies) have to understand that there is no way for them to succeed militarily...It is a political problem which we utterly failed to grasp with our military mindset ». Cité par Conn Hallinan, Obama's Escalation - An Af-Pak Train Wreck, fpif, 7 décembre 2009.
6) Patrick Cockburn, Leave Afghanistan to the Afghans – Why Afghans Oppose the Escalation, 9 novembre 2009, counterpunch
7) Anthony DiMaggio, Obama, Afghanistan and the 2012 Elections – The Politics of Cynicism, CounterPunch, 9 décembre 2009.
8) Paul Craig Roberts, The Twin Frauds of Obama, Afghanistan and Elkhart, Indiana, 4 décembre 2009, counterpunch : « ... In other words, all the public's money has been spent on the banks and the wars. The American people, except for the one percent of super-rich, have been abandoned. »
9) Gary Leupp, Obama as Hamlet, Wrestling With the Question of Afghanistan, CounterPunch, 24 novembre 2009 : « Obama is a traditional bourgeois politician who with his State Department identifies corporate U.S. interests as "national" interests and probably can be persuaded that they're worth fighting for. Or rather, using U.S. troops to fight and die for. »
10) Susan Galleymore, The Casualties of Toxic Warfare – Global Connection an the Arc of War, 1 décembre 2009, counterpunch :
« As we recognize the incontrovertible evidence in the arc of degradation that is war we must accept our responsibility for it...and ensure we no longer contaminate our world or its people ».
11) Isabel Sawhill : « Any kind of spending - even a war - can be good for the economy. That's how we got out of the Depression in the 1930s. ». Cité par Matthew Rusling, Afghanistan costly, but no budget buster, 11 décembre 2009, news
12) Cf. La Grande Dépression : fr
13) Chiffres énoncés par Jo Comerford, directeur du National Priorities Project, cité par Pepe Escobar in Stuck in Kabul, With Saigon Blues Again, 8 octobre 2009, Asia Times, atimes
14) Consulter le tableau des montants répertoriés année par année : "The Cost of Iraq, Afghanistan, and Other Global War on Terror Operations Since 9/11," Amy Belasco, Congressional Research Service Report for Congress, RL33110, p. CRS–6) ; and Center for Defense Information, "Defense Budget Tutorial : So, You Think You Know the Cost of the Wars ?" Web : www.cdi.org. et infoplease
15) In Pepe Escobar, Op. Cit.
16) Al-Qaïda : les Américains ignorent où se cache Oussama Ben Laden (Gates), 6 décembre 2009, fr
Photos d'enfants Afghans victimes des bombardements occidentaux :
i) Brûlé lors de l'écrasement de sa maison
ii) "Réfugié" à la suite de la destruction de son village
iii) Mutilé à la suite de "dégâts collatéraux"
legrandsoir http://w41k.info/34366