30 septembre 1982.
Recroquevillée dans le fauteuil qui barre l’accès à la fenêtre de ma chambre, je tente de plonger comme une forcenée dans les lignes du roman-jeunesse que je serre entre mes mains.
Peine perdue, je relis une dizaine de fois les mêmes passages sans parvenir à me fondre dans l’encre de la typographie, l’esprit incapable de comprendre un traitre mot de cette histoire que j’adore pourtant, « Lassie, chien fidèle ».
Tous mes sens sont aux aguets. Je sais que si la porte de ma chambre demeure close, tout restera comme avant. Difficile mais préférable.
Je me persuade même que si je continue à me concentrer sur ma lecture et si je ne bouge pas de mon fauteuil, rien d’irréparable ne pourra se produire. Je suis prête à rester cloitrée entre mes 4 murs et vivre dans un monde parallèle s’il le faut.
Des pas dans le couloir et la porte finit par s’ouvrir.
Je comprends et je m’avoue enfin la réalité des choses.
Je comprends le dénouement de la scène à laquelle j’ai assisté auparavant.
J’ai 11 ans et un fantôme vient de s’infiltrer à jamais par l’entrebâillement de la porte.
Je le verrai à chaque fois que je croiserai un miroir.
Je le toucherai à chaque livre feuilleté.
Mes respirations seront les siennes.
Nous sommes parties pour de longues années de face à face parfois douloureux.
J’ai 11 ans et je viens de perdre mon enfance.
Ma mère vient de lâcher ma main à tout jamais. Je n’avais pas eu assez de force pour la retenir.