Cher Aymeric,
Ce qui me fait particulièrement plaisir dans l'aventure qu'a representée la réalisation de ce livre, c'est que tout le monde a donné le meilleur de lui-même pour qu'il soit le plus beau possible. L'éditeur Albin Michel n'a pas lésiné sur les moyens en engageant un designer de réputation internationale, Peter Saville, en choisissant le plus beau papier et le meilleur imprimeur, qui est français. En ce qui me concerne, j'avais carte blanche et j'étais seul avec personne derrière moi pour me dire ce que j'avais à faire ni comment le faire. J'avais le trac mais pas le temps pour les doutes. Une journée 1/2 par maison.
J'éprouve aujourd'hui une grande satisfaction pour l'ensemble de l'ouvrage mais aucune vanité personnelle. Le travail, c'est le travail, il faut le faire bien, il n'y a rien de plus normal.
Je n'ai jamais rencontré Monsieur Saint Laurent mais j'ai presque commencé ma carrière de photographe en photographiant son bureau avenue Marceau, il y a vingt ans pour le Vogue américain en compagnie d'André Léon Talley et j'avais été frappé par l'élégance de cette pièce, un moment de perfection dans le goût francais. J'ajoute que je suis un des derniers descendants d'une longue lignée de mécènes ukrainiens à qui la ville de Kiev doit encore tous ses musées conservés intacts et nationalisés. Je vois en Yves Saint Laurent un des derniers grands esthètes d'une époque révolue mais familière. Celle de Luchino Visconti, Karajan, de mes propres grands-parents qui étaient de grands flamboyants et un certain nombre d'aristocrates anglais, italiens, égyptiens même.
Saint Laurent n'était pas issu de la grande aristocratie internationale mais il en avait l'étoffe et le goût. Je me suis assis dans son fauteuil et j'ai montré ce qu'il voyait, tout simplement et sans vouloir faire oeuvre de créativité en cherchant le cadrage inédit, sans rééclairer artificiellement, mais en m'appliquant sur certains détails signifiants. Je veux pour exemple cette photo prise dans un tiroir dans la bibliothèque du Château Gabriel qui contient des cartes routières, des bobines de films et surtout, petit détail mais qui en dit long sur le raffinement et le luxe d'une grande maison, la liste des chambres imprimée sur des feuilles de papier où sera inscrit le nom des invités. Dans ses films, Visconti voulait que les tiroirs soient remplis.
Je n'ai qu'un petit regret, c'est que le livre mélange sur un même plan, le monde d'Yves Saint Laurent et celui de Pierre Bergé. Pour proches qu'ils aient été, Saint Laurent décidait et disait "je", Pierre Bergé, "nous", ce n'est pas du tout la même chose. Monsieur Bergé mériterait son propre ouvrage car pour l'Histoire, même si les deux hommes se sont accompagnés, leurs empreintes ne se confondront pas.
Bien à vous,
Ivan
Remerciements:
Ivan Terestchenko - Photographe -
Textes & Photographies Ivan Terestchenko © 2009
Une série réalisée pour le livre: Les paradis secrets d'Yves Saint Laurent et de Pierre Bergé, de Robert Murphy (Auteur), Peter Saville (Créateur), Pierre Bergé (Introduction), Ivan Terestchenko (Photographies).
Editeur Albin Michel