Benoît XVI est peut être un pape conservateur, voir rétrograde mais, il n’ignore rien des techniques modernes de marketing. Pour mieux faire passer la béatification très controversée de Pie XII, le Vatican veut la lier à celle de Jean-Paul II. Une vente groupée qui mélange deux personnalités, deux parcours face à l’histoire radicalement différents. L’attitude très ambiguë de Pie XII à la tête de l’église catholique pendant le deuxième conflit mondial peut-elle être effacée demain par une canonisation difficilement compréhensible sinon, explicable ?
Qui connait le mieux Pie XII ? Le Vatican évidemment. Très logiquement, l’Etat d’Israël vient de demander l’ouverture des archives du Saint-Siège afin de pouvoir jugersur pièces la personnalité de l’ancien souverain pontife. Une demande pleine de bon sens formulée par le porte-parole des Affaires étrangères israélien Yigal Palmor :”Le processus de béatification ne nous regarde pas, c’est une question qui ne concerne que l’Eglise catholique. Quant au rôle de Pie XII, c’est aux historiens de l’évaluer et c’est pourquoi nous demandons l’ouverture des archives du Vatican durant la guerre mondiale.”
L’empressement de Benoit XVI à vouloir faire aboutir la béatification de Pie XII intrigue. Pourquoi en effet, ne pas attendre 2013 et l’ouverture au public des archives de l’église catholique ? Ne serait-ce pas la solution la plus sage pour rendre éventuellement justice à un Pape dont l’image est ternie par sa passivité supposée face à la Shoah ?
A l’inverse, le Vatican avance que, loin d’être passif face à l’extermination des Juifs, Pie XII aurait oeuvré en toute discrétion , par crainte qu’une action ouverte ne nuise aux juifs et aux catholiques d’Europe.
Pari osé. Dans l’état actuel des connaissances du grand public, l’approbation samedi par Benoît XVI d’un décret reconnaissant les “vertus héroïques” de Jean Paul II et surtout du pape Pie XII, prélude à leur canonisation, suscite un malaise légitime dans toute l’Europe.
Les représentants de la communauté juive italienne ont fait part de leur émoi et de leur incompréhension. “Nous n’oublions pas les déportations de Juifs d’Italie et en particulier le train qui a déporté 1.021 personnes le 16 octobre 1943, qui est parti de la station de Rome Tiburtina pour se rendre à Auschwitz dans le silence de Pie XII“, ont-il souligné alors que les défenseurs de Pie XII avancent qu’il ne connaissait pas la destination du convoi.
Au-delà de Pie XII, l’attitude très politique et polémique de Benoît XVI est pointée. Tentative de réécrire l’histoire pour les uns, tentative d’imposer un jugement définitif et unilatéral sur l’oeuvre historique de Pie XII pour les autres, le bon sens revient à des associations juives qui demandent simplement que le processus de béatification concernant Pie XII soit mis entre parenthèses, le temps d’examiner de façon approfondie les archives de l’époque.
Le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), s’inscrit sur cette ligne. Richard Prasquier juge dans une interview à paraître lundi dans La Croix que la décision de béatifier Pie XII est “prématurée” et témoigne d’une “négligence” du Vatican.
Que Benoît XVI tente de restaurer et de corriger la vérité sur le pontificat de Pie XII est une chose. Qu’il s’évertue à vouloir faire saint un Pape dont le Pontificat restera marqué par une grande impuissance face aux nazis en est une autre. Car, pour faire un saint, il faut un miracle. Or, de ce côté, Pie XII, n’en n’a pas fait.
Le pouvait-il ? Dans le carcan diplomatique d’un micro Etat tout juste toléré , il a sans doute, c’est aux archives de le démontrer, entrepris tout ce que, humainement, il pouvait faire pour sauver les juifs sans mettre en cause les biens matériels de l’église catholique. “Humainement”, … ce ne serait déjà pas si mal.
Pour être complet, il convient,de rappeler que Benoît XVI n’est pas à l’origine de la procédure de béatification de Pie XII. Celle-ci a été lancée en 1967.